Prix Flora Blanchon LAURÉATS 2023

Le Prix Flora Blanchon couronne une thèse se distinguant dans les domaines d’études portant sur l’Extrême-Orient en vue d’en aider la publication.

 

Mme Anne-Colombe Launois, historienne, spécialiste de la culture des Sikhs, a soutenu en 2021 à l’École des Hautes Études en Sciences sociales (EHESS) sa thèse de doctorat en histoire et civilisations intitulée : « Images d’une royauté indienne, la dynastie sikhe de Patiala et son palais fortifié, XVIIIᵉ-XIXᵉ siècles ».

 

En 1850, après la seconde guerre anglo-sikhe (1848-1849), les Britanniques rasent presque tous les forts du Panjab pour éviter de nouveaux foyers d’insurrection. Seuls sont épargnés les quelques forts utilisés par les Britanniques et leurs alliés locaux, dont celui des rois de Patiala, le Qila Mubarak (du persan qilaʿ-i mubārak, « le fort béni »). Ce fort remarquable pour ses très nombreuses peintures murales est l’un des rares témoins des fortifications du Panjab aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles. Après l’indépendance de l’Inde, le développement urbain lié à l’extension des bazars de la vieille ville menace son intégrité. Il est classé monument historique au niveau régional en 1964, puis au niveau national en 1994.

 

Cette recherche étudie une royauté sikhe telle qu’elle s’est manifestée dans le royaume de Patiala aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, à la lumière des témoignages livrés par le Qila Mubarak, son architecture et son programme iconographique. Ce fort construit à partir de 1763 atteste d’abord de l’histoire de la dynastie sikhe de Patiala fondée par Ala Singh (1695-1765), chef (sardar) de la bande armée (misal) dite Phulkian. Les nombreuses peintures murales révèlent l’idéologie royale des souverains de Patiala, aspirant à s’élever au rang des anciennes royautés indiennes par l’affirmation d’une origine mythologique avec le dieu hindou Krishna, très souvent illustré sous diverses formes. Les images renvoyant pour certaines à des légendes panindiennes et pour d’autres à des histoires de la tradition orale du Panjab soulignent la richesse et la complexité du patrimoine local dans ce contexte sikh. Enfin, dans une perspective comparative, l’école de peinture de Patiala a été caractérisée à partir de la circulation des artistes, leurs écoles d’origine et ce patronage royal régional.

 

Cette étude remet en cause la vision générale de l’histoire et des arts sikhs aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, encore largement focalisée sur le roi Ranjit Singh (r. 1799-1839) de Lahore. Le patrimoine du Qila Mubarak rappelle que l’histoire des arts sikhs se développait déjà au sud de la rivière Sutlej, frontière entre le royaume de Lahore et l’Inde colonisée, plus de trente ans avant l’intronisation de Ranjit Singh à Lahore.