Coupoles Bilan 2006

Bilan 2006

Par M. Jacques JOUANNA, Président de l’Académie

Sire,
Monsieur le Chancelier,
Mesdames et Messieurs les secrétaires perpétuels
Excellences,
Mes chers confrères,
Mesdames et Messieurs,

Le rôle du Président est de présenter devant un public choisi et attentif un bilan annuel de la vie de l’Institution durant la période écoulée depuis la précédente rentrée solennelle. Il s’agit donc aujourd’hui de la période qui va de la fin de novembre 2005 à la fin de novembre 2006. Cette année académique, on le sait, ne coïncide pas avec le mandat du Président, lequel correspond à l’année légale. Ce n’est donc pas une reddition de compte analogue à celle des magistrats de l’Antiquité. Le Président ne quitte pas sa charge, mais présente une rétrospective unissant l’action de deux Présidents, ce qui est un signe de l’harmonie entre les Présidents, et surtout de la continuité de l’Institution, maintenue, par delà la succession des Présidents, par l’impulsion continue du Secrétaire perpétuel que je qualifierai de démiurge œuvrant sans cesse à la recréation de notre Institution, laquelle perdure parce qu’elle se renouvelle.
« Le temps, disait Sophocle, dans sa longue et interminable course fait voir ce qui restait dans l’ombre tout comme il cache ce qui brillait au jour. »

Trois de nos confrères qui brillaient au sein de notre Académie ont disparu à notre très grand regret. Le 28 janvier 2006 Jean IRIGOIN, éminent helléniste dont l’œuvre a marqué durant un demi-siècle l’histoire de l’hellénisme en France, nous a quittés. Par ses deux thèses sur L’histoire du texte de Pindare et sur Les mètres de la lyrique chorale, il inaugurait les deux grands domaines dans lesquels il s’est illustré, l’histoire des textes et la métrique. À l’Université de Poitiers, ensuite de Paris, d’abord à Nanterre, puis à la Sorbonne, et aussi à l’École pratique des Hautes Études et enfin au Collège de France, il a formé plusieurs générations de spécialistes de la langue grecque, de l’histoire des textes et de l’édition. Son œuvre, dont les multiples facettes sont taillées au ciseau de l’exigence, comprend, en plus de ses ouvrages, une masse impressionnante d’articles consacrés à toutes les techniques nécessaires pour reconstruire l’histoire des textes, telles que la codicologie, la paléographie, la stemmatique, ou pour comprendre la création poétique, telles que la métrique ou l’arithmologie. Succédant à Alphonse Dain, non seulement aux Hautes Études, mais aussi à la direction de la « Collection des Universités de France » (partie grecque), Jean Irigoin a imprimé sa marque durant trente-cinq ans où sont parus deux cent trente-six volumes parmi lesquels on compte sa propre édition du poète lyrique Bacchylide. Son œuvre, internationalement appréciée, lui valut de nombreuses responsabilités et distinctions en France et à l’étranger.

Un mois plus tard, le 21 février 2006, un autre helléniste, qui brillait dans le domaine de l’archéologie, s’est éteint, Pierre AMANDRY, le doyen de notre Académie. C’était un delphien, c’est-à-dire un spécialiste de l’archéologie du sanctuaire d’Apollon à Delphes. Ancien membre de l’École française d’Athènes, il en fut aussi le Secrétaire général, puis, après avoir enseigné pendant deux décennies à l’Université de Strasbourg, il en fut le Directeur. Il a consacré sa thèse à La mantique de Delphes. Cette magistrale analyse, fondée sur l’épigraphie, rétablit dans ses justes limites le rôle de l’oracle et débarrasse la Pythie de son masque de furie hystérique. Quand on a la chance de visiter Delphes avec un guide aussi autorisé que l’actuel directeur de l’École, on réalise à quel point Pierre Amandry est partout présent par ses découvertes ou les progrès dans la compréhension des monuments. Ayant lié son destin à la Grèce, il reçut en échange une vive reconnaissance, étant notamment citoyen d’honneur de Delphes. Avec Pierre Amandry s’éteint une génération d’archéologues où l’érudition se conciliait avec un humanisme fait de courage, de générosité et de lucidité.

Quelques mois plus tard, le 8 juillet 2006, disparaissait un grand maître des études assyriologiques, Paul GARELLI. Ayant eu dès sa jeunesse, pour avoir vécu à Istamboul, une vocation d’orientaliste, Paul Garelli entreprit, dès 1946, l’étude de l’assyro-babylonien. Conscient que les documents même les plus humbles sont signifiants pour l’historien, il s’est attaché, sur les conseils de son maître René Labat, à l’étude des tablettes dites paléo-assyriennes, laissées par des marchands assyriens en Cappadoce. Il fut ainsi le premier à réaliser une synthèse sur la présence assyrienne en Cappadoce au XIXe siècle avant notre ère, lors de la période la plus haute d’Assur. Il fut aussi le premier à faire entrer l’assyriologie dans l’Université, en devenant professeur à la Sorbonne, ce qui fut déterminant pour le renouveau de cette discipline en France. Il fut également directeur de recherche à l’École pratique des Hautes Études, puis professeur au Collège de France. Après sa thèse, Paul Garelli a élargi ses recherches à l’histoire assyrienne dans sa continuité jusqu’aux grandes heures de l’Empire néo-assyrien. Chef de file des assyriologues français, il fut, pour ainsi dire, l’ambassadeur de l’assyriologie française à l’étranger.

Nous avons aussi à déplorer le décès de deux de nos associés étrangers, Eugen EWIG, le 1er mars 2006 et Boris Marshak, le 28 juillet 2006.
Notre confrère médiéviste, Eugen Ewig, était le plus ancien de nos associés étrangers. De nationalité allemande, né à Bonn, après une thèse sur Denys le Chartreux de Roermond, figure de la spiritualité du XVe siècle de notre ère entre Rhin et Meuse, il s’attacha ensuite à l’étude d’une époque plus ancienne, devenant l’un des grands spécialistes de l’Europe franque. Il enseigna dans les universités de Mayence et de Bonn, mais il avait conservé, depuis la guerre, des liens étroits avec la France. Il fut le fondateur à Paris de l’Institut historique allemand en 1958.
Boris Marshak, de nationalité russe, conservateur en chef au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, est décédé alors qu’il travaillait sur sa fouille de Pendjikent au Tadjikistan. Il consacra toute sa vie à ce grand chantier, qui a permis, plus que tout autre, de ressusciter la civilisation raffinée de la Sogdiane préislamique. C’est à son impulsion et à ses ouvrages que l’on doit le remarquable essor des études sogdiennes en Europe, mais aussi aux États-Unis, au Japon et en Chine.

Pour reprendre la formule de Sophocle, le temps a fait voir aussi ce qui restait dans l’ombre, c’est-à-dire les nouveaux savants qui ont été élus au sein de notre Académie, à savoir deux membres, huit correspondants français et huit correspondants étrangers.
C’est en sa séance du 17 mars 2006 que l’Académie a élu comme membre Jean-Noël ROBERT, spécialiste de l’Extrême-Orient et surtout du Japon. Il a été élu au fauteuil d’André Caquot. Diplômé de l’École nationale des Langues orientales, ancien pensionnaire de la Maison franco-japonaise de Tokyo, docteur de l’Université de Paris VII, Jean-Noël Robert est directeur d’étude à l’École pratique des Hautes Études où il enseigne le bouddhisme japonais qui est au centre de son œuvre. Sa thèse de doctorat porte sur les doctrines de l’école japonaise Tendaï, au début du IXe siècle de notre ère. Sa parfaite connaissance de toutes les langues indispensables à toute étude comparative dans le vaste domaine du bouddhisme explique sa réputation internationale. Il est déjà bien inséré dans la vie de notre Académie, car il a repris l’une de nos publications, le Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme d’après les sources chinoises et japonaises, le projet Hôbôgirin. Il aura pour tâche de poursuivre les études japonaises dans notre Académie depuis la vive impulsion que leur avait donnée notre regretté confrère Bernard Frank qui était son maître.
Plus récemment, dans sa séance du 3 novembre 2006, l’Académie a élu comme membre Nicolas GRIMAL au fauteuil de Serge Lancel. Spécialiste d’égyptologie, Nicolas Grimal vient renforcer, comme Jean-Noël Robert le secteur de l’orientalisme. D’une formation classique hors pair — il était à bonne école, son père, notre regretté confrère Pierre Grimal, étant professeur de latin à la Sorbonne — Nicolas Grimal, agrégé des Lettres classiques, trouva sa propre voie en s’initiant à l’égyptologie pendant ses études à Paris, puis en tant que membre de l’IFAO (Institut français d’archéologie orientale du Caire). Il s’imposa très vite par ses deux thèses comme un spécialiste éminent des textes et des termes qui éclairent l’histoire. Philologue, Nicolas Grimal s’est également distingué sur le terrain, en étant le co-directeur du Centre de Karnak. Professeur à la Sorbonne, puis directeur de l’IFAO, il est maintenant professeur au Collège de France. S’appuyant à la fois sur une formation classique et sur une exploitation des techniques informatiques les plus avancées, Nicolas Grimal est à l’image d’une Académie qui se renouvelle tout en ne reniant pas son passé.
Le choix des correspondants français est aussi l’une des préoccupations majeures de notre Académie. Car ils doivent participer à nos travaux par leurs communications, leurs présentations d’ouvrage, leur présence dans les commissions, et constituer un vivier pour l’avenir. La présentation trop rapide que je vais faire de chacun d’eux, en suivant l’ordre alphabétique, ne donnera qu’une image imparfaite des nouveaux talents : Dominique Briquel, professeur à la Sorbonne, directeur d’étude à l’École pratique des Hautes Études, spécialiste de l’étruscologie, va reprendre la tradition de nos regrettés confrères Jacques Heurgon et Raymond Bloch. François Dolbeau, directeur d’étude à l’École pratique des Hautes Études, célèbre par sa découverte de vingt-six sermons de Saint Augustin, est un spécialiste du latin du Moyen Âge. Jean Guilaine, professeur au Collège de France et directeur d’étude à l’École des Hautes Études en Sciences sociales, spécialiste des civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’âge du Bronze, apportera beaucoup à l’Académie où sa discipline n’est pas représentée. Pierre Laurens, professeur émérite à la Sorbonne, spécialiste de l’épigramme, genre littéraire qu’il étudie durant deux mille ans d’histoire, transcende les cloisonnements universitaires français et contribue aux études du néo-latin à la Renaissance. Cécile Morrisson, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’histoire monétaire et économique, renouvelle sur des bases solides l’histoire du monde byzantin. Michel Pastoureau, directeur d’étude à l’EPHE et à l’EHSS, est un spécialiste novateur de l’héraldique et de l’histoire symbolique des sociétés médiévales et modernes. Laurent Pernot, helléniste, professeur à l’université de Strasbourg, dont la thèse sur la rhétorique de l’éloge mérite tous les éloges, est Président de la Société internationale d’Histoire de la rhétorique, fondée par nos confrères Marc Fumaroli et Alain Michel. Enfin, Franciscus Verellen, directeur d’étude à l’EPHE, où il enseigne l’histoire du taoïsme, est aussi directeur de l’École française d’Extrême-Orient.

Grâce à ces huit nouveaux correspondants nous avons atteint le chiffre statutaire des cinquante correspondants français. Par une procédure analogue, nous avons complété le nombre des correspondants étrangers en choisissant également huit personnalités éminentes : Martin Almagro Gorbea (Espagne), professeur à l’Université de Madrid, spécialiste de la protohistoire européenne, notamment des relations entre les Celtes et les Ibères ; Manfred Bietak (Autriche), professeur à l’Université de Vienne, l’un des maîtres de l’archéologie égyptienne en Nubie et dans le delta du Nil ; Giovanni Colonna (Italie), professeur à l’université de Rome, dont l’œuvre porte sur l’étruscologie et les peuples italiques ; Michael Crawford (Royaume-Uni), professeur à l’University College de Londres, spécialiste de l’histoire monétaire, financière, économique et institutionnelle de la Rome antique ; Michael Jones, professeur émérite d’histoire médiévale de la France à l’Université de Nottingham, l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire médiévale de la Bretagne ; Max Pfister (Allemagne), professeur émérite à l’université de Sarrebruck, où il enseignait la philologie romane, directeur du monumental Lessico etimologico italiano ; Paul-Hubert Poirier, professeur à l’université de Québec, spécialiste d’histoire du christianisme, co-directeur avec notre confrère Jean-Pierre Mahé du volume de la Pléiade Écrits gnostiques à paraître en 2007 ; enfin Francisco Rico (Espagne), professeur de littérature hispanique médiévale à l’université de Barcelone, auteur d’une œuvre ample sur l’humanisme européen.

Je viens de parler des hommes. Il me reste à parler des œuvres.
La première mission de l’Académie, comme l’indique l’article 1 de ses statuts, est — je cite — « l’étude scientifique des monuments, des documents, des langues et des cultures des civilisations de l’Antiquité, du Moyen Âge et de l’âge classique, ainsi que des civilisations non européennes ». Les avancées de la science dans tous ces domaines se font dans les notes d’information brèves et dans les communications plus longues qui constituent la partie la plus passionnante de nos séances hebdomadaires.
Nous avons eu trente-cinq séances dont deux furent thématiques, insérées dans des journées : l’une fut la journée d’études nord-africaines organisée par l’Académie en collaboration avec la SEMPAM (Société d’études du Maghreb préhistorique, antique et médiéval) ; l’autre journée, intitulée « Sciences et médecine en Asie », fut un hommage à notre regretté confrère Jean Filliozat, éminent spécialiste de la médecine indienne, à l’occasion du centenaire de sa naissance. Dans les trente-trois séances ordinaires, nous avons entendu une cinquantaine d’interventions, à savoir dix-huit notes d’information et trente-trois communications. Ces chiffres, à la fois attendus et impressionnants, m’interdisent de rendre compte de toutes les progrès qu’elles recèlent. La publication dans les Comptes rendus de l’Académie, les CRAI, en donnera une image exacte.
Le renvoi à l’écrit n’est pas une manière pour le Président de se dispenser de quelques considérations orales, d’abord sur les auteurs, ensuite sur les interventions elles-mêmes.
Je suis frappé de ce que la politique du Secrétaire perpétuel qui a consisté depuis plusieurs années à développer le rôle des correspondants français porte ses fruits. Onze interventions sont dues à nos correspondants français, c’est-à-dire un cinquième sur le total. Une autre observation porte sur la part importante prise par nos associés et correspondants étrangers : sept associés et cinq correspondants étrangers sont intervenus. Un équilibre presque parfait s’établit ainsi entre les interventions des membres et des correspondants français, d’une part, et celles des associés et correspondants étrangers, d’autre part. C’est la preuve que l’Académie forme une grande famille internationale, parfaitement équilibrée. La moitié des interventions ont donc été assurées par des orateurs appartenant à cette grande famille. L’autre moitié est due à des orateurs choisis et patronnés par un membre de l’Académie, selon un usage traditionnel. Or là encore on retrouve la présence d’étrangers, ce qui confirme l’ouverture internationale de nos séances.
Quant aux interventions, dont le Président a pu méditer cette année le contenu, en disposant à l’avance des textes dans leur intégralité, et non pas seulement sous forme de résumé, elles se caractérisent par une très haute qualité scientifique dans tous les grands domaines de recherche qui sont les nôtres, Antiquité, Moyen Âge, Renaissance, époque classique, et dans les diverses spécialités, archéologie, histoire, épigraphie, papyrologie, philologie, linguistique, littérature. Ce qui est manifeste, c’est le caractère récent des découvertes présentées, notamment dans le domaine de l’archéologie, et cela dans des chantiers situés dans des pays fort différents depuis l’Occident jusqu’à l’Orient : en Italie, les fouilles de tombes romaines de la nécropole de Porta Nocera ; en Albanie, les fouilles de la cité grecque de Dyrrachion ; en Grèce, les fouilles d’Argos ; en Russie, les fouilles de Phanagorie ; en Égypte, les fouilles de la mission française de Saqqara ; au Liban les fouilles de Tell Arqa et les fouilles anglaises de Sidon ; en Syrie, les fouilles italiennes d’Ébla présentées par le découvreur du site, notre associé étranger Paolo Matthiae ; au Yémen, le port sud-arabique de Qâni ; dans l’Asie centrale, la reprise en Afghanistan des fouilles de la DAFA (Délégation archéologique française en Afghanistan), notamment à Bactres ; au Pakistan, les fouilles de Harappa par notre correspondant étranger Richard H. Meadow ; et enfin, en Extrême-Orient, les fouilles récentes d’Angkor Thom, menées de façon systématique par l’École française d’Extrême-Orient. Ce chantier a été particulièrement à l’honneur. Sur proposition de notre Académie, le Grand Prix de la Fondation Prince Louis de Polignac a été attribué et remis solennellement le vendredi 10 novembre dans les Salons de l’hôtel de Crillon par le Prince Albert de Monaco à M. Pascal Royère et à son équipe, pour la restauration du Baphuon, temple majeur du site d’Angkor. La présence de sa Majesté le roi du Cambodge à notre séance de rentrée solennelle donne à cette entreprise une caution exceptionnelle. De la sorte, grâce à ces fouilles qui vont de l’Occident à l’Orient et que vous pouvez embrasser du regard, ont été mis au jour de nombreuses données utiles pour l’histoire de tous ces sites et de tous ces peuples. En particulier l’histoire des civilisations de l’Asie centrale se précise, avec des nouveautés sur la chronologie bactrienne post-hellénistique, ou sur la chronologie des premiers rois kouchans.
Ont été présentés aussi des textes nouveaux, par exemple les tablettes de bronze d’Argos, capitales pour la compréhension des institutions de cette cité grecque, ou une nouvelle inscription grecque, don des amis du Louvre, offrant l’intégralité de la lettre de l’empereur romain, Hadrien, à une cité grecque de Locride. Nous avons eu récemment aussi la présentation du papyrus copte faisant resurgir l’Évangile de Judas par son principal déchiffreur et traducteur, notre collègue suisse Rodolphe Kasser.
Les avancées sont importantes aussi dans les études médiévales et dans les études linguistiques. Par exemple, pour le Moyen-Âge, on a appris l’achèvement du lexique latin médiéval aux Pays-Bas. Et pour la linguistique, on a noté l’apparition d’un champ d’études nouveau pour notre Académie dans le cadre des civilisations non européennes, les écritures méso-américaines maya et aztèque.

La mission de l’Académie n’est pas seulement de faire progresser la recherche mais aussi de la promouvoir, comme cela est précisé dans l’article 2 de nos statuts. C’est dans ce domaine que les évolutions sont le plus perceptibles. L’Académie a su s’adapter aux nouvelles techniques de l’information et de la communication. Le signe en est la note d’information dense que notre Secrétaire Perpétuel a présentée le 13 janvier 2006 sur « L’information à l’Académie », en présence de M. Gabriel de Broglie, Chancelier de l’Institut de France et de M. Jean Cluzel, Secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie des Sciences morales et politiques, tous deux pionniers en matière d’audiovisuel public. Bien entendu, les publications de l’Académie, actuellement au nombre de 27, restent la pièce maîtresse de cette valorisation dans la durée. Car nous demeurons attachés à la défense du livre, même si le recours au format numérique (CD Rom) s’impose pour des dossiers trop lourds. J’ai déjà mentionné les Comptes rendus de notre Académie. Mais il faut ajouter qu’un effort sans précédent a été fait pour réduire le délai de parution. Dans l’année « académique » 2005/2006, six fascicules ont paru ; le délai a donc été réduit de six mois en un an. Notre Journal des Savants, dirigé par nos confrères Jean Marcadé et Philippe Contamine, paraît avec une régularité exemplaire. C’est aussi avec une régularité sans faille que paraît chaque année à la même date, la série annuelle des colloques de la Villa Kérylos. Le dernier volume donnant les Actes du XVIe colloque, est intitulé L’homme face aux calamités naturelles dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Plusieurs séries se poursuivent régulièrement, comme les Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot (dont le tome 84 est paru en 2005), ou la Carte archéologique de la Gaule dont quatre nouveaux volumes sont parus, le Rhône, le Comminges, le Val d’Oise et enfin Aix-en-Provence, auxquels s’ajoute la réédition de la Charente. Toujours à propos de la Gaule, le Recueil des sculptures sur pierre, dit « Le Nouvel Espérandieu », s’enrichit d’un deuxième tome sur Lyon dû à Maria-Pia Darblade-Audoin. Les collections relatives au Moyen Âge ont donné lieu à quatre publications importantes : dans les « Chartes et Diplômes relatifs à l’histoire de France », le Recueil des Actes de Philippe Auguste vol. VI par Michel Nortier ; dans les « Documents relatifs à l’histoire des croisades », le tome XIX, sur les Certificats de pélerinage d’époque ayyoubide par Dominique et Janine Sourdel ; dans le « Recueil des historiens de la France (Obituaires) », le second volume du tome VIII Le recueil des rouleaux des morts (années 1181-1399) par Jean Dufour. Hors série ont paru les Actes du colloque sur Froissart dans sa forge, organisé par notre confrère Michel Zink à la fois à l’Académie et au Collège de France. Enfin dans la série Histria, ce comptoir grec de la Mer Noire, le tome VII sur les fouilles de la zone sacrée d’époque grecque dû à Petre Alexandrescu, souligne les liens d’amitié unissant notre Académie à l’Académie roumaine de Bucarest.
Mais à côté de cette valorisation traditionnelle, l’Académie a développé, ces dernières années, deux innovations, le site internet depuis octobre 2001, et un mois plus tard la Lettre d’information mensuelle. Pourquoi en parler dans le bilan de l’année académique 2005/2006 ? Parce que des progrès substantiels ont été accomplis depuis leur création. La Lettre, d’abord présentée sur un seul feuillet recto/verso, est devenue en 2002 un quatre pages ; et en 2006 une nouvelle ligne graphique a été adoptée ; la dernière innovation est la parution de deux numéros thématiques hors série, l’un en septembre, à l’occasion de la journée du Patrimoine, sur « Les épées des Académiciens, un élément du patrimoine », l’autre en octobre 2006 sur les Publications de l’Académie, en vue des Rendez-vous de l’histoire de Blois où l’Académie disposait d’un stand. L’audience de la Lettre d’information est maintenant démultipliée par sa diffusion sur le site. Ce site a été lui-même progressivement enrichi, relié à d’autres sites et très bien référencé dans les moteurs de recherche, si bien que l’on tombe sur lui… même sans le vouloir. Je vais vous faire une confidence. Cherchant naguère des renseignements pour préparer en tant que Président quelques mots de commentaire sur une note d’information qui traitait du mot gaulois souxtu — mot mystérieux pour moi car exceptionnellement je n’avais pas reçu à temps le texte intégral —, je consultai l’oracle moderne, non plus Delphique, mais « internetique », en demandant souxtu, et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, comme première réponse, la note d’information qu’il me fallait justement commenter. Décidément les sites de l’Académie et de l’Institut sont trop bien référencés. La Pythie moderne tourne parfois en rond, j’allais dire « autour du pot ». Car cet énigmatique suxtu était, en fait, une marmite !

Une telle politique d’ouverture sur le monde moderne n’est pas incompatible avec la vocation de conservatoire qu’a aussi notre Académie. Une note d’information de François de Callataÿ nous a livré des indications sur la partie numismatique du riche fonds Louis Robert, légué par Jeanne Robert, abrité par notre Académie, dont le responsable est Glen Bowersock, associé étranger, assisté de plusieurs collaborateurs qui travaillent à l’inventaire et à la publication de ce fonds.
Enfin notre Académie, malgré son indépendance, est insérée dans l’interdépendance, pour reprendre un mot du chancelier de l’Institut, M. Gabriel de Broglie, qui nous a fait l’honneur de présenter dans une séance de notre Académie les articles de la nouvelle loi de l’enseignement supérieur précisant de façon heureuse les statuts de l’Institut et des cinq académies qui le composent. Étant désormais sous la protection directe du Président de la République et sous l’unique contrôle de la cour des Comptes, nos Institutions jouissent, grâce à la prestigieuse vigilance de Pierre Messmer et de Gabriel de Broglie, d’une autonomie particulièrement favorable au développement de la science. Les excellentes relations entre notre Académie et l’Institut se marquent aussi par la participation de certains de nos membres à la gestion de fondations de l’Institut. Philippe Contamine préside la fondation Thiers si utile à nos jeunes chercheurs ; et Jean-Pierre Babelon la fondation de l’Abbaye Royale de Chaalis qui a connu, lors des journées du patrimoine, un éclat exceptionnel avec la réouverture, en présence du ministre de la Culture, de l’édifice au public après la restauration des fresques qu’il est désormais possible d’attribuer au grand peintre italien Primatice, introducteur de la Renaissance italienne à la cour de François Ier. Au Musée Jacquemart-André de Paris, dont la fondation est présidée également par Jean-Pierre Babelon, une exposition sur l’Or des Thraces, trésors de la métallurgie antique découverts dans des tombes de Bulgarie, a été inaugurée le 13 octobre 2006 en présence du Premier Ministre de Bulgarie. La superbe image que vous avez sous les yeux vous invite à vous y rendre.
Les activités durant une année académique sont trop riches pour que le Président puisse faire un rapport complet. Il lui faut faire des choix, même en s’en tenant à la partie visible. Il lui faut passer sous silence, cela va de soi, les comités secrets — serment académique oblige —, mais aussi, faute de temps, le travail régulier et patient d’une cinquantaine de commissions soit pour remplir le rôle de l’Académie comme expert auprès des autorités publiques, notamment par ses avis sur certains grands établissements de recherche à l’étranger, l’École française d’Athènes, l’École de Rome ou l’École biblique de Jérusalem, soit pour assurer la gestion administrative, soit, les plus nombreuses, une trentaine, pour l’attribution des Prix.

Mais tout ce travail méticuleux, qui ne serait pas possible sans la discrète efficacité du secrétaire général Hervé Danesi entouré d’une équipe dévouée veillant sur les publications, la communication et la conservation, tout ce travail réalisé dans l’ombre, le temps vient aussi le mettre en pleine lumière. C’est le splendide palmarès que vous allez découvrir maintenant, qui joint au souvenir de généreux donateurs le talent des auteurs que l’Académie honore, sorte de feu d’artifice qui parachève ce bilan.