Fouilles archéologiques Mission archéologique française de Taposiris Magna et Plinthine (Égypte)

Situées à 45 km à l’ouest d’Alexandrie, les sites de Taposiris Magna et Plinthine sont établies sur un cordon de grès dunaire (la taenia) qui sépare le lac Mariout de la Méditerranée. Leur abandon, au début de l’époque impériale pour l’une et à la fin de l’Antiquité pour l’autre, a assuré la préservation de leurs remarquables vestiges, témoins du dynamisme économique et de l’importance stratégique et symbolique de la Maréotide.

 

Séparées par seulement 2,2 km à vol d’oiseau, Taposiris Magna et Plinthine font partie, à l’époque ptolémaïque (331-30 av. J.-C.), d’une multitude de bourgades localisées sur les rives du lac Maréotis, dans la région d’Alexandrie, et peuplées, en partie, de colons gréco-macédoniens arrivés sous l’impulsion d’Alexandre et ses successeurs, les Lagides. Les vestiges de surface les plus remarquables remontent à cette période et ont accaparé les premiers travaux effectués sur les sites (avec notamment les opérations conduites par E. Breccia et A. Adriani dans la première moitié du XXe s.).

 

Depuis 1998, la Mission française de Taposiris Magna et Plinthine (MFTMP), fondée et dirigée par Marie-Françoise Boussac jusqu’en 2018, date à laquelle Bérangère Redon lui a succédé, a repris l’étude de ces deux sites et de leur environnement. Nos travaux ont démontré que l’histoire des deux sites était plus complexe que précédemment exposée. Ils connaissent, dans l’Antiquité, un destin contraire, lié à des facteurs politiques et environnementaux : Taposiris Magna est attestée du IIIe siècle av. J.-C. à la conquête arabe, décolle au IIe siècle av. J.-C. et connaît un pic d’activité à l’époque romano-byzantine ; Plinthine est occupée depuis au moins le Nouvel Empire, s’épanouit à l’époque saïto-perse (milieu du VIIe s.-début du Ve s. av. J.-C.) puis à l’époque hellénistique (33 1-30 av. J.-C.), avant de disparaître au Ier s. ap. J.-C.

 

Depuis 2012, la MFTMP s’efforce de déterminer la nature des occupations les plus anciennes du site de Plinthine (vestiges d’époque ramesside à saïte), dont la découverte a été une surprise : rien en effet ne laissait supposer (sauf les témoignages peu clairs d’Hellanicos et Hérodote) que le site remontait à la période pré-ptolémaïque. En lançant la fouille du Kôm el-Nogous, imposant kôm en forme de fer-à-cheval de plus de 11 m de haut, nos travaux ont révélé l’importance, dès le Nouvel Empire, de la bande côtière de la Maréotide que l’on croyait oubliée par les pharaons et investie seulement par les Lagides.

 

De fait, Plinthine a livré sur son territoire des traces d’occupation des XVIIIe et XIXe dynasties dont une stèle dédiée par Séthy II et des blocs portant le cartouche de Ramsès II. La présence royale se manifeste encore sous la 26e dynastie (664-525 av. J.-C.), par la découverte d’un cartouche de Néchao II sur le site, où se développe un habitat prospère, dont la vitalité est liée à la viticulture. Nos travaux ont montré en effet à quel point l’existence même de la ville est liée à la production de vin, qui semble même être la raison d’être de la petite bourgade. Cela s’est manifesté par des découvertes majeures qui vont d’un fouloir entièrement préservé datant du VIIe siècle av. J.-C. à des milliers de pépins de raisin, en passant par des houes de fer qui permettaient, aux paysans dont on a exploré les maisons, de travailler la terre.

 

À l’autre extrémité du spectre chronologique, nos travaux récents sur les thermes romano-byzantins de Taposiris Magna et sur des entrepôts tardifs de la zone portuaire ont mis en lumière la vigueur des échanges en Maréotide aux Ve-VIIe siècles. Ils ont révélé l’impact du nouveau rôle de porte occidentale de l’Égypte joué par Taposiris depuis le Haut Empire au moins et les conséquences de l’invasion arabe au VIIe siècle sur la ville : elle semble encore occupée et les thermes sont refaits et toujours en utilisation au moins jusqu’au VIIIe siècle. Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’alors, la conquête arabe n’a pas signifié la fin abrupte de l’occupation de Taposiris, dont l’abandon est intervenu plusieurs décennies après.

 

La prochaine mission de terrain aura lieu à l’automne 2020. Plusieurs opérations conjointes seront menées : poursuite des fouilles de Plinthine ; sondages ponctuels dans la zone du port de Taposiris en lien avec la réalisation de carottages et d’observations géo-environnementales ; prospections géophysiques à Plinthine ; modélisation 3D du kôm de Plinthine. L’analyse des pépins de raisin et plus largement des restes botaniques de Taposiris et Plinthine se poursuivra également au laboratoire d’analyse des matériaux de l’IFAO. Par ailleurs, l’étude de l’ichtyofaune et de la malacofaune sera entamée pour compléter les études environnementales conduites sur le port de Taposiris et l’habitat pharaonique de Plinthine. Enfin, pour restituer ces résultats au grand public, le travail de modélisation 3D du kôm de Plinthine, débuté en 2019, sera poursuivie, pour aboutir à la création et à la publication en ligne du modèle. On peut d’ores et déjà visiter, au moyen de lunettes 3D, le fouloir saïte de Plinthine en réalité virtuelle et une statue modélisée est publiée sur le carnet de recherche de la mission (https://taposiris.hypotheses.org/1171).

 

La mission est soutenue par la commission des fouilles du MEAE, l’IFAO, le laboratoire HiSoMA (UMR 5189), l’équipe Mondes Pharaoniques du laboratoire Orient & Méditerranée et le fonds Arpamed (https://www.arpamed.fr/).

 

Bérangère Redon

chargée de recherche au CNRS (UMR 5189, HiSoMA, Lyon) berangere.redon@mom.fr

 

Liens complétmentaires

 

Pour en savoir plus

  • M.-F. Boussac, M. El-Amouri, « The lake structures at Taposiris », in Lake Mareotis Conference : reconstructing the past, Universities of Southampton and Alexandria (5th-6th April 2008), L. Blue et E. Khalil éd. (BAR IntS, 2113), 2010, p. 87-105.
  • Th. Fournet, B. Redon, « Bathing in the shadow of the pyramids. The Greek baths in Egypt, an original bathing model », in Collective baths in Egypt 2. New discoveries and perspectives, B. Redon éd. (EtUrb, 10), 2017, p. 99-137.
  • M.-F. Boussac, « Recent works at Taposiris and Plinthine », Bulletin de la Société archéologique d’Alexandrie 49, 2015, p. 189-217.
  • M.-F. Boussac, S. Dhennin, B. Redon (avec une annexe de Z. Barahona-Mendieta), « Plinthine et la Maréotide pharaonique », BIFAO 115, 2015, p. 15-35 http://www.ifao.egnet.net/bifao/115/02/
  • B. Redon, M. Vanpeene, « « La vigne a été inventée dans la ville égyptienne de Plinthine ». À propos de la découverte d’un fouloir saïte à Kôm el-Nogous (Maréotide) », BIFAO 116, 2016, p. 303-324. http://www.ifao.egnet.net/bifao/116/12/
  • B. Redon, « An Egyptian Grand Cru : the wine production of Plinthine (Mareotis area), from the New Kingdom to the Ptolemaic period », Egyptian Archaeology 55, autumn 2019, p. 28-33.
  • Les rapports annuels paraissent dans le supplément du BIFAO, accessibles sur le site internet de l’IFAO : https://www.ifao.egnet.net/

 

Légendes des illustrations

  • Fig. 1 : Localisation des deux sites sur la frange occidentale de l’Égypte (B. Redon, Image BingMap)
  • Fig. 2 : Vue du port de Taposiris avec au premier plan, le pont romain et en arrière-plan la « tour des Arabes » et le temple d’Osiris (© MFTMP, M.-Fr. Boussac).
  • Fig. 3 : Vue d’ensemble du kôm de Plinthine (© MFTMP, G. Pollin, IFAO)
  • Fig. 4 : Stèle de Séthy II trouvée sur le kôm de Plinthine, en remploi (© MFTMP, cliché A. Pelle, CNRS, CEAlex)
  • Fig. 5 : Le fouloir saïte de Plinthine (© MFTMP, G. Pollin, IFAO)
  • Fig. 6 : Restes de raisin mis au jour à Plinthine (© MFTMP, G. Pollin, IFAO)
  • Fig. 7 : Jetée byzantine du port de Taposiris (© MFTMP, M. El-Amouri)
  • Fig. 8 : Reconstitution 3D du fouloir saïte de Plinthine (© MFTMP, P. François)