Travaux LES PAPYRUS D’HERCULANUM DE PARIS (2ème partie)

par Daniel Delattre1.

Première Campagne de restauration et de conservation du PHerc.Paris 2 (2-5 avril 2007)

 

 

Le printemps 2007 a vu se réaliser un projet programmé de longue date, mais plusieurs fois remis par suite de plusieurs tristes contretemps, la venue à Paris du Prof. Knut Kleve de l’Université d’Oslo. Ce dernier avait reçu de l’Académie en 2005 le Prix Salomon Reinach, « pour lui permettre de se rendre à Paris afin de former l’équipe de M. Daniel Delattre, missionnée par l’Académie, au déroulement des papyrus d’Herculanum conservés à la Bibliothèque de l’Institut de France ».

Avec l’assistance de son collègue chimiste de Bergen, le Dr. Brynjulf Fosse, malheureusement décédé en 2006, le Prof. Kleve a mis au point ce qu’on appelle désormais la « méthode d’Oslo », qui permet de décoller sur les papyrus carbonisés les restes de couches (de tailles variables) qui gênent la lecture, tout en les sauvegardant par collage sur du papier japon. Cette technique, qui a entre autres avantages celui d’être réversible, a été appliquée en particulier à l’ouverture des rouleaux carbonisés de Paris, en 1986 et 1987, et par la suite à bien d’autres morceaux de rouleaux, à la Bibliothèque Nationale de Naples jusqu’en 1998, date à laquelle le laboratoire de restauration des papyrus animé par le Prof. Kleve fut définitivement fermé. C’est donc avec un plaisir et un bonheur évidents mêlés d’une très grande émotion que Knut Kleve, assisté d’un autre collègue chimiste norvégien qui avait suivi de près l’aventure, le Dr. Fredrik Stoermer, a expliqué et montré concrètement à trois des membres de l’équipe chargée par l’Académie d’éditer ces papyrus, « sa » méthode et les conditions concrètes dans lesquelles il convient de la mettre en œuvre, ainsi que les opérations pratiques de préparation de la solution alcoolique destinée à faciliter le décollement des sovrapposti et de la colle permettant le renforcement et le collage sur papier japon des parties ainsi soulevées et détachées du support. Durant quatre jours, Laurent Capron, Ingénieur d’études de l’Institut de Papyrologie de la Sorbonne, et Daniel Delattre, Directeur de recherche au CNRS (IRHT) et responsable du projet, ont ainsi pu faire l’apprentissage concret des différentes opérations (fabrication des solutions, décollement du sovrapposto, collage, mais aussi macrophotographie de l’original avant, pendant et après le décollement), sous l’œil vigilant du Dr. Stoermer et du Prof. Kleve. Ils ont également bénéficié, en cette occasion, de la longue expérience et de la dextérité du troisième membre de l’équipe venu d’Italie tout exprès, le Dr. Gianluca Del Mastro, rattaché au CISPE et formé à ces délicates manipulations par le Dr. Fosse dans les années 90 à Naples.

 

 

Au cours de cette première campagne, il s’est uniquement agi pour l’équipe parisienne d’un apprentissage, puis d’un rodage de techniques complexes et très exigeantes. Un premier inventaire partiel de six des vingt-trois plateaux (pl. 10, 11, 12, 13, 17, 22) contenant les 283 fragments de ce rouleau a permis de découvrir que plusieurs d’entre eux nécessitaient une restauration urgente, en particulier lorsqu’une ou plusieurs couches s’étaient décollées spontanément depuis 1987, ou menaçaient de se décoller. Dans ces conditions, seule une quinzaine de fragments a été l’objet de soins lors de cette prise de contact avec les originaux. Dans le même temps, un intérêt spécial a été porté aux tout derniers fragments apparemment vides d’écriture (pl. 22), mais susceptibles d’être porteurs de lettres ayant appartenu à la subscriptio ou titre final de l’ouvrage. De fait, trois lettres en « écriture d’apparat », une écriture spécifique, de grande taille et très soignée, ont pu être identifiées au microscope, mais sans qu’il soit possible de les combiner entre elles : un alpha, un kappa ainsi qu’un sigma accompagné d’un petit trait décoratif au dessus de sa partie droite.

Il est évident que cette opération prioritaire de sauvegarde et de restauration devra se poursuivre dans les mois qui viennent, de façon à « fixer » autant que possible les parties trop friables des fragments originaux.

 

 

 

En conclusion, cette première intervention sur le papyrus a permis aux deux membres français de l’équipe de se familiariser avec des techniques exigeant beaucoup de minutie, de savoir-faire et de discernement, et de reprendre ainsi, avec le collègue napolitain, le flambeau de l’excellente « méthode d’Oslo ». M. le Prof. Jean Leclant, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, a par ailleurs manifesté son vif intérêt pour l’entreprise, en visitant à trois reprises l’équipe au travail dans la salle de l’Académie mise à disposition pour l’occasion.

Il convient évidemment de remercier très chaleureusement, pour l’efficacité de leur enseignement et le don généreux qu’ils ont fait de divers matériels, les trois collègues d’Oslo et de Naples, sans qui cette semaine décisive n’aurait jamais pu avoir lieu, ainsi que le Prof. Jean Aubard, Directeur de l’UFR de Chimie de l’Université Paris VII – Denis Diderot, qui a apporté son aimable concours à cette entreprise, en fournissant les produits chimiques indispensables ainsi qu’en prêtant gracieusement le matériel de laboratoire indispensable.

 

Note :

1 Directeur de Recherche au CNRS (Institut de Recherche et d’Histoire des Textes – Section de Papyrologie), Daniel Delattre est l’auteur de nombreuses contributions relatives à la papyrologie d’Herculanum et à la philosophie hellénistique, et l’éditeur de Philodème de Gadara. Commentaires sur la musique, livre IV (à paraître prochainement dans la Collection des Universités de France).