Les membres du Conseil Scientifique de la Fondation Christiane et Jean Guilaine se sont réunis le mercredi 15 mai à 11 heures afin d’examiner les candidatures envisageables pour l’obtention du prix 2024. Après énumération d’une liste de prétendants possibles, trois noms ont été sélectionnés. Après délibération, le nom de Michel Py a été retenu.
Michel Py, né en 1947, a fait toute sa carrière au CNRS , terminant celle-ci en qualité de Directeur de Recherche de classe exceptionnelle. Il avait obtenu en 1991 la médaille d’argent de cet organisme. Il a assumé diverses fonctions liées à l’administration de la recherche : membre du Comité National du CNRS (section31), du Conseil Supérieur de la Recherche Archéologique, du Comité Scientifique du Mont-Beuvray, de la Gestion de la Recherche de la Généralité de Catalogne. Il a donné des enseignements à l’Université Paul-Valéry (Montpellier) mais aussi dans diverses institutions en Espagne, Italie et Grèce.
Sur le terrain, la recherche de M. Py a concerné les populations protohistoriques de Méditerranée occidentale au cours du Ier millénaire avant notre ère. Elle a débuté par une série d’interventions sur un ensemble de sites d’habitat et d’oppida de la région de Nîmes (Nages, Mauressip, Roque-de-Viou, Roc de Gachonne, Roche de Comps, Le Marduel, etc.) dont il a tiré la matière d’une thèse de 3e cycle soutenue en 1973 et qui avait pour titre « Les Oppida de Vaunage ». Il s’investissait peu après dans la fouille et la publication d’un habitat du Premier Âge du fer, La Liquière, site d’autant plus important que le VIIe siècle avant l’ère n’est généralement connu en Occitanie que par des nécropoles. Elargissant sa recherche à d’autres gisements, il soutenait en 1987 une thèse de doctorat d’état qui sera publiée dans les Suppléments de l’Ecole Française de Rome sous le titre « Culture, économie et société protohistoriques dans la région nîmoise » (2 tomes, 1990).
M.Py a consacré ensuite son énergie en entreprenant des recherches sur le site de Lattes, aux portes de Montpellier. Ce chantier, qu’il dirigea se 1983 à 2009, a été rapidement labellisé « Ecole de Fouilles Internationale » par le Ministère de la Culture pour devenir l’un des établissements protohistoriques les plus en vue du Midi méditerranéen par son infrastructure efficiente associant centre de recherche, dépôt de fouilles et musée archéologique.
Les écrits de M.Py sont axés sur la culture matérielle des populations indigènes de l’Ouest méditerranéen. Il s’agit de monographies de sites, de très nombreux articles et de grands corpus associant méthodologie et catalogues documentaires portant sur la diversité des outils de métal , des céramiques de fabrication régionale, des monnaies mais aussi des productions d’importations grecque, étrusque, punique. Ses textes sont imprégnés d’une certaine vision autochtoniste : plutôt que de considérer l’évolution des sociétés comme dictée par les intrusions méditerranéennes, et notamment grecque et étrusque, l’auteur met en avant la dynamique interne comme moteur des changements observables par l’analyse archéologique. On en trouvera une expression magistrale dans son ouvrage « Les Gaulois du Midi », paru en 1993 et revisité et republié en 2012.
Homme de terrain mais aussi de méthode, M. Py a été l’un des premiers archéologues à utiliser en France l’outil informatique pour créer un système d’enregistrement et de gestion de la documentation matérielle : le SYSLAT, appliqué d’abord et expérimentalement au site de Lattes puis devenu une référence en raison de son utilisation au sein d’autres chantiers.
De la même façon, soucieux d’homogeneiser la terminologie et les normes descriptives de classification des céramiques protohistoriques, M. Py a créé un Dictionnaire des céramiques antiques fondé sur la documentation des données entre Ligurie et Catalogne. C’est le DICOCER, aujourd’hui exploité par les chercheurs oeuvrant en Méditerranée de l’Ouest.
Toujours dans la même veine visant à mettre à la disposition de ses collègues un outil de travail sur les monnaies circulant dans le Midi , M. Py a livré un répertoire intitulé « Les monnaies pré-augustéennes de Lattes et la circulation monétaire protohistorique en Gaule méridionale », épais catalogue de 1270 pages. On attend la publication d’un semblable et copieux répertoire typologique des objets de métal en cours d’édition.
Enumérons dès lors les principaux ouvrages de l’auteur :
– L’Oppidum des Castels à Nages, 35e supplément à Gallia, 1978.
– Recherches sur Nîmes préromaine, 41e Supplément à Gallia, 1981.
– La Liquière, village du Ier Âge du fer, 10e Supplément à la Revue Archéologique de Narbonnaise ,1984.
– Culture, économie et société protohistoriques de la région nîmoise, Ecole Française de Rome, 2 tomes, 1990.
– Dicocer (Dictionnaire des céramiques antiques en Méditerranée occidentale), Lattara, 1993 (réédité en 2007).
– Les monnaies préaugustéennes de Lattes et la circulation monétaire protohistorique en Gaule méridionale, Lattes, 1270p., 2006.
– Lattara (Lattes, Hérault), comptoir gaulois méditerranéen entre Etrusques, Grecs et Romains, Errance, Paris, 2009.
– Dictionnaire des monnaies découvertes en Gaule méditerranéenne (avec M. Feugère), Editions Mergoil et BNF, 2011.
– La sculpture gauloise méridionale, Errance, 2011.
– Les Gaulois du Midi, Hachette, 1993 , 2e ed, Errance , 2012.
– Anagia, les oppida de Vaunage et la cité gauloise des Castels à Nages (Gard), Presses Universitaires de la Méditerranée, Montpellier, 2015.
Poursuivant cette dynamique en faveur des structures de travail, M. Py s’est également investi dans les organes de publications. Il avait, à ses débuts, créé les publications de l’ARALO (Association pour la Recherche Archéologique en Languedoc oriental). Ensuite, à un niveau plus général, il a fondé à Lattes les « Monographies d’Archéologie Méditerranéenne » qui comptent aujourd’hui plus de 40 volumes et la série « Lattara » (23 ouvrages).
En résumé on mesure tout ce que M. Py a apporté à la connaissance des sociétés protohistoriques ouest-méditerranéennes. Il a été tout à la fois un homme de terrain déterminé, un auteur de monographies et de synthèses fondées sur une profonde connaissance des productions matérielles mais aussi un archéologue novateur dans le domaine de l‘enregistrement des données, la formalisation typologique et terminologique, la création de supports éditoriaux à même de transmettre à la communauté scientifique les résultats de chantiers en cours. Ces diverses qualités nous ont paru dignes de lui faire attribuer le prix 2024 de notre fondation de l’Académie.