Fouilles archéologiques La Mission archéologique française à Pétra (Jordanie)

1. La présence épigraphique et archéologique française à Pétra

 

La création d’une antenne de l’Institut français d’Archéologie du Proche-Orient à Amman (1977), à l’initiative d’Ernest WILL, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, constitue un acte fondateur de la présence archéologique française en Jordanie. Elle a permis d’asseoir dans la durée une activité archéologique et scientifique à la fois importante et ancienne dans le territoire du royaume Hachémite de Jordanie et, en particulier, de développer une intense recherche épigraphique et archéologique à Pétra. Cette présence française remonte aux premières explorations du site, au voyage de L. de Laborde et L. M. A. Linant de Bellefonds (1828).

 

Elle s’inscrit durant la première moitié du XXe siècle dans un paysage historiquement marqué par la recherche biblique menée par plusieurs institutions confessionnelles basées à Jérusalem, donc l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, ainsi que par la présence mandataire britannique.

 

On soulignera d’emblée l’ancienneté de la tradition philologique française dans les études sémitiques et, en ce qui concerne Pétra, sa place centrale dans l’étude du nabatéen, dialecte araméen relevant des langues ouest-sémitiques. Cette tradition est ancienne et soutenue par la création, à l’initiative d’Ernest RENAN, du Corpus Inscriptionum Semiticarum, projet piloté par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et dont plusieurs volumes consacrés au nabatéen furent publiés entre 1893 et 1907. Ces études ont de tout temps constitué un axe essentiel de la recherche française dans la région, relayées par des savants d’envergure, au premier rang desquels se rangent Jean Starcky (1909-1988) et Jozef Tadeusz Milik (1922-2006). Leurs prospections et publications à Pétra constituent autant de jalons essentiels, dans le sillage desquels s’inscrit la recherche française actuelle. Ce projet se poursuit aujourd’hui, avec la publication par Laila Nehmé de l’Atlas archéologique et épigraphique de Pétra dont le premier volume a paru en 2012, travail unique en son genre qui renouvelle profondément à la fois l’approche et la forme du Corpus tel qu’il avait été imaginé par ses premiers concepteurs.

 

C’est à Jean-Marie DENTZER, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, qu’il revient d’avoir donné une nouvelle impulsion aux recherches françaises à Pétra à partir des années 1980. Convaincu de l’absolue nécessité de recourir à un éventail toujours plus grand de nouvelles technologies permettant de multiplier les axes de recherche, J.-M. DENTZER a renouvelé l’approche traditionnellement mise en œuvre à Pétra au profit d’une étude spatiale, globale et intégrée des problématiques. Il a ainsi, et à titre d’exemple, cherché à exploiter les données engrangées par diverses missions pionnières menées à partir des années 1970 à Pétra par l’Institut géographique national (Paris), qu’il s’agisse des premiers relevés photogrammétriques mis en œuvre sur les monuments rupestres de la ville ou de photographies aériennes témoignant de l’environnement naturel dans lequel ils s’inscrivent. Instruits des regards experts du géographe Pierre Gentelle et du géomorphologue Jacques Besançon invités à explorer les environnements pétréens, les archéologues qui ont œuvré dans le cadre des missions françaises à Pétra ont très tôt développé une sensibilité accrue à la gestion des ressources naturelles : eau, réserves alimentaires, combustible, flore et faune sont au cœur de la recherche actuelle sur les divers chantiers ouverts, dans le cadre de recherches doctorales ou mis en œuvre par des personnels rattachés à divers laboratoires du CNRS. Dans le registre des recherches techniques en même temps que globales, il faut aussi mentionner le travail pionnier de J.-C. Bessac sur Le travail de la pierre à Pétra (2007).

Le Qasr al-Bint : un monument phare du Proche-Orient hellénistique et romain

 

Par sa situation au cœur de la ville antique et la conservation de la totalité de son élévation, le temple appelé Qasr al-Bint constitue, à côté de la Khazneh, l’un des bâtiments les plus emblématiques de Pétra. Les travaux de dégagement, débutés par des collègues britanniques dès l’époque mandataire, se sont poursuivis à partir de 1979 sous la houlette du Département des Antiquités de Jordanie et la direction de Fawzi Zayadine.

 

En raison des liens historiques développés entre ce grand savant jordanien et l’Institut français de Beyrouth, une étroite collaboration fut engagée dès la création de l’antenne jordanienne de l’Institut français du Proche-Orient, cette institution offrant au Département des Antiquités l’expertise et le savoir-faire de l’architecte François Larché. Ces travaux de longue haleine furent couronnés en 2003 par la publication en grand format d’une monographie de prestige Le Qasr al-Bint de Pétra, l’architecture, le décor, la chronologie et les dieux (2003).

2. La Mission archéologique française à Pétra

 

À la demande du Département des antiquités jordanien et de son co-directeur F. Zayadine, qui souhaitait une exploration archéologique des alentours du Qasr al-Bint, une première mission archéologique fut créée en 1999. Elle fut ensuite placée sous la responsabilité de Christian Augé, directeur de recherche CNRS, lors de la création de la Mission archéologique française « De Pétra à Wadi Ramm » (2001-2015), rattachée à l’équipe du CNRS Archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain – APOHR, Laboratoire ArScAn à Nanterre. En 2016, la Mission archéologique française à Pétra (MAFP), passée sous une nouvelle direction, a redéfini ses objectifs autour d’un projet quadriennal centré cette fois sur l’étude des sanctuaires de Pétra, élargie à l’ensemble de son territoire.

2.1. Autour du Qasr al-Bint : un millénaire d’occupation du centre urbain

 

L’exploration archéologique des alentours du Qasr al-Bint menée autour par François Renel et son équipe d’archéologues de l’INRAP a permis de restituer l’évolution de ce qui paraît à ce jour avoir été l’un des plus anciens noyaux d’occupation de la ville, localisé dans la cuvette du Wadi Musa, sur près d’un millénaire, de la première occupation du secteur vers la fin du IVe siècle / début du IIIe siècle av. notre ère jusqu’à son abandon au début du Ve siècle ap. J.-C. Les premiers aménagements archéologiquement identifiés (terrasses) correspondent aux premières attestations littéraires de populations qualifiées de nabatéennes dans les sources classiques (Diodore de Sicile). Les sondages ouverts sous le dallage du téménos du Qasr al-Bint ont révélé plusieurs séquences constructives, dont un village étendu sur près de 200 mètres le long de la rive gauche du wadi, associant maisons à cours et productions artisanales (céramique, tabletterie). Ces découvertes constituent une étape majeure de la compréhension des occupations nabatéennes anciennes sur le site. Cet ensemble d’époque hellénistique fut condamné par le programme de construction, commencé vers le milieu du Ier siècle av. J.-C., du Qasr al-Bint et des grands ensembles adjacents, cultuels ou résidentiels.

 

L’autre apport décisif des travaux de la mission est la mise en lumière du programme architectural signant la reprise en main par Rome de l’espace politico-religieux du pouvoir nabatéen, après 106, date de l’annexion du royaume nabatéen indépendant et de la création de la Provincia Arabia. Ce que nous identifions comme l’espace palatial nabatéen fut probablement abandonné, le pouvoir romain imposant sur ses ruines nivelées un nouveau temple au culte impérial. Le téménos du Qasr al-Bint fut entièrement réorganisé par l’adjonction de nouveaux propylées calqués sur le modèle de l’arc triomphal, par la construction d’un grand autel à la romaine, ainsi que par le « rhabillage » des escaliers du Qasr par des marches de marbre. Enfin, la construction d’un impressionnant bâtiment à abside dédié aux co-empereurs Marc Aurèle et Lucius Vérus refermait la perspective du téménos dans l’ombre d’un Qasr al-Bint conservé mais rénové (infra). Les fouilles ont permis de préciser les phases d’occupation postérieures de cet espace, mettant au jour une séquence entièrement renouvelée du centre urbain. Les événements majeurs sont sans conteste une destruction datée de la seconde moitié du IIIe siècle, que l’on est tenté de rapprocher de possibles raids palmyréniens contre la ville, et des occupations religieuses païennes à insérer entre le séisme du 17 mai 363 et celui, probable, de 418. De nouvelles hypothèses relatives au récit hagiographique des conversions païennes dues au moine Barsauma en 420 peuvent être proposées. Il faut mentionner aussi de grands chantiers de récupération de matériaux se succédant aux Ve et VIe siècles, ainsi qu’une réoccupation médiévale fortifiée du portique de façade du temple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2.2 Le bâtiment impérial à abside

 

La suspension des campagnes de terrain en 2020 a été mise à profit pour préparer la publication d’une monographie sur le bâtiment exceptionnel mis au jour à l’ouest du téménos du Qasr. Thibaud Fournet, architecte de la mission, a ainsi procédé à l’analyse des éléments conservés in situ, retrouvés en chute ou en remploi dans des bâtiments d’époque byzantine de la ville, et proposé une étude et une restitution architecturale de ce bâtiment. Les données archéologiques établies par François Renel permettent d’identifier plusieurs projets constructifs inachevés successifs et plusieurs changements radicaux de programme, le dernier étant achevé dans le courant des années 160 ap. J.-C., ce dont témoigne l’inscription dédicatoire monumentale du bâtiment aux empereurs Marc Aurèle et Lucius Vérus, et à « toute leur maisonnée » (Maurice Sartre).

 

De nombreux fragments d’une statue colossale de Marc Aurèle en marbre de Thasos ont été retrouvés et ont fait l’objet d’une restauration (Anaïs Lechat) et d’une étude détaillée (Cécile Evers). Le décor architectural et le décor figuré ont été étudiés respectivement par Jacqueline Dentzer-Feydy et par Pascale Linant de Bellefonds, ce dernier associant à des divinités locales (Dousarès, Isis) douze divinités majeures du panthéon romain disposées dans les registres supérieurs. Le travail d’inventaire et de modélisation des blocs (Thibaud Fournet) a permis de sélectionner environ 600 blocs attribuables au bâtiment impérial à abside et utiles à son anastylose graphique. L’étude porte en réalité sur la moitié méridionale du bâtiment toujours debout à l’époque byzantine et détruite tardivement (séisme de 748 ?), les matériaux de la totalité de la moitié nord de l’édifice ayant été récupérés aux Ve et VIe siècles. La reconstitution progressive de sous-ensembles architecturaux (ordres, niches, porte, etc.) permet de proposer une restitution crédible de l’élévation du bâtiment qui présentait, de part et d’autre d’une grande abside centrale, des éléments comparables à ceux d’une scaenae frons à deux registres, qui rivalisait ainsi par sa hauteur monumentale avec le Qasr al-Bint immédiatement voisin.

 

 

 

 

 

2.3. Les espaces religieux et associatifs de Pétra

 

Témoignant de la vigueur de la recherche française dans le domaine nabatéen en Jordanie, les fouilles du sanctuaire de Khirbet edh-Dharih, situé à 80 km au nord de Pétra (Fr. Villeneuve, Z. al-Muheisen, 1984-2007) ont permis de développer une expertise unique dans le domaine religieux nabatéo-romain à travers de multiples collaborations entre la recherche francophone et le monde arabe, dans cet important sanctuaire situé aux limites septentrionales du territoire de Pétra. Elles ont mis au jour un sanctuaire phare dont le célèbre site de Khirbet at-Tannur fouillé par N. Glueck en 1937 constitue le haut-lieu. C’est à la suite d’une recherche doctorale sur Le temple nabatéen que se sont développés les programmes d’exploration et de fouille des espaces religieux de Pétra : fouille d’un sanctuaire tribal de la périphérie (« Chapelle d’Obodas » 2001-2013), entreprise en 2001 par L. Nehmé et dirigée ensuite par L. Tholbecq de 2002 à 2007, et problématique des « hauts-lieux » (Jabal Numayr 2010, Jabal Khubthah 2012-2019), à l’origine d’un renouvellement fondamental de la compréhension de ces sommets dominant la capitale nabatéenne. La reprise de cette exploration est justifiée par l’obsolescence des relevés de terrain remontant encore dans leur grande majorité aux publications pionnières de G. Dalman (1908 et 1912). C’est ainsi qu’un relevé systématique des stibadia de la ville, un espace spécifique de banquet de plan semi-circulaire, a permis d’en renouveler l’inventaire et la compréhension, en replaçant le développement de cette infrastructure originale dans le champ de l’histoire de l’art du bassin méditerranéen tout entier.

 

L’étude a ensuite été étendue à plusieurs sanctuaires péri-urbains, au Wadi Sabra, un important sanctuaire situé sur le principal accès caravanier méridional de la ville (infra), mais aussi à Khirbet Braq, qui doit son existence à la présence de l’une des sources pérennes de la montagne calcaire qui alimentaient Pétra dans l’Antiquité ; cette source explique l’implantation en ce lieu d’un sanctuaire à l’époque nabatéo-romaine et d’autres constructions qui s’y sont adjointes (caravansérails) à des époques qui restent à déterminer.

2.5 Jabal Khubthah : du haut-lieu nabatéen au hameau tardo-antique

 

Le Jabal Khubthah domine la cuvette du centre-ville depuis l’est ; c’est sur ses flancs qu’ont été taillés les tombeaux rupestres les plus spectaculaires de Pétra constituant la nécropole dite royale (tombeau palais, tombeau corinthien, tombeau bigarré et tombeau à l’urne). Une prospection du sommet du Jabal a révélé en 2012 la présence de nombreux vestiges inconnus que la fouille, menée entre 2015 et 2019 sous la direction de Nicolas Paridaens, a permis de caractériser et de dater. Trois ensembles ont été identifiés : d’une part, un pôle religieux associant stibadium, plateforme d’exhibition des bétyles et bâtiment de prestige (salle de banquet puis temple) s’est développé au nord du plateau entre l’époque nabatéenne indépendante et le début du Ve siècle ap. J.-C. La fonction religieuse des vestiges est assurée. Il semble que l’on assiste ici à la transformation d’espaces cultuels à ciel ouvert (plateforme d’exposition et espaces de banquets associés en phases 1 et 2), en un édifice bâti et couvert, désormais accessible par des emmarchements monumentalisés côté nord (phases 3 et 4).

 

Côté sud, c’est un surprenant bâtiment balnéaire qui a été mis au jour en bordure de falaise ; topographiquement associé à un naos partiellement rupestre, il est conservé dans un état tardo-romain. Les salles thermales, qui ont connu des transformations internes, s’organisent en un parcours classique : grande salle d’accueil polyvalente (1), frigidarium (2), première salle chaude (3, destrictarium/laconicum ?), salle du bain chaud (5, caldarium), puis retour au secteur froid (initialement à travers un tepidarium, transformé dans un second temps en vestiaire, 4). Son étude a été étendue aux systèmes d’adduction, de retenue (citerne) et de pression (château d’eau) adjacents.

 

Le troisième pôle est constitué de bâtiments domestiques d’époque nabatéenne, tardo-romaine et proto-byzantine sondés par Z. T. Fiema. Les vestiges mis au jour sont situés à l’est du sommet d’Umm al-‘Amad, dominé par une tour (?) isolée, et à l’ouest d’un grand réservoir. Ces bâtiments témoignent du développement inattendu d’un hameau tardo-antique sur les hauteurs du Jabal Khubthah.

 

 

 

 

2.6 Wadi Sabra : le sanctuaire nabatéo-romain et son théâtre rupestre

 

 

Le Wadi Sabra est une étroite vallée située à environ 6,5 km au sud de Pétra et permettant d’accéder à la capitale nabatéenne. Une campagne de prospection menée en 2014 a révélé la présence, à côté du théâtre rupestre qui a fait la célébrité du site dès sa découverte en 1828 par Léon de Laborde, d’un sanctuaire extra-urbain intégrant deux temples dans un téménos de 50 x 70 m, d’un ensemble thermal jusque-là inconnu et d’un hameau dominant le téménos fortifié à l’époque tardo-romaine.

 

D’après les structures visibles et le matériel recueilli, le site s’est développé entre la fin du Ier s. av. J.-C. et le début du Ve s. ap. J.-C. À ce stade de la réflexion, la présence de ce sanctuaire incite à reconnaître dans le théâtre du Sabra un espace destiné à accueillir des « réunions générales » (panégyries), assemblées à la fois religieuses et politiques, similaires à celles signalées par Diodore de Sicile (e.g. B.H. XIX, 95, 1).

 

Les fouilles menées sur ce secteur (2018-2021) ont livré des informations décisives avec, en particulier, la découverte d’un bâtiment isolé à cour centrale, interprétée pour l’heure comme un possible caravansérail du IIe siècle, apparemment transformé en fortin à l’époque romaine tardive et situé à proximité immédiate du théâtre. Ce dernier permet de proposer de nouvelles hypothèses sur les transformations du théâtre rupestre à l’époque romaine : si son creusement s’explique sans doute par la présence de festivals liés au grand sanctuaire nabatéo-romain identifié en 2014, le théâtre rupestre voit son orchestra fermée par un mur massif, dans le courant du IIe siècle. En tout état de cause, une telle transformation d’orchestra en arène n’est pas inhabituelle en contexte militaire.

 

Le sanctuaire, non fouillé, ne semble pas avoir cessé de fonctionner avant le milieu du IVe ou le début du Ve siècle apr. J.-C. ; de son côté, le théâtre a, durant cette période, subi plusieurs transformations dont l’une, destructive, a entraîné le remploi de ses sièges dans des réfections des murs de fermeture de l’orchestra. Ces transformations structurelles et la destruction des gradins dans une phase secondaire semblent militer pour une évolution radicale des fonctions du théâtre et un détachement probable des pôles sanctuaire / théâtre, à une date qui reste à préciser.

 

La gestion des eaux de source et de pluie, provenant du massif dans lequel le théâtre fut creusé, a constitué un souci constant, appelant diverses solutions constructives, de l’aqueduc du IIe siècle à l’immense citerne construite en amont de la cavea après l’abandon du théâtre. Cette présence militaire explique peut-être ainsi la fermeture peu orthodoxe de l’orchestra, quelle que soit la fonction de l’espace ainsi circonscrit (espace d’entraînement, protection et alimentation des montures, réservoir…).

 

 

 

2.7. Les thermes à Pétra

 

Les pratiques thermales nabatéennes étaient singulièrement méconnues il y a encore quelques années ; c’était l’un des constats du programme de recherche Balnéorient. En moins de dix années, la situation s’est totalement inversée : l’identification des « Thermes du Centre », gigantesque complexe thermal d’époque romaine fouillé par une équipe jordanienne et dont le relevé a été assuré par la mission archéologique française, a été suivi de la découverte successive des bains du Jabal Khubthah et du Wadi Sabra (supra). Un quatrième édifice a été ensuite identifié par T. Fournet dans la montée du Deir, tandis que nos collègues américains et allemands découvraient respectivement des bains au nord du centre-ville et au sommet d’Umm el-Biyara. Avec les bains déjà connus au Wadi Ramm et à Dharih, Pétra et ses environs ont désormais livré les vestiges d’une dizaine d’édifices thermaux, qui permettent une première synthèse. Lorsqu’elle est connue, la période de construction de ces édifices est rarement antérieure au troisième tiers du Ier s. apr. J.-C., la majorité se développant plutôt après l’annexion de 106, selon des modèles architecturaux bien romains.

2.8 Culture matérielle

 

Au terme de chacune des campagnes, l’abondant mobilier mis au jour fait l’objet d’un inventaire abouti (description, photographies, dessins) destiné à être exploité par les différents spécialistes. La masse documentaire engrangée au fil des campagnes, qu’il s’agisse des opérations menées autour du Qasr al-Bint, de la Khubthah ou du Wadi Sabra, offre ainsi un référentiel céramique exceptionnel pour Pétra et pour la compréhension de la culture matérielle nabatéenne et son évolution entre les périodes hellénistique et byzantine. Plusieurs milliers de tessons et formes complètes ont été documentés par François Renel et permettent d’alimenter une typologie en cours de construction destinée à être publiée sous la forme d’un manuel.

 

Par ailleurs, outre la présence au sein de ce corpus de formes inédites dont une série de lampes à becs multiples en terre cuite, l’étude des nombreuses importations figurant au sein de ces ensembles permet d’étudier l’évolution des approvisionnements en amphores et en céramiques fines à Pétra sur la longue durée et de replacer cette cité caravanière dans le réseau du commerce à longue distance. Par exemple, l’étude du répertoire céramique d’époque byzantine témoigne non d’un déclin de la ville mais de la pérennité des activités et des échanges avec la Méditerranée, confortant l’image d’une cité active depuis l’époque hellénistique jusqu’à la fin de son occupation.

 

Les autres artefacts ont fait l’objet de plusieurs campagnes de restauration et d’étude, qu’il s’agisse des matières dures animales, du verre, du marbre, du métal (y compris la numismatique) ou des écofacts (ossements humains et animaux, macro-restes végétaux).

 

Ces études alimentent les rapports annuels de la mission, la réalisation de diplômes universitaires et de monographies à venir. Sont également menées plusieurs études du décor, qu’il s’agisse des éléments architecturaux ou des enduits peints.

 

 

 

 

 

 

 

 

Laurent Tholbecq

maître de conférences (chaire d’Archéologie des provinces romaines, Université libre de Bruxelles) – laurent.tholbecq@ulb.be

 

Légendes des figures :

 

  • Fig. 1 : Pétra. Vue aérienne du centre urbain, vers le sud-ouest (MAFP / « des Ailes pour la Science », 2013).
  • Fig. 2 : Pétra. Le temple du Qasr al-Bint, vers le sud-est : au premier plan, le quartier d’habitation nabatéen et romain (MAFP, 2018).
  • Fig. 3 : Pétra. Le temple du Qasr al-Bint : proposition de restitution de l’extrémité sud-ouest du téménos, dans sa phase romaine (milieu IIe s. apr. J.-C.), vers le sud-ouest (MAFP / T. Fournet, 2017).
  • Fig. 4 : Pétra. Téménos du Qasr al-Bint : proposition de restitution de la moitié sud du bâtiment à abside (seconde moitié du IIe s. apr. J.-C.), document de travail (MAFP / T. Fournet, 2021).
  • Fig. 5 : Pétra. Jabal Khubthah dans son environnement, modélisation photogrammétrique (MAFP / T. Fournet, 2019).
  • Fig. 6 : Pétra. Jabal Khubthah : plan relief des vestiges fouillés (MAFP / T. Fournet, 2019)
  • Fig. 7 : Pétra. Jabal Khubthah : restauration du mur ouest des bains tardo-antiques (MAFP / 2019)
  • Fig. 8 : Pétra. Jabal Khubthah : proposition de restitution des bains tardo-antiques, depuis le sud-est (MAFP / T. Fournet, 2018).
  • Fig. 9 : Pétra. Wadi Sabra : plan d’ensemble et localisation des vestiges étudiés (MAFP / S. Delcros, W. Abu Azizeh, P. Rieth, L. Vallières, 2015).
  • Fig. 10 : Pétra. Wadi Sabra : relevé du théâtre et du caravansérail découvert en 2021 (MAFP / M. Kurdy, B. Van Nieuwenhove, P. Thiolas, A. Wilmot, N. Paridaens, 2021).
  • Fig. 11 : Pétra. Secteur du Qasr al-Bint : assemblage de céramiques et objets issus des fouilles des secteurs B et C du Qasr al-Bint (MAFP).