Le vendredi 12 avril 2019, s’est déroulée la cérémonie de remise du prix Antoine MEILLET (1866-AIBL1924-1936) qui a été décerné à Mme Zlatka Guentchéva pour l’ensemble de son œuvre dans les domaines des langues slaves et balkaniques, de la linguistique générale, et en particulier de la typologie.
Après quelques mots d’accueil prononcés par le Secrétaire perpétuel Michel ZINK, M. Charles de LAMBERTERIE a présenté la récipiendaire et lui a remis un diplôme ainsi que la médaille de la fondation Antoine MEILLET. Dans son discours de remerciement, Mme Zlatka Guentchéva a retracé les grandes lignes de sa formation et de sa carrière au cours de laquelle elle a noué des liens particuliers avec les linguistes Bernard POTTIER et Gilbert LAZARD, auquel elle a succédé en 1994 à la tête du groupe de recherche RIVALC (Recherches inter-linguistique sur les Variations d’Actance et leurs Corrélats).
Lors de cette remise, M. Charles de LAMBERTERIE, membre de l’Académie, a évoqué, à l’issue du discours qu’il a prononcé pour présenter la récipiendaire de ce prix, la mémoire du regretté Gilbert LAZARD (1920-AIBL 1980-2018), et révélé à cette occasion une découverte récente relative à une période dramatique de la vie de ce savant, ce qui a suscité une forte émotion dans l’assistance.
Après avoir souligné la générosité de Gilbert LAZARD, qui avait désiré que ses livres de linguistique soient donnés à la Bibliothèque de l’École Normale Supérieure, et précisé qu’à la demande de Madeleine Lazard il s’était chargé, avec Mme Claire Moyse-Faurie (CNRS), de mener à bien cette opération, M. Charles de LAMBERTERIE s’est exprimé en ces termes en présentant une édition de 1937 de l’Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes d’Antoine MEILLET : « Quelle n’a pas été notre surprise, lorsque nous avons fait l’inventaire de la bibliothèque de Gilbert LAZARD, de découvrir qu’elle contenait cet exemplaire portant sur la page de garde l’annotation au crayon suivante : « G. Lazard, Dachau, avril 1945 » – et sur la page de titre intérieure le tampon « Lager-Bücherei », qui se retrouve à plusieurs reprises sur d’autres pages du livre. Ainsi donc, ce lieu d’inhumanité (même si Dachau n’était pas un camp d’extermination) avait une bibliothèque. Gilbert LAZARD, né en 1920, n’a pu connaître Antoine MEILLET. Mais pendant ses années de scolarité à la rue d’Ulm sous l’Occupation – interrompue par son activité dans la Résistance, qui lui valut d’être déporté à Dachau en 1944 –, il fut l’élève d’un de ses élèves, l’helléniste Pierre CHANTRAINE (1899-AIBL 1953-1974). Pour les études iraniennes, il n’a pu suivre l’enseignement d’Émile BENVENISTE (1902-AIBL 1960-1976) qu’après la guerre, du fait que ce savant avait été démis de ses fonctions par le régime de Vichy en vertu des lois raciales, mais nous avons maintenant la preuve qu’il s’intéressait, dès ses années d’études, à la grammaire comparée des langues indo-européennes, discipline dont Émile BENVENISTE était en France le représentant le plus fameux. Le livre est-il arrivé à la bibliothèque du camp à la demande de Gilbert LAZARD, ou s’y trouvait-il déjà auparavant ? Nous l’ignorons, et n’avons pas entrepris de recherches à ce sujet. La date d’avril 1945 est celle de la libération du camp ; Gilbert LAZARD a pu alors emporter le volume et, à son retour à Paris, le faire relier. » Avec l’accord de Madeleine Lazard, ce document émouvant a été remis à la Bibliothèque de l’Institut.