Fouilles archéologiques Mission française de Taposiris Magna et Plinthine – MFTMP (Égypte)

 

 

 

 

Les deux bourgades de Plinthine/Kôm el-Nogous et de Taposiris Magna/ Abousir sont situées dans le nord-ouest de l’Égypte, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d’Alexandrie, dans ce que l’on a coutume d’appeler la Maréotide (fig. 1). Cette région de marge, située à l’ouest de la branche canopique, autour du lac Maréotis, est parfois oubliée sur les cartes des historiens de l’Égypte ; elle était pourtant partie intégrante et front pionnier du territoire égyptien dès l’époque pharaonique avant de devenir le poumon économique d’Alexandrie aux époques ptolémaïque, romaine et byzantine.

 

Associés dans les sources antiques, c’est tout naturellement que la Mission française de Taposiris Magna et Plinthine a choisi de les explorer en parallèle (fig. 3). Les travaux de la mission ont démarré en 1998 sous la direction de Marie-Françoise Boussac. Bérangère Redon lui a succédé en 2018. Les campagnes de terrain se tiennent chaque année grâce au soutien de la commission des fouilles du MEAE, de l’IFAO et du laboratoire HiSoMA du CNRS, et depuis 2018, de trois fonds de soutien à la recherche, Arpamed, Shelby-White et Honor Frost.

 

Les deux bourgades de Plinthine et Taposiris Magna, bien que voisines, ont connu un destin contrasté. Nos travaux, ainsi que ceux de nos trop rares prédécesseurs, ont permis de comprendre que Taposiris était sans doute fondée sous le règne de Ptolémée IV, même si une occupation antérieure, mais limitée, est possible. La ville prend son essor au début de l’époque romaine, lorsqu’elle est dotée d’un système portuaire complexe sur le lac Maréotis, qui lui confère un rôle majeur qu’elle tiendra jusqu’à la fin de l’Antiquité et au début de l’époque médiévale avec une intensité qui vient d’être mise en lumière par l’exploration de deux édifices de stockage dans le port (fig. 4-5). Les travaux effectués par notre équipe dans le port, fondés sur la réalisation de sondages ciblés, l’examen d’images satellites anciennes et de données géomorphologiques, ont démontré que notre vision du lac était à revoir (fig. 6).

 

En réalité, le lac Maréotis est formé de plusieurs bassins distincts qui ont été reliés entre eux de manière planifiée et grâce à de grands travaux de creusement de canaux uniquement à l’époque romaine. Avant cela, les sites de Plinthine et Taposiris étaient au bord de bassins isolés et reliés seulement de manière intermittente au bassin principal du lac Mariout. Les travaux d’époque romaine ont permis à Taposiris de devenir un point de rupture de charge essentiel dans les échanges régionaux et voire même internationaux. Taposiris devient le port d’embarquement des marchandises à destination d’Alexandrie et du reste de l’Égypte, ce qui explique le rôle qui lui est assigné de porte de l’Égypte et de douane occidentale d’Alexandrie, et qui explique la longévité du site.

 

 

Formé d’une nécropole composée de plusieurs dizaines de tombes isolées et de grands hypogées de type alexandrin, d’une agglomération située à environ 500 m à l’ouest, qui se développe sur le versant sud de la taenia, et d’un kôm en forme de fer-à-cheval qui domine la ville au nord, appelé le Kôm el-Nogous, le site de Plinthine est quant à lui occupé dès la deuxième moitié du IIe millénaire av. J.-C. (fig. 7). Son destin est lié, dès l’origine, à la production du vin, une boisson appréciée par les Égyptiens, mais dont la production locale a longtemps été éclipsée par celle de la bière, que l’on associe plus volontiers à la terre des pharaons. L’élément le plus ancien mis au jour à Plinthine est une anse timbrée au nom de Merytaton, fille d’Akhenaton, qui lui succéda sur le trône à sa mort vers 1338/7 av. J.-C. Sa découverte suggère l’existence d’un domaine viticole royal à Plinthine, comme il s’en développe dès les débuts de l’époque pharaonique dans les marges égyptiennes et singulièrement dans le nome du Harpon, qui englobe la région du lac Maréotis. Le site est doté d’un temple sous le règne de Ramsès II (fig. 8a et b) et l’établissement est alors intégré à un ensemble de sites destinés à sécuriser les accès à l’Égypte face au risque que représentait pour le pouvoir royal la montée en puissance de nouveaux groupes « libyens ». Durant l’époque saïto-perse, la viticulture est la raison d’être de la bourgade, comme en témoignent la présence écrasante de pépins de raisin dans les assemblages archéobotaniques et la découverte d’une unité de production de vin exceptionnellement bien conservée (fig. 9). Après une période d’abandon ou de rétractation de l’occupation entre la seconde moitié du Ve et la fin du IVe s. av. J.-C., le site de Plinthine est réoccupé au début de l’époque ptolémaïque (fig. 10). Dès les premières décennies de l’installation de colons gréco-macédoniens, un chai doté d’un fouloir et d’un pressoir à levier est construit, démontrant ainsi la persistance de la viticulture sur le site durant près d’un millénaire.

 

La mission est soutenue par la commission des fouilles du MEAE, l’IFAO, le laboratoire HiSoMA (UMR 5189), l’équipe Mondes Pharaoniques du laboratoire Orient & Méditerranée. Nous avons reçu également le soutien du fonds Arpamed (https://www.arpamed.fr/), de la fondation Honor-Frost, et du Shelby White and Leon Levy Program for Archaeological Publications.

 

Bérangère Redon, chargée de recherche au CNRS (UMR 5189, HiSoMA, Lyon) et directrice de la mission française de Taposiris Magna et Plinthine (MFTMP) – berangere.redon@gmail.com

 

Liens utiles :

Pour en savoir plus :

  • M.-Fr. Boussac, M. El-Amouri, « The lake structures at Taposiris », dans L. Blue and E. Khalil (éd.), Lake Mareotis Conference : reconstructing the past, Universities of Southampton and Alexandria (5th-6th April 2008), BAR IntS 2113, 2010, p. 87-105.
  • Th. Fournet, B. Redon, « Bathing in the shadow of the pyramids. The Greek baths in Egypt, an original bathing model », dans B. Redon (éd.), Collective baths in Egypt 2. New discoveries and perspectives, EtUrb 10, 2017, p. 99-137.
  • M.-Fr. Boussac, « Recent works at Taposiris and Plinthine », BSAA 49, 2015, p. 189-217.
  • M.-Fr. Boussac, S. Dhennin, B. Redon (avec une annexe de Z. Barahona-Mendieta), « Plinthine et la Maréotide pharaonique », BIFAO 115, 2015, p. 15-35 http://www.ifao.egnet.net/bifao/115/02/
  • B. Redon, M. Vanpeene, « « La vigne a été inventée dans la ville égyptienne de Plinthine ». À propos de la découverte d’un fouloir saïte à Kôm el-Nogous (Maréotide) », BIFAO 116, 2016, p. 303-324. http://www.ifao.egnet.net/bifao/116/12/
  • J. Le Bomin, J. Marchand, M. Vanpeene, « Se baigner à l’aube de la conquête arabe. La fouille des thermes byzantins de Taposiris Magna », BIFAO 119, 2019, p. 181-223 : https://journals.openedition.org/bi…
  • M. Crépy, M.-Fr. Boussac, « Western Mareotis lake(s) during the Late Holocene (4th c. BCE – 8th c. CE) : diachronic evolution and evidences for the digging of a canal complex during the Early Roman period », E&G Quaternary Science Journal 2021 : https://egqsj.copernicus.org/articl…
  • J. Marchand, « Il ne faut pas mettre toutes les eulogies dans le même panier ! Nouvelles eulogies de Saint Mênas découvertes à Taposiris Magna », Antiquité Tardive 29, 2021, p. 193-210.
  • B. Redon, « De la XVIIIe dynastie au début de l’époque romaine : l’histoire revisitée du site de Kôm el-Nogous / Plinthine en Maréotide », BSFE 205, 2021, p. 79-103.
  • S. Dhennin, C. Somaglino, « Un temple de Ramsès II au Kôm el-Nogous (Plinthine) : nouvelles données sur l’implication ramesside en Maréotide », BIFAO 122, 2022, p. 201-236.
  • M.-F. Boussac éd., La nécropole hellénistique de Plinthine, FIFAO, Le Caire, à paraître 2022.
  • Les rapports annuels paraissent dans le BAEFE ( https://journals.openedition.org/ba…)

 

Légendes des figures :

  • Fig. 1 – Les confins nord-ouest de l’Égypte, localisation de Taposiris Magna et Plinthine (© MFTMP, B. Redon, fond de carte BingMap)
  • Fig. 2 – Vue de la taenia entre Taposiris Magna (en arrière-plan) et Plinthine (© MFTMP, B. Redon)
  • Fig. 3 – Plan des sites de Taposiris Magna et Plinthine après la campagne 2021 (© MFTMP, Th. Fournet, M. Vanpeene)
  • Fig. 4 – Orthophographie des deux édifices de stockage byzantins du port de Taposiris (© MFTMP, A. Rabot)
  • Fig. 5 – Taposiris Magna, Vue générale du bâtiment BAT 2100 depuis le nord avec l’anse (© MFTMP, J. Le Bomin)
  • Fig. 6 – Reconstitution des bassins constitutifs du lac Maréotis durant le IIe millénaire et la première moitié du Ier millénaire av. J.-C. (© MFTMP, M. Crépy, 2020, fond de carte : photo satellite Corona)
  • Fig. 7 – Vue générale du kôm el-Nogous depuis l’angle sud-est (© MFTMP, Gaël Pollin, IFAO)
  • Fig. 8a et b – Deux blocs provenant du temple de Ramsès II de Plinthine (PO 664, face A et B) (© MFTMP, G. Pollin, Ifao).
  • Fig. 9 – Fouloir saïte mis au jour dans le secteur 6 du kôm de Plinthine depuis l’entrée de la pièce (© MFTMP, B. Redon)
  • Fig. 10 – Chai ptolémaïque de Plinthine en fin de campagne 2021 (© MFTMP, L. Dautais)