Prix et Fondations Lauréat du prix Vandermeersch 2024
Lors de sa réunion du vendredi 24 mai 2024, la commission du Prix d’études chinoises en l’honneur de Léon Vandermeersch, créé par l’Académie et la fondation Mingyuan, a décidé de décerner son prix annuel, d’un montant de 10 000 €, à M. Lothar Ledderose pour soutenir l’ensemble de ses travaux consacrés à l’histoire de l’art chinois ainsi que l’entreprise internationale qu’il dirige d’édition, en 25 vol., des sutras bouddhiques gravés sur pierre en Chine.
Lothar Ledderose est né en 1942 à Munich. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1961 au lycée apostolique de Cologne, avec une spécialisation en langues classiques, il a étudié l’histoire de l’art, l’histoire de l’art de l’Asie orientale, la sinologie et la japonologie dans les universités de Cologne, Bonn, Paris, Taipei et Heidelberg. En 1969, il a obtenu son doctorat à l’université de Heidelberg avec une thèse summa cum laude sur la calligraphie en écriture de sceau sous la dynastie Qing (Steiner, Wiesbaden, 1970). Il y a évoqué l’école archaïsante de calligraphie chinoise du XVIIIe au XXe siècle qui, en se référant à l’écriture de la plus haute antiquité, a modernisé la calligraphie et créé des œuvres du plus haut niveau esthétique. Lothar Ledderose y a exposé pour la première fois sa conviction que la calligraphie est l’art fondateur de la Chine et un paradigme de sa culture visuelle et matérielle.
Après deux années d’études postdoctorales à Princeton et Harvard, Lothar Ledderose a travaillé pendant un an comme traducteur au Musée national du Palais de Taipei et pendant trois ans comme chercheur à l’Université de Tokyo. En 1975, il a commencé sa carrière professionnelle dans les musées d’État de Berlin, et en 1976 obtenu son habilitation à l’Université de Cologne avec la thèse « Mi Fu et la tradition classique de la calligraphie chinoise » (Princeton University Press, 1978). Dans ce livre, il s’est concentré sur le rôle central que Mi Fu (1051-1107) a joué, par ses écrits théoriques, son activité de collectionneur et sa propre pratique calligraphique, dans la transmission des œuvres des maîtres classiques du IVe siècle. La forme que Mi Fu a donnée à leur tradition a perduré à travers les siècles jusqu’à nos jours.
En 1976, Lothar Ledderose a été nommé professeur à l’Université de Heidelberg, à l’époque la seule chaire d’histoire de l’art d’Asie orientale en Allemagne, poste qu’il a occupé pendant 34 ans. Il a également été invité à enseigner dans les universités du Kansas, de Chicago et de Cambridge, à l’université de Kyoto, à l’université nationale de Taiwan et à l’académie des Beaux-Arts de Chine à Hangzhou.
Outre la calligraphie chinoise et japonaise, ses plus de 250 publications traitent de la peinture et de l’architecture chinoises et japonaises, de comparaisons entre l’art de l’Asie orientale et l’art occidental, et de l’histoire de ce domaine. Son livre le plus souvent cité est Ten Thousand Things : Module and Mass Production in Chinese Art (Princeton University Press, 2000). Il y démontre comment les artisans chinois ont réussi à créer un grand nombre d’objets de haute qualité dans un minimum de temps en concevant des systèmes de production par lesquels ils composaient ces objets à l’aide de modules, c’est-à-dire de pièces interchangeables standardisées. L’auteur décrit et analyse ces systèmes dans la fonte des bronzes archaïques, l’armée de terre cuite du Premier Empereur, la technologie de l’impression, l’architecture en bois, la fabrication des porcelaines et celle des peintures artisanales. Ce livre en tout point remarquable a connu dès sa parution un immense succès, bénéficiant de pas moins de onze recensions pour la seule édition américaine, et il a reçu en 2002 le prix Joseph Levenson de l’Association for Asian Studies (Best book of the year on traditional China).
Lothar Ledderose a été l’organisateur de trois expositions d’art que la Chine a envoyées en Allemagne : « Im Schatten Hoher Bäume », la première exposition de peinture de lettrés présentée en Europe (Baden-Baden, 1984) ; « Schätze aus der Verbotenen Stadt », du Musée du Palais de Pékin (Berlin, Vienne, 1985/1986), qui a attiré 390 000 visiteurs ; et « Jenseits der Großen Mauer », une exposition d’archéologie de la dynastie Qin, qui comprenait un grand nombre de guerriers en terre cuite (Dortmund, 1990). Il a également été le directeur scientifique (avec Doris Croissant) de l’exposition « Japan and Europe 1543-1929 » (Berlin, 1993), que l’empereur et l’impératrice du Japon ont honorée d’une visite.
Depuis 2005, Lothar Ledderose est directeur et principal contributeur d’un projet de recherche à long terme de l’Académie des sciences de Heidelberg. Son objectif est de documenter, d’analyser et de publier le corpus complet des sutras bouddhistes gravés dans la pierre dans toute la Chine, la majorité entre le VIe et le VIIIe siècle. Ces inscriptions confèrent aux sites un caractère sacré. Dans le passé, elles diffusaient un enseignement et étaient parfois des supports de méditation. Durant des siècles, elles ont attiré les pèlerins ; certaines au contraire, oubliées depuis longtemps, ont été découvertes grâce à ce programme. Le travail entrepris concerne divers domaines depuis l’esthétique jusqu’à l’histoire des textes et des pratiques religieuses. Il fédère de nombreuses institutions, chinoises, japonaises, européennes et américaines, réunissant une bonne centaine de chercheurs. Dix volumes de grand format, dans une série intitulée « Sutras bouddhistes sur pierre de la Chine », ont été publiés jusqu’à présent, le plus récent étant celui de la Province du Shandong, vol. 4 : Mont Tai—Vallée du sutra rupestre (Wiesbaden et Hangzhou, 2022).
Les distinctions reçues par Lothar Ledderose comprennent la médaille François Ier du Collège de France (1995), son élection comme membre de la British Academy (1996), le prix du livre Joseph Levenson (2002), le prix Balzan (2005), la médaille Heisenberg de la Fondation Humboldt (2011), son recrutement comme conseiller du Musée national du palais de Pékin (2014), sa fonction d’ambassadeur du patrimoine culturel du Shaanxi (2014), le prix du livre Toshihide Numata sur le bouddhisme (avec Sun Hua, 2015), le prix de l’amitié du lac de l’Ouest de la province du Zhejiang (2023).