Coupoles De l’âge d’or à l’âge de fer. La nostalgie des Temps modernes.
par Yves-Marie BERCE, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Dans une même époque plusieurs représentations du cours des temps peuvent coexister et suggérer des repères concurrents. Ainsi un personnage vivant dans les années 1600, au cœur de l’ancienne Europe rurale, toute engagée dans la cosmologie chrétienne, avait foi dans les étapes de la Providence mais aussi croyait reconnaître les signes d’une décadence pècheresse inéluctable. Comme chacun sait, une fiction héritée de la poésie antique, fait succéder dans l’histoire quatre races ou âges métalliques ; elle fait passer l’humanité des premiers temps heureux d’un âge d’or vers des siècles où toujours s’augmentent les malheurs, enchainant des âges d’argent puis d’airain jusqu’à l’âge de fer de nos tristes jours contemporains.
Selon ce mythe, des rêveurs, des artistes et même des navigateurs pouvaient imaginer la survie d’îles heureuses, reliques de l’âge d’or, preuves de son antique existence, dernières traces de notre innocence oubliée. Christophe Colomb en personne avait cru devoir colliger les très rares et vagues hypothèses sur la situation géographique de l’enclos du Paradis terrestre. Domaines d’utopie, espaces inconnus de la Floride, de la Virginie ou du Maryland, nouvelles Arcadies, Atlantide perdue, îles fortunées, îles d’or, mystérieuse terre australe, les découvertes de ces ultimes bribes de l’âge d’or devaient être réservées à des âmes pures. Ainsi le jeune Télémaque méritait-il un jour d’arriver dans l’île de Calypso qui accueillait – tout comme l’île de Cythère, figurée par les peintres – les embarcations des amoureux les plus fervents. Des récits de véritables voyageurs pouvaient faire imaginer que les vertus des jardins d’Eden subsistassent peut être encore dans des îles océanes ignorées, inconnues des annales européennes. C’étaient peut être des îles de la Micronésie ou de l’archipel des Mariannes aperçues par un navire espagnol vers 1530 et puis sorties de l’histoire des Occidentaux pendant plus de deux cents ans jusqu’à leur redécouverte dans les années 1780 par des vaisseaux anglais capables désormais de leur assigner des longitudes et de les faire ainsi passer de la géographie des rêves à celle des cartes.
Vers 1600, avait encore cours la croyance que des modèles de bonheur avaient existé jadis, dans des temps de liberté originelle et que selon cette logique les guerres et catastrophes d’aujourd’hui venaient attester et confirmer la durée interminable de l’âge de fer. Entendons nous, la succession des âges métalliques n’était pas regardée par les lettrés de cette époque comme une donnée savante mais comme une sombre métaphore des malheurs du présent. L’idée de décadence du temps s’impose lorsqu’on assimile les périodes du destin du monde aux étapes d’une vie humaine. Un pessimisme spontané suggère le vieillissement inéluctable du monde. En effet, des songes de princes très anciens avaient prédit la chute d’empires successifs et ces moments prophétisés s’étaient ensuite vérifiés dans les chroniques des nations. Le modèle des songes annonciateurs apparaît, bien sûr, d’abord dans l’explication par le prophète Daniel d’un rêve du roi Nabuchodonosor. Il avait vu un géant à tête d’or, buste d’argent, ventre de bronze, jambes de fer et pieds d’argile ; ce colosse préfigurait, dit-on plus tard, cinq étapes historiques, celles des empires de Babylone, de Perse, de Grèce, de Rome et enfin, la cinquième, les pieds d’argile, celle des temps calamiteux de nos jours.
A leur tour, les premiers historiens de la France citaient, dans les chroniques dites de Frédégaire, un autre exemple de songe ou vision attribué au roi Childéric, père de Clovis. On en trouve la reprise jusque sous la plume de Claude Fauchet (1530-1602), président de la cour des monnaies sous Henri IV. Ce savant humaniste s’était le premier attaché à l’étude critique de l’histoire et de l’archéologie des Gaulois et des Francs. Au fil de la plume il en venait ainsi à rapporter les périodes de l’histoire annoncées au père du premier de nos rois. Pendant leur nuit de noces, volontairement chaste, l’épouse de Childéric, la reine Basine, princesse de Thuringe, lui aurait fait voir des apparitions étranges survenant dans la cour de leur château, d’abord un lion et une licorne, puis des animaux moins dignes comme l’ours et le léopard et enfin des mêlées de petites bêtes « qui se pilloient et se déchiroient ». Basine qui était un peu sorcière révélait à son compagnon que ces trois scènes de combat représentaient l’avenir de leur progéniture, le destin de leur dynastie. Elles annonçaient trois périodes, d’abord les grands succès de la première race de leurs descendants, ensuite « la couardise de ceux qui sur la fin tiendroient le sceptre du royaume François » et enfin les terribles malheurs caractéristiques des temps modernes où, pour comble, le royaume tomberait dans les agitations populaires : « les petits animaux qui se déchirent, expliquait la reine sorcière, c’est le peuple consumé en tumultes et affaires de guerre ». Mille ans plus tard, Claude Fauchet, écrivant dans les années 1590, bien qu’érudit critique, averti des traits fabuleux des récits du pseudo Frédégaire, avouait que cette périodisation de l’histoire ne lui paraissait que trop juste. Il affectait de croire à la continuation de la troisième période, « je le fais plus volontiers à ceste heure que nos divisions l’ont rendue prophétie ».
Selon Fauchet et ses Antiquités gauloises et françoises nos ancêtres, bien que leurs mœurs aient été rudes et grossières, vivaient en liberté et bonne foi. Les Gaulois et les Francs conservaient, comme d’ultimes traces d’un âge d’or, un caractère d’innocence et de liberté. C’était dans un tel passé, vague et vertueux que chacun aux xvi° et xvii° siècles croyait devoir rechercher les repères des bonnes coutumes et du bon gouvernement, tandis qu’en contraste la montée des malheurs, guerres intestines, schismes dans l’église, oppressions inouïes témoignait de l’orientation sinistre de l’histoire. De la sorte, lorsque dans des procès des syndics de communautés d’habitants défendaient leurs intérêts , ils évoquaient « des libertés anciennes,…des franchises exercées toujours auparavant, … en tout temps, … de mémoire perdue ». De même, dans les cahiers de doléances composés lors des convocations des Etats généraux de 1561 à 1651, et aussi dans les manifestes des nombreuses révoltes populaires de la même époque, la réclamation politique la plus constante était le retour à un ordre des choses éloigné de deux ou trois générations. Il s’agissait de revenir à un passé juste, recomposé selon les souvenirs fantasmés des vieilles personnes. Cette période regrettée se rattachait au règne d’un bon roi, saint Louis, bien sûr, et plus tard Louis XII, réputé « père du peuple ». Dans d’autres nations on aurait invoqué Frédéric de Hohenstaufen, Richard cœur de lion, le sage Mathias Corvin roi de Hongrie, Isabelle la catholique, Henri VIII d’Angleterre ou encore l’empereur Charles Quint.
Si la datation du bon temps disparu faisait nécessairement intervenir le nom d’un souverain, c’est que la périodisation du cours du temps, même dans ses formes fabuleuses, ne pouvait être que politique. Certes, à l’échelle des individus ou des familles, la structuration du passé pouvait faire ressouvenir de vicissitudes extrêmes du climat, d’épidémies mortifères, de migrations forcées, de terribles ravages de gens de guerre qui étaient restés dans la mémoire d’une communauté ou d’une région, mais à l’échelle des siècles et des peuples l’histoire ne gardait d’autre marque que celle du pouvoir, il n’y avait de repères qu’étatiques.
Que selon le droit de bonnes coutumes anciennes puissent s’imposer par simple prescription, sans la production d’un titre, pourrait faire croire que la mesure des années soit livrée à la fantaisie de chacun. Il n’en est rien ; il faut suivre ici les leçons des deux grands jurisconsultes du xvii° siècle Grotius et Pufendorf. Certes, disaient-ils, la possession d’un bien ou l’exercice d’un usage du seul fait de l’écoulement du temps se rencontre chez tous les peuples. Le concept si général d’une périodisation juridique relève bel et bien du droit naturel, mais, observaient-ils, ses termes précis, ses applications exactes varient selon les lieux et sont soumises aux lois civiles de chaque pays. Soit l’habitude de Talis, untel, de conduire ses troupeaux par tel chemin à telle pâture ou tel abreuvoir, cet usage s’il est exercé depuis longtemps sans contredit peut paraitre irréfragable, il est en fait précaire car une nouvelle ordonnance de la justice de ce territoire pourrait légitimement contrôler son origine, l’étendre ou le réduire, régler le nombre de têtes de bétail ou la saison de dépaissance. C’est le droit naturel qui reconnaît à Talis la longue possession d’un usage mais c’est du droit civil que dépendent sa vérification et sa mise en œuvre. Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum. Autrement dit, si chacun peut croire disposer à sa guise du cours du temps, sa maitrise ultime, sa mesure exacte et utile tombent sous le regard des lois du pouvoir.
La politisation du temps s’impose donc en droit, elle est également évidente dans l’écriture savante de l’histoire. Ainsi, c’est sous la forme d’une énumération des empires et monarchies du monde, que furent composées les premières chronologies universelles, la plus célèbre dans les annales de l’imprimerie étant la Weltchronik publiée à Nuremberg en 1493. Ces chronologies étaient l’œuvre d’ humanistes saisis par l’ambition d’une addition totale des événements, tant profanes que sacrés. La connaissance générale du destin de l’humanité permettrait une science particulière des époques, distinctio ou tabula temporum, une sorte de mathématique de la Providence, qui donnerait, espéraient-ils, l’intelligence du cours des âges et éclairerait la finalité de l’histoire. Leur regard s’étendait depuis la création du monde, calculée vers sept mille ans avant la venue du Christ, jusqu’au présent, voire jusqu’à la fin des temps. Dessiner de la sorte une seule table de toute l’histoire des hommes postulait une logique unique capable d’embrasser les diverses civilisations connues et de les insérer à leur juste date. Cet enjeu orgueilleux était professé vers les années 1550 dans plusieurs universités de l’Allemagne luthérienne.
Le comput le plus synthétique distinguait trois âges, présentés en termes juridiques : un âge de la loi de nature d’Adam à Moïse, un âge de la loi écrite de Moïse à Jésus Christ et un âge de la loi de grâce qui se confond avec l’ère chrétienne. Un autre ordonnancement plus précis comptait six âges, comme les six jours de la Création ou les six âges de la vie chez les Romains. Ce comput hérité de Saint Augustin dans La Cité de Dieu était souvent repris, par exemple dans la fameuse Weltchronik de Nuremberg. Ces six âges étaient le temps d’Adam, les temps de Noé, d’Abraham puis de David ; la captivité de Babylone était le cinquième âge, l’incarnation de Jésus le sixième âge et un septième âge devait marquer la fin des temps.
Un troisième système chronologique plus historicisé partageait le temps en seulement deux grandes époques dites « civiles et politiques », à leur tour divisées en périodes. Était placée en premier une époque du paganisme ; elle comprenait ensuite les cinq périodes événementielles de la prophétie de Daniel, depuis le premier royaume d’Assyrie jusqu’à la plus grande puissance des Romains. La seconde grande époque de l’humanité, allait de la naissance de Jésus jusqu’à la chute de Constantinople ; cette seconde époque paraissait encore inachevée et appelée à se poursuivre puisqu’elle ne comptait encore que cinq périodes scandées par le partage de l’Empire romain, les invasions barbares, l’empire de Charlemagne, l’avènement d’Hugues Capet et la fin de Byzance.
Dans tous les travaux de chronologie, quelle que fut la nation de leur compilateur, les références les plus anciennes et répétitives étaient des successions de souverains. De longs dénombrements de rois, rangés dans des filiations apparemment directes tenaient lieu d’histoire. La continuité de leurs généalogies, complètes, sans lacune, était nécessaire pour assurer la vraisemblance des récits et pour asseoir la légitimité des souverains contemporains. Il importait peu que l’on ne sût rien des monarques cités, l’enjeu était leur succession imperturbable. Les changements de dynasties, les mariages multiples et les naissances incertaines n’étaient pas envisagés, soit simplement parce qu’on n’en savait rien, soit plus significativement parce tous les événements s’effaçaient devant la force du système symbolique. On reconnaît bien sûr dans ces modèles européens de l’époque humaniste les récitations de généalogies de royaumes ou de chefferies que les ethnologues ont pu recueillir de nos jours dans des traditions orales exotiques d’Afrique ou d’Océanie.
Dans la logique des dénombrements royaux, les Grandes chroniques de France, imprimées pour la première fois en 1477, se présentaient en trois livres correspondant aux trois races ou lignées des rois de France. Ce découpage de l’histoire de la France en trois races royales sera respecté longtemps. La liste des noms fabuleux des premiers rois, malgré le défaut des sources dénoncé déjà par les érudits du xvi° siècle, demeurait le commencement obligé des annales nationales. L’histoire de la première race mettait toujours en tête de ses listes le roi Faramond (ou Pharamond), fils de Marcomir et père de Clodion le chevelu. A en croire Faramond se trouvait ainsi non seulement l’ancêtre de tous les rois suivants mais aussi le fondateur d’une règle qui avait assuré pour plus de mille ans la stabilité de l’institution royale française. L’indulgence de l’auteur pour la légende monarchique n’allait pas jusqu’à proposer un dessin précis du visage de ce premier souverain, non plus que de ses trois successeurs, les lunettes attendant leurs images étaient laissées vides par le graveur. La galerie des portraits de souverains, tous différents mais toujours couronnés, barbus et farouches, ne commençait qu’avec Clovis, son arrière arrière petit fils.
Les souverains ainsi ordonnés en chaine paraissaient détachables de leurs événements contemporains, simplement juxtaposés à leur époque comme si leur passage sur le trône ne servait qu’à placer des bornes au long du cours immuable du temps. Ils rejoignaient ainsi la fonction emblématique de héros et hommes illustres dont de grands seigneurs humanistes essayaient d’imaginer l’apparence dans des cabinets de portraits. Ces portraits de grands hommes et de femmes célèbres illustraient trois périodes ; tout comme les neuf preux et comme les figures des jeux de cartes choisies à la même époque, ils étaient extraits d’abord de récits antiques païens, puis des livres bibliques et enfin des fastes chrétiens et chevaleresques.
Le style de la chronologie et de la collection n’est pas celui de l’histoire, la succession des périodes royales ne dessine que des jalons dans l’espace temps, espace immense et impavide qui certes enregistre l’exercice actuel du pouvoir mais surtout fait mesurer la vanité des entreprises des hommes ; le découpage des périodes n’est pas tant un examen du passé qu’une leçon pour la suite, pour ce qui va venir jusqu’à la fin des temps. La réduction de l’histoire à une scansion d’anciens souverains se maintint longtemps. Elle s’imposa jusqu’au cours du xviii° siècle, c’est à savoir jusqu’à ce que la révolution démographique de l’allongement de l’espérance de vie vienne déplacer le modèle de société idéale d’un meilleur passé vers des avenirs de plus en plus radieux. Après cette étape que chacun peut à sa guise qualifier de biologique ou d’idéologique, la compilation des millénaires ne fut plus un avertissement divin, elle était abaissée à l’humble rang de science auxiliaire de l’histoire. Dès lors les historiens philosophes s’employèrent à dépouiller nos ancêtres de leurs vertus primitives, non plus témoins du bon vieux temps, mais plongés dans les ténèbres des temps obscurs, inconnaissables ou marqués de « barbarie ». Ainsi, l’appétit de changement qui accompagne le renouvellement des générations ne se voulut plus un retour, il supposa désormais un progrès à chaque lendemain.
Le moment était venu pour les historiens d’ordonner les vieux règnes en quelques grandes périodes qui donnent leur sens aux évolutions des sociétés et des institutions. En tête, la place de l’Antiquité païenne ou chrétienne dévoilée par les premiers fouilleurs amateurs, enseignée et vulgarisée dans les collèges était facilement concevable pour tout un chacun. Au delà, après la fin de l’Empire romain, quelques centaines d’années inconnues précédant le temps présent formaient un âge incertain, intermédiaire, media tempestas. Un phénomène ne peut s’élucider qu’après son achèvement ; de même que le concept et le mot d’Ancien Régime ne purent naître qu’après sa subversion, on n’a pu inventer le Moyen âge, intituler ainsi une part du temps passé, qu’à son épuisement, après l’identification d’une modernité différente ; c’est la reconnaissance de Temps dits modernes qui permettrait de concevoir et d’adopter le mot de Moyen Age.
En fait, c’est beaucoup plus tard qu’un Age dit moyen put accéder à la dignité d’objet d’étude. A l’université de Iena, où existait depuis 1548 une chaire d’histoire et d’éthique universelles, ce fut seulement en 1676 qu’un traité particulier fut consacré spécialement au Moyen Age, il s’agissait d’un Nucleus historiae, inter antiquam et novam, mediae. L’auteur, Christopher Keller, étendait cette « période moyenne » du règne d’Auguste à la chute de Constantinople en 1453. En effet, la fin de l’Empire romain d’Orient était la première, la plus retentissante dans l’instant, la plus immédiatement comprise des nombreuses ruptures qui accompagnaient la fin du xv° siècle. Cette récapitulation de phénomènes majeurs antérieurs à 1500 peut paraitre aujourd’hui une connaissance banale, elle résulte en fait d’un long travail comparatiste nécessaire à la compréhension et à la réunion de ces évènements. Et, en effet, ce fut seulement à la fin du xviii° siècle que le terme de Moyen Age prit clairement, définitivement le sens et le rang de période de l’histoire, étudiée, racontée et enseignée.
Selon ces perspectives nouvelles, chaque période historique bien que révolue possède une survie particulière, elle conserve dans le destin de l’humanité une trace fantomatique, une place et un rôle. Ainsi Du Bellay, observant les décombres des édifices romains, avait imaginé la persistance de la période antique sous l’apparence d’un spectre immortel qui continuerait de hanter le cours du temps.
De l’Empire romain ne restent plus « que ces marques antiques que chacun va pillant : comme on voit le glaneur, / cheminant pas à pas, recueillir les reliques/ de ce qui va tombant après le moissonneur. …
Par ce qui n’est que sa morte peinture/ Rome n’est plus : et si l’architecture/ quelque ombre encore de Rome fait revoir/ c’est comme un corps par magique savoir/ tiré de nuit hors de sa sépulture. / Le corps de Rome en cendres est dévallé / …/ mais ses écrits qui sont los le plus beau/ malgré le temps arrachés du tombeau/ font son idole errer parmi le monde ».