Fouilles archéologiques Mission de Madāʾin Ṣāliḥ, ancienne Hégra (Arabie)
Madâin Sâlih, l’ancienne Hégra aux époques nabatéenne et romaine, est un grand site archéologique du Hijâz saoudien, à environ 300 km au nord-ouest de la ville de Médine. Il se trouvait dans l’Antiquité à la frontière sud du royaume nabatéen et, à partir de 106 ap. J.-C., à la frontière sud de la province romaine d’Arabie créée durant le règne de l’empereur Trajan sur les dépouilles de ce royaume. Hégra était également sur l’axe de circulation nord-sud, ou route de l’encens, qui reliait le sud de la péninsule Arabique à Pétra et à la Méditerranée. En raison du caractère unique de ses vestiges et de la beauté de ses paysages, le site a été inscrit en 2008 sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Il s’agit avant tout d’une oasis, approvisionnée en eau et irriguée par 130 puits grâce à une nappe phréatique qui était proche de la surface du sol dans l’Antiquité. Sa période d’occupation s’étend sur un peu moins d’un millénaire, de 400 av. J.-C. à 400 ap. J.-C. environ. Des tombes plus anciennes, de l’âge du Bronze, y ont également été mises en évidence.
Le site antique présente un ensemble très bien conservé d’une centaine de tombeaux rupestres nabatéens à façade décorée, comparables à ceux de Pétra, la capitale nabatéenne (fig. 1 et 2).
La ville antique proprement dite, entourée d’un rempart construit en briques crues, occupe une cinquantaine d’hectares dans la partie centrale de la plaine. Enfin, les Nabatéens étaient adeptes des confréries religieuses dont les membres ont gravé leur signature, en nabatéen, à proximité des salles de banquet où ils prenaient des repas en commun et où ils étaient divertis par deux musiciennes. La plupart de ces salles de banquet se trouvent dans un secteur isolé au nord-est du site, loin des turbulences de la ville, connu sous le nom de Jabal Ithlib.
La Mission archéologique de Madâ’in Sâlih a été créée par le ministère des Affaires étrangères en 2002 après une mission exploratoire dirigée par Jean-Marie DENTZER, membre de l’Institut (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), en 2001. Il s’agit d’une mission conjointe, franco-saoudienne (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, CNRS, Saudi Commission for Tourism and National Heritage). Un premier programme de recherche (principalement de prospections) s’est achevé en 2005. Deux autres programmes de recherche, principalement de fouilles, l’ont suivi et ont entraîné l’ouverture d’une vingtaine de chantiers dans les différents secteurs du site : la ville, les tombeaux et le secteur des confréries religieuses (fig. 3).
L’objectif de la mission est de mettre en évidence, sur le long terme, les phases de développement, de stagnation, de repli et d’abandon de la ville tout en cherchant à définir, pour chaque période, les caractéristiques principales de l’occupation. L’ensemble du matériel mis au jour, de la céramique aux monnaies en passant par les restes végétaux et fauniques, les cuirs, les textiles, le verre, etc. est étudié par une équipe de spécialistes.
Depuis ses débuts, en 2002, la mission a fait de belles découvertes, parmi lesquelles plusieurs salles de banquet utilisées par les confréries, une tombe de l’âge du Bronze datée d’environ 2000 av. J.-C., une porte du rempart qui a livré plusieurs inscriptions grecques et latines d’un grand intérêt historique (fig. 4), dont une peinte en excellent état de conservation, un camp romain (fig. 6) – le plus méridional de l’Empire, un grand sanctuaire nabatéen, ainsi que les objets utilisés par les Nabatéens pour inhumer leurs morts dans les tombeaux, ce qui a permis de restituer pour la première fois le rituel funéraire, etc.
La mission a reçu ou reçoit des financements à la fois publics (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ; Ambassade de France à Riyad ; CNRS ; Labex RESMED) et privés (Prix d’archéologie 2008 de la Fondation Simone et Cino del Duca de l’Institut de France, OTV-Veolia, Airbus Group, Thalès).
Les objectifs principaux pour les années 2018 et 2019 sont la fouille de trois ensembles de vestiges : le camp romain accolé au rempart sud de la ville et le grand sanctuaire nabatéen intra muros, deux monuments dont la fouille a déjà commencé. S’y ajoutera si possible la fouille d’une tour de guet et d’une tombe antérieures à l’arrivée des Nabatéens et qui pourraient être d’époque lihyanite (Ve-IIIe siècle av. J.-C. ?). S’y ajouterait, à condition d’obtenir les autorisations nécessaires, une prospection le long de la piste caravanière qui reliait certainement Hégra et Médine et dont l’objectif serait à la fois de préciser le tracé de la voie et de relever les inscriptions nabatéennes, nabatéo-arabes et arabes qui le jalonnent.
Laïla Nehmé
Publication de l’Académie
L. Nehmé (dir.), avec des contributions de J.-C. Bessac, J.-P. Braun, J. Dentzer-Feydy J., et L. Nehmé, Les tombeaux nabatéens de Hégra (Épigraphie & Archéologie, 2). Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2015.
Lien complémentaire
- Les rapports de la mission Madâin Sâlih sont disponibles sur le site des archives ouvertes du CNRS : https://hal.archives-ouvertes.fr/, rechercher « Hegra ».
- La Commission consultative des recherches archéologiques à l’étranger du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.