Fouilles archéologiques Mission archéologique « Africa Archéométallurgie du Fer Ressources, Identités et Commerce en Afrique » (Togo-Bénin)

 

 

 

Présentation

 

Dirigée par Caroline Robion-Brunner (TRACES-UMR5608), Didier N’Dah (Université d’Abomey-Calavi) et Essohanam Batchana (Université de Lomé), la mission Archéologie du Fer : Ressources, Identités et Commerce en Afrique (AFRICA) s’attache à comprendre le rôle du fer comme matériau structurant les sociétés médiévales et modernes en Afrique de l’Ouest.

 

À partir du VIIIe siècle et surtout durant le IIe millénaire de notre ère, les sites de production du fer se multiplient au sud du Sahara. Grâce à un sous-sol riche en minerai de fer, pratiquement tous les territoires se dotent d’ateliers sidérurgiques. Certains d’entre eux vont même produire des quantités importantes de métal et devenir de grands centres spécialisés. Par ailleurs, entre le XVIe et le XIXe siècle, se met en place sur les côtes africaines la traite dite « atlantique », avec, parmi ses conséquences, l’importation de barres de fer produites en Europe et utilisées comme « monnaie d’échange ». Même si le volume de ces importations est toujours difficile à évaluer, il y a assez de preuves pour suggérer qu’elles aient représenté un complément important au stock de fer produit en Afrique occidentale. Afin de cerner l’impact de cette autre filière d’approvisionnement sur la production et la consommation locale, deux régions ayant abrité une production massive du fer sont étudiées dans le cadre du programme AFRICA. 

 

Au Togo, il s’agit de la région de Bassar où la production de fer est intensive entre le XIIe et le début du XXe siècle. Dans cet espace, situé à l’intérieur des terres, l’objectif est de préciser la vie des ateliers : leur début, leur abandon et surtout la dynamique de leur activité. Jusqu’à présent, la dépendance aux seules datations par radiocarbone pose un problème de résolution. Leur manque de précision aux cinq derniers siècles à cause d’un effet de plateau sur la courbe de calibration masque les relations temporelles entre les différentes techniques sidérurgiques et les changements sociétaux, économiques et historiques. L’archéomagnétisme (LSCE / UMR8212) constitue une méthode de datation complémentaire qui présente l’avantage de dater la dernière chauffe des fours. Les tests entrepris sur dix structures bassar ont montré sa faisabilité avec une bonne précision aux trois derniers siècles (50 ans environ d’intervalle) qui encourage le déploiement de cette méthode lors des missions à venir. 

 

Au Bénin, il s’agit de la région du Mono où le fer est largement produit entre le XIe et le XVIe siècle. Dans cet espace, plus proche de la côte, l’objectif est de préciser la vie des métallurgistes : leur lieu d’activité, l’organisation de leur travail et leur lieu d’habitation. Jusqu’à présent, les investigations archéométallurgiques en Afrique étaient limitées à des sondages renseignant la chronologie, les volumes et techniques de production. Ici, la mise en place de fouilles extensives privilégiant l’approche synchronique offre la possibilité de rendre compte de l’existence et de l’organisation des différentes aires de travail. La persistance de l’occupation des villages après l’abandon de la sidérurgie dans la région pose également la question de la provenance du fer utilisé alors dans la fabrication des outils agraires notamment. L’analyse de la nature du fer de ces objets métalliques mis au jour dans les couches archéologiques postérieures au XVIe siècle permettra d’identifier si ce métal était produit dans d’autres régions africaines ou bien en Europe. La collaboration avec des archéomètres (TRACES / UMR5608), métallogénistes (GET / UMR5563) et microanalystes (Centre Raimond Castaing / UAR3623) rend également possible une meilleure caractérisation des techniques métallurgiques en développant de nouvelles méthodes d’analyse. En effet, les fours sidérurgiques du Mono ont produit des déchets particuliers. Il s’agit de scories presque entièrement vitreuses, c’est-à-dire dans lesquelles les phases minérales sont rares ou très finement cristallisées. Cette caractéristique est un frein à la conduite des études « classiques » des scories. Or, c’est en grande partie sur elles que repose la compréhension des phénomènes de démarrage, d’intensification et de déclin des productions de fer intensives. Plusieurs techniques ont été testées avec plus ou moins de succès pour essayer de caractériser les rares phases minérales de ces déchets particuliers. Ce protocole inédit permet d’expliquer leur formation et surtout de mesurer les températures de formation de tout type de scories qui correspondent aux températures effectivement atteintes à l’intérieur des fours pendant l’opération de réduction. 

 

Au-delà de la recherche scientifique, notre projet a également pour objectif de développer les recherches archéologiques au Togo et au Bénin en contribuant à la formation d’une nouvelle génération d’archéologues et à la protection et valorisation de ce riche patrimoine matériel et immatériel trop souvent négligé. Notre projet offre aux étudiants togolais et béninois la possibilité de suivre un stage archéologique d’une durée d’un mois chaque année. Cette opportunité leur permet de développer de nouvelles compétences favorisant une meilleure insertion dans une carrière académique. 

 

Au printemps 2024, un nouvel espace va être exploré. Il s’agit de la rade de Ouidah. La prospection géophysique (Groupe de Recherche en Archéologie Navale /CRESEM UR7397) permettra de repérer des épaves de navires négriers. En effet, ces bateaux contenaient des demi-produits de fer, des barres, qui étaient échangés sur les côtes africaines contre des captifs. Leur étude permettrait de retracer la diffusion de ce métal exogène dans les terres africaines. La réalisation de cette prospection permettra par la suite d’entamer les discussions pour structurer une filière complète d’archéologie sous-marine. Cette structuration passe par la formation d’étudiants à la plongée, aux techniques d’archéologie sous-marine, mais également par la mise en place d’une filière de conservateurs/restaurateurs à même de traiter les objets ayant séjourné plusieurs siècles dans la mer et qui nécessitent un traitement spécifique avant d’être exposés dans des musées. 

Liens complémentaires : 

 

Choix d’articles : 

 

  • A. D. Aguigah, « Les sites métallurgiques dans l’aire culturelle aja-tado», NAC’s Journal of African Cultures & Civilizations 1, 2015. 
  • P. De Barros, La métallurgie du fer en pays Bassar (nord-Togo) depuis 2400 ans, I.  l’Âge du fer ancien (de 400 avant J.-C. à 130 après J.-C.), Paris, Éditions L’Harmattan, 2021. 
  • C. Evans, G. Rydén, « ‘Voyage Iron’: An Atlantic Slave Trade Currency, its European Origins, and West African Impact* », Past & Present 239, 2018, p. 41-70. 
  • C. Le Carlier de Veslud, N. Dieudonné-Glad, A. Ploquin, «Des laitiers obtenus dans un bas fourneau ? Étude chimique et minéralogique des scories d’Oulches (Indre) », ArcheoSciences, 1998, p. 91-101. 
  • K. Randsborg, I. Merkyte, N. A. Møller, S. Albek, A. Adandé, « Bénin archaeology: the ancient kingdoms», in Acta archaeologica 80/1, Oxford, Wiley-Blackwell, 2009. 
  • C. Robion-Brunner, « L’Afrique des métaux », in : L’Afrique ancienne. De l’Acacus au Zimbabwe, 20000 avant notre ère-XVIIe siècle, F.-X. Fauvelle éd., Paris, Belin, Mondes anciens, 2018, p. 516-543.
  • C. Robion-Brunner, A., Haour, M.-P. Coustures, L. Champion, D. Béziat, «Iron Production in Northern Benin: Excavations at Kompa Moussékoubou», Journal of African Archaeology 13, 2015, p. 39-57. 

Légendes des figures : 

 

  • Figure 1 : Relevé topographique du site sidérurgique de Tchogma 1 montrant la répartition de la centaine d’amas de déchets et de ruines de fours attribués aux deux techniques de transformation des minerais en fer brut (©Camille Mangier & Caroline Robion-Brunner) ;
  • Figure 2 : Giorgia Ricci, doctorante à l’université Jean Jaurès de Toulouse, en cours de prélèvement d’échantillons de paroi de four du site de Tchogma 1 (région de Bassar, Togo) en vue d’analyses archéomagnétiques (©Aurélie Van Toer) ; 
  • Figure 3 : Décapage de plusieurs secteurs des zones de rejets des déchets métallurgiques sur le site de Kpeta 1, région du Mono Bénin (©Julien Mantenant) ;
  • Figure 4 : Porte de four en cours et en fin de fouille sur le site de Domy (région du Mono, Bénin) (©Caroline Robion-Brunner & Julien Mantenant) ;
  • Figure 5 : Scorie vitreuse découverte dans l’amas de rejet des déchets sidérurgiques du site de Kpeta1 (région du Mono, Bénin) (©Mètowi Hospice Klegbo) ;
  • Figure 6 : Image MEB-BSE d’une scorie vitreuse du site sidérurgique d’Aflatan (région du Mono, Bénin). Mise en évidence d’une couche limite vitreuse claire, plus pauvre en silice que la matrice. Elle est associée à la néoformation de cristaux de cristobalite autour de grains de quartz, reliques d’une opération de réduction d’un minerai de fer de type grès ferrugineux. À noter la présence de billes de métal (en blanc) (Lame mince AFL-S1) (©Guillaume Estrade).