Fouilles archéologiques Projet Río Bec 2 (Mexique)

Paysans et rois, formes alternes de gouvernement et d’usage des terres à Río Bec (Campeche, Mexique)

 

Présentation

 

Dans le monde des basses terres mayas, Río Bec, situé au coeur de la péninsule du Yucatán et contemporain de l’apogée des grandes cités classiques (550-950 apr. J.-C.), pose la double question de la résistance des groupes sociaux locaux, constitués fondamentalement de paysans mais hiérarchisés, à l’autorité de rois et du fondement économique de l’étonnante spécificité politique régionale mise en place.

 

Les résultats issus d’un premier projet dirigé par Dominique Michelet et Marie-Charlotte Arnauld (2002-2010) ont montré qu’à partir de 550, Río Bec fut le théâtre d’un changement d’habitat et du développement d’un système agraire perfectionné. Le style architectural des grandes résidences maçonnées et richement décorées qui se multiplient culmina entre 700 et 900, période à laquelle cette société s’étendit sur toute une région : petits et grands habitats, inclus dans un parcellaire agricole encore bien visible malgré la forêt, auraient formé des espèces de quartiers, situés à distance des trois uniques groupes ayant pu avoir une dimension plus politique. La dispersion de ces derniers, les seuls à être dotés de stèles (avec image royale et inscriptions) et de places et pyramides, est caractéristique de Río Bec et singularise le site par rapport aux centres politiques des basses terres du Sud. Leur mise en place et leur histoire dans le temps restent toutefois à mieux cerner, notamment vis-à-vis de la formation et du développement des « quartiers ».

 

Héritier de cette première recherche franco-mexicaine, le projet Río Bec 2, s’applique en priorité aux trois groupes mentionnés et poursuit deux objectifs principaux :

 

– clarifier l’hypothétique transition du pouvoir dans le temps, entre un système politique de royauté sacrée, qui prévalut dans le Sud et qui aurait disparu précocement à Río Bec, et un régime fondé sur le partage du pouvoir entre chefs de lignées hiérarchisées, régime qui caractérisa le Postclassique dans le Nord ;

– préciser, dans le temps, l’évolution des structures et des pratiques agraires qui assurèrent la subsistance et même la prospérité de cette société.

 

Le programme a une orientation nettement interdisciplinaire : il articule approches archéologiques centrées sur l’architecture, la chronologie et l’espace, et approches paléoenvironnementales, en particulier via des études archéobotaniques et isotopiques, axées sur les paysages et les ressources associées. L’équipe intègre des chercheurs d’institutions diverses (France, Mexique, Guatemala, Canada) ainsi que des post-doctorants et doctorants. Le projet est soutenu institutionnellement et/ou financièrement par le ministère français de l’Europe et des Affaires Étrangères, le CNRS (UMR 8096 Archéologie des Amériques), le CEMCA, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, la Fondation Stresser-Péan, l’entreprise franco-mexicaine Cimesa, l’INAH Mexico et son centre régional de Campeche.

 

L’enjeu du projet Río Bec 2 est ambitieux. En tentant de restituer l’évolution des systèmes socio-politiques et économiques locaux, il s’agit de contribuer à la compréhension des stratégies socio-économiques des élites du Classique, de la transition vers le régime politique postclassique ainsi que des crises des VIIIe-IXe siècles (« collapse maya »).

 

Eva Lemonnier

maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Ecole d’Histoire de l’art et d’Archéologie de la Sorbonne EHAAS-UFR03), rattachée à l’UMR 8096, Archéologie des Amériques depuis septembre 2012- eva.lemonnier@univ-paris1.fr

 

Illustrations

  • Fig 1. Vue aérienne de deux résidences monumentales du Groupe B de Río Bec (6N1 et, à droite, 6N2 fouillé par M.-C. Arnauld)
  • Fig 2. Vue de la façade nord de la résidence principale du Groupe A de Río Bec et restitution de celle-ci (fouille : D. Michelet ; dessin : N. Latsanopoulos)
  • Fig 3. Détail d’un panneau décoratif stuqué (à l’ouest de la porte est), résidence principale du Groupe A (fouille : D. Michelet)
  • Fig 4. Vue partielle de la stèle 6 du Groupe V (photographie : Ignacio Cases)
  • Fig 5. Aguada Ceibo, un des principaux réservoirs naturels de Río Bec (mars 2022).
  • Fig 6. Début du programme de fouille en mars 2022, au pied de l’édifice principal du Groupe A de Río Bec.