Séances Vendredi 12 mai 2023

– Note d’information de M. Osmund Bopearachchi, directeur de recherche émérite au CNRS, sous le patronage de MM. Pierre-Sylvain FILLIOZAT et Henri-Paul FRANCFORT : « Comment est né le futur Bouddha Gautama ? Un examen des différentes représentations résultant des divergences entre les sources sanskrites et palies ».

 

 

– Communication de M. Jérôme Petit, conservateur au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, directeur d’études cumulant à la IVe section de l’École pratique des Hautes Études, sous le patronage de M. Pierre-Sylvain FILLIOZAT : « Deux poétesses dans la construction de la littérature marathi ».

 

Résumé :

Le titre de cette communication aurait pu être celui donné par Charles d’Ochoa (1816-1846) si le temps lui avait permis de franchir les portes de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, institution à laquelle il était très attaché. Tombé malade lors de la mission qu’il conduisait en Inde centrale, il fût contraint de rentrer à Paris en novembre 1844, pour trouver une mort prématurée après une année et demie qui ne lui fut pas suffisante pour faire fructifier l’ensemble des matériaux qu’il avait collectés. Financée par le ministère de l’Instruction publique, la mission d’Ochoa permit aux savants européens d’avoir une idée fidèle des littératures qui circulaient au Maharashtra en ce milieu du XIXe siècle. Les trois cents ouvrages, manuscrits ou lithographiés, collectés par Ochoa grâce aux lettrés indiens avec qui il était en contact, montrent en effet la diversité des langues en usage dans cette région de l’Inde, du sanskrit au persan en passant par le prakrit, le marathi, l’hindoustani/ourdou, le hindi, l’arabe ou le pashto. Féru de poésie et animé par un fort sentiment religieux, Ochoa se concentra particulièrement sur la tradition poétique de la ville de Pandharpur, lieu de pèlerinage pour tous les dévots du dieu Viṭṭhala. Cette ville sainte inspira les premiers poètes qui s’exprimèrent en langue marathi à partir du XIIIe siècle, comme Jñānadev ou Nāmadev. Inspirée par la dévotion krishnaïte et la philosophie non-dualiste de Śaṅkārācarya, cette tradition est connue pour laisser toute la place aux membres des castes non-brahmanes. Orienté par les travaux sur les femmes poètes dans l’Inde médiévale entrepris par son maître Garcin de Tassy, Ochoa avait souhaité travailler sur deux poétesses dont les textes brefs et intenses continuent d’inspirer les dévots de cette tradition encore aujourd’hui. Il collecta plusieurs copies des poèmes que Muktābāī composa pour raisonner son frère Jñānadev, enfermé dans sa hutte à la suite d’une altercation avec un brahmane. Intitulés tardivement « Poèmes de la porte » (Tāṭīce abhaṅga), ces textes courts sont porteurs de l’essence de la pensée de cette tradition poétique, célébrant l’unité de l’âme et du principe divin. Quant à Janābāī, elle chanta également cette union tout en effectuant ses travaux de servante dans la maison du poète Nāmadev. Nous tâcherons ainsi de définir le rôle de ces poétesses dans l’élaboration de la riche littérature marathi et la place qu’elles ont occupée dans les travaux inachevés de Charles d’Ochoa.

Mots clés : Charles d’Ochoa – Muktābāī – Janābāī – littérature marathi – Pandharpur (Inde, Maharashtra)

 

Abstract:

The title of this paper could have been that given by Charles d’Ochoa (1816-1846) if time had allowed him to enter the Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, an institution to which he was very attached. Having fallen ill during the mission he was leading in central India, he was forced to return to Paris in November 1844, only to die prematurely after a year and a half, which was not enough for him to make the most of all the materials he had collected. Financed by the Ministry of Public Instruction, Ochoa’s mission allowed European scholars to have a faithful idea of the literature circulating in Maharashtra in the mid-19th century. The three hundred works, manuscripts or lithographs, collected by Ochoa thanks to the Indian scholars with whom he was in contact, show the diversity of languages in use in this region of India, from Sanskrit to Persian, including Prakrit, Marathi, Hindustani/Urdu, pre-modern Hindi, Arabic and Pashto. Fond of poetry and driven by a strong religious feeling, Ochoa focused particularly on the poetic tradition of the city of Pandharpur, a place of pilgrimage for all devotees of the god Viṭṭhala. This holy city inspired the first poets who expressed themselves in the Marathi language from the 13th century onwards, such as Jñānadev and Nāmadev. Inspired by the devotion for the god Kṛṣṇa and the non-dualistic philosophy of Śaṅkārācarya, this tradition is known to give full scope to members of non-Brahmin castes. Oriented by the work on women poets in medieval India undertaken by his master Garcin de Tassy, Ochoa had wanted to work on two women poets whose brief and intense texts continue to inspire devotees of this tradition even today. He collected several copies of the poems that Muktābāī composed to reason with her brother Jñānadev, who was locked in his hut following an altercation with a Brahmin. Late titled “Songs of the Door” (Tāṭīce abhaṅga), these short texts carry the essence of the thought of this poetic tradition, celebrating the unity of the soul and the divine principle. Janābāī also sang of this union while performing her work as a servant in the house of the poet Nāmadev. We will thus try to define the role of these poetesses in the elaboration of the rich Marathi literature and the place they occupied in the unfinished works of Charles d’Ochoa.

Keywords: Charles d’Ochoa – Muktābāī – Janābāī – Marathi literature – Pandharpur (India, Maharashtra)