Fouilles archéologiques Projet « Enclaves polynésiennes au Vanuatu »

Présentation

 

Notre programme de recherches archéologiques s’attache à définir les migrations polynésiennes à travers l’étude des régions dites « enclaves polynésiennes » de l’archipel du Vanuatu. On nomme « enclaves polynésiennes » la vingtaine d’îles localisées hors du triangle polynésien, en Mélanésie et en Micronésie. Y vivent aujourd’hui des populations parlant des langues polynésiennes et partageant des traits culturels polynésiens. Notre objectif est 1) d’identifier des signatures archéologiques et paléobiologiques des migrations polynésiennes dites « migrations de retour », qui se sont effectuées d’est en ouest depuis la Polynésie centrale pour atteindre le Vanuatu durant le dernier millénaire et 2) de tenter de comprendre quelles ont été les influences et processus, externes et locaux, ayant conduit à la formation de ces entités, en tenant compte de leurs contextes régionaux.

 

Ces dernières années, nos travaux ont porté sur les deux « enclaves polynésiennes » du sud du Vanuatu : les petites îles de Aniwa (8km2) et Futuna (11 km2) et sur la grande île de Tanna (550 km2), des régions dont l’archéologie est jusqu’à présent quasi-inconnue.

 

Les efforts que nous avons engagés pour construire un cadre chrono-culturel régional, encore très lacunaire, commencent à porter leurs fruits. Le sud du Vanuatu, contrairement à ce qui put être envisagé par certains archéologues qui suivent la théorie du « leapfrog » (ou saute-mouton), ne constitue pas une étape migratoire évitée. Nos résultats établissent l’ancienneté du peuplement non seulement des petites îles de Aniwa et Futuna mais aussi de la grande île de Tanna. Ils démontrent l’existence d’un peuplement ancien, au moins dans le nord de l’île de Tanna, avec une présence humaine pérenne datée de c. 2600-2800 BP sur les sites de Marseille et de Lowenpakal. Ils démontrent aussi que Futuna et Aniwa participent du même mouvement, avec des occupations aussi datées autour de 2600-2800 BP dans les deux îles. Ce peuplement ancien s’inscrit dans la dynamique des premiers peuplements dite Lapita, connue dans le reste du Vanuatu ainsi qu’en Nouvelle Calédonie vers 3000 BP.

 

Nos résultats établissent aussi que les enclaves polynésiennes du sud du Vanuatu sont, contrairement à ce qui a pu être dit, comparables à d’autres enclaves polynésiennes comme Tikopia, aux Iles Salomon, dont la séquence culturelle présente trois phases, la troisième dite « polynésienne » survenant vers 1100-1200 AD. Sur Aniwa et Futuna, cette phase « polynésienne » se caractérise par une série de changements dont une intensification des systèmes de production horticole et acquacole, la présence à Futuna d’assemblages comportant de nouveaux éléments et peut-être un changement de pratiques funéraires, avec une utilisation soutenue des abris vers c. 300 cal BP. Nous montrons également que la formation de ces espaces polynésiens résulte non seulement de la diffusion d’idées et d’échanges d’objets, de connaissances et de savoir-faire, mais aussi de métissages.

 

Les sépultures et restes humains que nous avons étudiés fournissent en effet des indications directes sur le changement de la composition biologique de la population. Les analyses morphométriques et paléogénomiques indiquent que les individus associés au peuplement ancien de Tanna présentent des affinités génétiques et phénotypiques avec les populations du nord de la Mélanésie. Les mêmes analyses effectuées sur les individus de Futuna et Aniwa témoignent d’une modification de composition de la population. Les individus anciens de Futuna et Aniwa arborent les mêmes caractéristiques que les individus plus anciens de Tanna alors que les individus plus récents affichent une grande diversité phénotypique dont des femmes au phénotype polynésien. Ces données offrent un témoignage direct de l’arrivée de groupes polynésiens dans le sud du Vanuatu et invitent à réfléchir à l’hypothèse d’une mobilité différentielle selon le genre et au rôle particulier des femmes dans la formation des enclaves polynésiennes du Vanuatu.

 

Ce travail a pu être engagé grâce à une collaboration entre le CNRS, UMR 8068 TEMPS (France), l’Université de Sydney (Australie), l’université nationale australienne (ANU, Australie), et le Centre culturel du Vanuatu (VKS, Vanuatu). Il est soutenu par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (Archéologie et protection du patrimoine) (France) et l’Ambassade de France au Vanuatu.

 

Liens :

https://umrtemps.cnrs.fr/

https://vanuatuculturalcentre.gov.vu/

https://vu.ambafrance.org/

 

Frédérique Valentin

anthropologue, directrice de Recherche au CNRS rattachée à l’UMR 7041 (Nanterre) – frederique.valentin@cnrs.fr

 

Table des illustrations :

-Fig 1. Localisation du Vanuatu et des îles de Tanna, Futuna et Aniwa au sein de l’Océanie.

-Fig 2 et 3 . Terres et poteries du site de Marseille dans le Nord-Ouest de l’île de Tanna ; ces poteries, datées de c. 2600-2800 cal BP, présentent des décors remarquables, également retrouvés sur l’île voisine de Erromango.

-Fig 4 et 5. Horticulture et acquaculture à Futuna et Aniwa : terrasses irriguées pour culture du taro dans le sud-est de Futuna (en cours d’étude), zone d’exploitation du lagon dans le nord de Aniwa.

-Fig 6 et 7. Exemple d’un abri funéraire de Futuna, au début de la fouille et en cours de fouille ; noter la co-occurrence de sépultures et de structures domestiques.

 

cliquez sur l’image pour l’agrandir