Prix et Fondations Lauréat 2022

Lauréat 2022

Lors de sa réunion du vendredi 13 mai 2022, la commission du Prix d’études chinoises en l’honneur de Léon Vandermeersch, créé par l’Académie et la fondation Mingyuan, a décidé de décerner son prix annuel, d’un montant de 10 000 €, à  M. Shiba Yoshinobu, professeur émérite à l’Université d’Osaka,  pour l’ensemble de son œuvre consacrée à l’histoire économique chinoise de l’époque Song (960-1279).

 

Éminent spécialiste de l’histoire économique chinoise de l’époque Song (960-1279), le professeur Yoshinobu Shiba, né en 1930, a produit l’une des synthèses les plus abouties des travaux du Japon, de la Chine et de l’Occident sur la « révolution » économique de la Chine médiévale. Au fil d’un demi-siècle, son œuvre monumentale s’établit comme la référence incontournable pour qui s’intéresse à la transition Tang-Song au seuil de la première modernité chinoise. Il est professeur émérite de l’universités d’Osaka et conseiller spécial de la Bibliothèque orientale Tōyō Bunko à Tokyo. Élu à l’Académie du Japon en 2003, il s’est vu distingué dans l’ordre du Mérite culturel en 2006, l’ordre du Trésor sacré en 2014, et l’ordre de la Culture en 2017. Il a reçu le prestigieux « Tang Prize » de sinologie en 2018.

 

  1. Yoshinobu Shiba a débuté sa carrière avec une étude des « Denrées et monnaies »食貨志, monographie consacrée au mouvement commercial au sein de l’Histoire officielle des Song, après avoir acquis de solides bases en droit du commerce et de la propriété dans le département d’Histoire orientale de l’Université de Tokyo, à l’école des professeurs Katō Shigeshi (1880-1946) et Niida Noboru (1904-1966), maîtres, respectivement, de l’histoire économique et du droit chinois. L’exploration systématique des sources primaires ayant trait à l’administration économique et financière des Song, l’évolution des sociétés régionales, le système des transports, le commerce, l’organisation des comptoirs et l’urbanisation lui permit ensuite d’entreprendre une étude globale des profondes transformations sociales et économiques qui marquèrent la période entre lesviiie et xiiie siècles. La somme des travaux de Shiba comprend quatre ouvrages capitaux :

 

– Sōdai shōgyōshi kenkyū宋代商業史研究 (Commerce et société sous les Song), Tokyo, Kazama Shobō, 1968. Ce livre fondamental atteint un large public international grâce à la traduction anglaise Commerce and Society in Sung China de Mark Elvin (1970). Par voie d’enquête méticuleuse sur le développement des marchés, les gains de productivité agricole et artisanale, les échanges commerciaux et l’urbanisation, Shiba démontre que croissance économique et montée en puissance de la classe marchande allèrent de pair avec le déclin de l’aristocratie médiévale, laquelle cède le pas, d’une part, à un pouvoir central autocratique, d’autre part, à une organisation largement autonome de la société locale.

 

– Sōdai Kōnan keizaishi no kenkyū宋代江南経済史の研究 (Études sur l’économie du bas Yangtze sous les Song), Tokyo, université de Tokyo, 1988 et Kyūko Shoin, 2001. Dans cet ouvrage consacré à la place de la géographie dans l’histoire économique de la Chine, M. Yoshinobu Shiba conjugue les éléments d’analyse spatiale et régionale de l’approche occidentale avec les méthodes empiriques de la sinologie japonaise pour étudier la société du Jiangnan, cœur économique de l’espace chinois dans la région du bas Yangzi. S’inspirant de l’École des Annales, l’ouvrage met l’accent sur les évolutions sociales et économiques de longue durée, tout en prenant en compte conditions environnementales, bouleversements technologiques et transformations politiques et juridiques.

 

– Kakyō 華僑 (Les Chinois d’Outre-mer), Tokyo, Iwanami Shote, 1995. M. Yoshinobu Shiba élargit ensuite son champ d’investigation à l’extension des réseaux socio-économiques hors les frontières. Proposant un modèle nouveau des communautés chinoises d’Outre-mer, fondées sur les liens de parenté et la provenance géographique, il démontre que les interconnexions impliquent non seulement les réseaux avec le continent chinois, mais traversent toute l’Asie de l’Est.

 

– Chūgoku toshishi 中国都市史 (Histoire urbaine de la Chine), Tokyo, Tōkyō Daigaku Shuppankai, 2002. L’auteur revient à l’analyse spatiale et régionale pour s’intéresser à la genèse des structures urbaines chinoises, marchés, bourgs, villes murées. À la différence des villes médiévales occidentales issues de l’expansion de bourgs organisés par les corps de marchands ou d’artisans regroupés en guildes, et autres organes de la société civile, le développement urbain chinois est dirigé par toute une hiérarchie d’administrations locales dépendant du pouvoir central.

 

Interrogeant le regard des historiens, dont ceux issus de la mouvance marxiste, sur l’économie et la société chinoises, M. Yoshinobu Shiba offre au total une vision profondément originale de la « révolution » économique des Song tant au niveau des régions de la Chine continentale qu’au sein des communautés chinoises d’Outre-mer. Son oeuvre donne à voir toute la richesse et la dynamique de la société chinoise à un moment clé de son histoire, tout en élaborant une méthodologie de recherche irréprochable et universellement applicable.