La séance du 14 novembre 2014 consacrée à la célébration du centenaire des fouilles de l’École française d’Athènes (EFA) à Philippes s’inscrit dans la continuité de l’intérêt porté par l’Académie aux travaux de l’EFA à laquelle elle est intimement liée.
Les premières fouilles
L’inauguration des fouilles à Philippes en 1914 est solennellement annoncée sous la Coupole dès novembre 1913 par le Président, alors le médiéviste Noël VALOIS (1855-AIBL 1902-1915), qui rappelle l’extraordinaire activité de l’École en dépit des circonstances difficiles de guerre et d’épidémie en Grèce.
Ce n’est donc pas sans profondes implications politiques, comme le souligne Valois dans son discours, que l’École étend son champ d’exploration sur le territoire macédonien devenu grec à l’issue de la seconde guerre balkanique :
« Il n’est pas jusqu’aux contrées nouvellement reconquises par l’hellénisme où elle ne se soit assuré une part dans les conquêtes archéologiques qu’on peut espérer pour l’avenir : les fouilles de Philippes lui ont été réservées et commenceront, selon toute apparence, dès la saison prochaine » in Valois Noël. « Discours du Président ». In : Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 8, 1913. pp. 534-549, p. 547.
Le rapport de la Commission d’Athènes et de Rome faisant état des travaux de ces deux Écoles en 1913-1914 est lu dans les séances des 29 janvier et 5 février 1915. Le nouveau directeur de l’EFA, Gustave FOUGÈRES (1863-AIBL 1922-1927) s’est attaché en priorité à l’exploration méthodique de la Macédoine et ce sont Charles Avezou (1887-1915) et Charles PICARD (1883-AIBL 1932-1965), lui-même futur directeur de l’École, qui sont chargés des premières fouilles à Philippes et notamment de l’exploration de son théâtre.
La guerre et le décès au front de Charles Avezou viennent brutalement interrompre les travaux, ajoutant le nom du jeune archéologue à la liste des disparus durant le conflit comme Adolphe Reinach, fils de l’avocat Joseph Reinach, l’aîné de la fratrie célèbre pour son érudition et dont le cadet et le benjamin Salomon et Théodore furent membre de l’AIBL. On peut d’ailleurs remarquer que Salomon REINACH s’est intéressé aux inscriptions latines de Philippes et de Macédoine alors qu’il était membre de l’EFA, en 1882.
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Monument élevé à la mémoire de Charles Avezou (Archives de l’Institut, Commission des Écoles d’Athènes et de Rome, 1918, 14G4)
Un précurseur, Léon HEUZEY (1831-AIBL 1874-1922) et la mission en Macédoine de 1861
Les premiers rapports insistent sur le rôle de précurseur d’un ancien membre de l’EFA qui sera aussi conservateur du départements des Antiquités grecques et romaines du Louvre et le premier conservateur du département des Antiquités orientales, Léon HEUZEY (1831-AIBL 1874-1922) : les fouilles de 1914 à Philippes s’inscrivent dans la lignée de ses travaux. En 1861, Heuzey, accompagné de l’architecte Honoré DAUMET (1826-BA 1885-1911), fut envoyé en Macédoine sous le patronage de l’empereur Napoléon III souhaitant rassembler des informations préparatoires à son histoire de Jules César. Les progrès de cette mission sont régulièrement présentés en séance de l’Académie. Philippes est la première étape du voyage où ils mettent au jour notamment le théâtre, une salle de thermes, un arc de triomphe, de grands tombeaux et de nombreuses inscriptions :
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Note sur le rapport envoyé par Léon Heuzey et lu dans la séance du 4 avril 1862 (Archives de l’Institut, E 381, pièces annexes aux séances de l’année 1862).
Le fruit de leur travail, explorant cette région peu connue jusqu’alors, est publié en 1876 sous le titre Mission archéologique de Macédoine : fouilles et recherches exécutées dans cette contrée et dans les parties adjacentes de la Thrace, de la Thessalie et de l’Épire en l’année 1861 par ordre de sa Majesté l’empereur Napoléon III.
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Mission archéologique de Macédoine : fouilles et recherches exécutées dans cette contrée et dans les parties adjacentes de la Thrace, de la Thessalie et de l’Épire en l’année 1861 par ordre de sa Majesté l’empereur Napoléon III par Léon Heuzey et Honoré Daumet. Paris : Firmin-Didot, 1876, 2 parties, 470 p. et 1 vol. de pl. (Bibliothèque de l’Institut Fol 2 153C*)
Ces premiers travaux soulignent déjà l’extraordinaire richesse de cette ville très importante durant l’Antiquité et dont l’exploration révèle peu à peu une histoire qui s’étend de la préhistoire à l’époque byzantine. Parmi les nombreux apports de cet ouvrage, on peut souligner la publication de nombreuses inscriptions, datant de l’époque de la colonie romaine, inédites ou incomplètes jusqu’alors, un travail commencé en 1856 par un autre membre de l’EFA, Georges PERROT (1832-AIBL 1874-1914), futur Secrétaire perpétuel de l’AIBL.
Heuzey propose également une étude minutieuse et pionnière du champ de la bataille de Philippes qui eut lieu en 42 av. J.-C.
Quelques extraits de la Mission de Macédoine :
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La muse du théâtre, qui fut rapportée au Louvre par Heuzey. Mission archéologique de Macédoine, Planches, Pl. 3, fig. 1. (Bibliothèque de l’Institut Fol 2 153C*)
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L’inscription funéraire d’Opimius Felix importante pour la topographie des environs de Philippes, qui fut aussi rapportée au Louvre. Mission archéologique de Macédoine, texte, p. 40-41 (Bibliothèque de l’Institut Fol 2 153C*)
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Mission archéologique de Macédoine, Planches, Plan A, les environs de Philippes. (Bibliothèque de l’Institut Fol 2 153C*)
Les années 1920
Après la césure de la guerre, les travaux reprennent fin avril 1920 sous l’égide de Charles PICARD, directeur de l’EFA de 1919 à 1925, et compte en est rendu régulièrement auprès de l’Académie.
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- Annonce de la reprise des fouilles à Thasos et à Philippes. In : Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 3, 1920. pp. 212-214.
- Picard Charles. « Lettre sur les fouilles en Macédoine, à Thasos et à Delphes ». In : Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 4, 1922. pp. 257-259.
- Picard Charles. « Rapport des fouilles exécutées par l’École française d’Athènes en 1922 ». In : Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 6, 1922. pp. 431-432.
- Picard Charles. « Travaux de l’École française d’Athènes dans le premier semestre de 1923 en Attique, à Delphes, Délos, Thasos, et Philippes (Macédoine) ». In : Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 5, 1923. pp. 384-385.
Un mémoire sur les sculptures de Philippes conservé aux Archives de l’Institut
Ce mémoire richement illustré fut envoyé en 1933 par Étienne Lapalus. Il est consacré aux sculptures de Philippes mises au jour lors des quatre campagnes de fouilles sur le forum romain de Philippes de 1930 à 1933.
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Mémoire d’Étienne Lapalus, Les sculptures de Philippes, 1933 (Archives de l’Institut, 14G11)
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Durant les mêmes années, le byzantiniste Paul LEMERLE (1903- AIBL 1966-1989) alors membre de l’EFA, s’est vu confier le déblaiement exhaustif de la basilique de Dirékler, à proximité du forum, déjà dessinée par Daumet dans la Mission archéologique de Macédoine, mais identifiée plus tard comme un édifice religieux et baptisée par Lemerle « Basilique B ».
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Honoré Daumet, Les ruines de Dirékler, Mission archéologique de Macédoine, op. cit., Planches, pl. 5.
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Remise en place d’un bloc de la Basilique B de Philippes, 1934 (© École française d’Athènes).
Vous pouvez également retrouver sur Persée la collection du Bulletin de Correspondance hellénique qui contient articles et rapports réguliers sur l’avancée des fouilles à Philippes.
L’engagement et l’intérêt de l’Académie pour Philippes ne s’est jamais démenti comme en témoignent notamment aujourd’hui les travaux des associés étrangers de l’Académie, MM. Pierre DUCREY et Miltiade HATZOPOULOS dans la continuité du siècle de fouilles célébré cette année.