Séances Séance du 11 janvier 2019
– Communication de M. Alain Thote, correspondant de l’Académie : « Le dépôt de manuscrits dans des tombes chinoises entre les Ve et Ier siècles av. notre ère : essai d’interprétation ».
Résumé : Au cours des années récentes, de nombreux manuscrits sur fiches de bambou, sur tablettes de bois ou parfois sur soie ont été exhumés de tombes datables entre les Ve et Ier siècles avant notre ère. Leur contenu a bouleversé nos connaissances sur l’antiquité chinoise. À côté de quelques manuscrits, souvent fragmentaires, dans lesquels des textes transmis jusqu’à nous par la tradition lettrée ont pu être identifiés, ils forment dans leur grande majorité un corpus inédit de documents administratifs et de textes relevant de champs disciplinaires très variés qui vont de l’histoire de la pensée et de la religion à l’histoire des institutions, des sciences et des techniques. Leur étude reste, comme on s’en doute, hautement spécialisée. Aussi les chercheurs ont-ils concentré toute leur attention sur leur déchiffrement et leur interprétation, négligeant de considérer le contexte archéologique de leur découverte. En fait, leur dépôt dans un petit nombre de sépultures à partir de la fin du Ve siècle av. notre ère procède d’un changement dans les pratiques funéraires. Celles-ci ont peu à peu été affectées par les bouleversements sociaux intervenus au cours des deux siècles précédant la création de l’empire en 221 av. notre ère. Durant cette époque très troublée, des objets de la vie quotidienne ont progressivement remplacé les marqueurs de statut qui constituaient l’essentiel du mobilier des tombes riches. Parmi ces objets figurent notamment les ustensiles utilisés par les scribes et des manuscrits dont la présence est à mettre en relation avec la diffusion de l’écriture. Parallèlement, plusieurs pratiques funéraires initialement réservées aux membres de l’élite furent adoptées par des classes moins favorisées de la société. Dans cette communication, on s’attachera à montrer ce que les manuscrits déposés auprès d’un mort ont pu représenter pour celui-ci et pour sa famille dans ce monde et dans l’au-delà..
Mots clés : Manuscrits, pratiques funéraires, croyances religieuses, écriture, histoire des techniques.
Abstract :In recent years numerous manuscripts written on bamboo slips, wooden tablets or silk have been excavated from Chinese tombs, and this phenomenon has had a dramatic impact on the study of China’s antiquity. Apart from the texts already known through transmitted sources most of the manuscripts are first-hand texts such as administration or personal archives that provide illuminating information on various disciplines, from the history of thought and religion to the history of institutions, sciences and techniques. Their decipherment and the understanding of their content need abilities in several different fields of knowledge. Consequently, most of the scholars are highly specialized and, exception to a small number of them, their studies do not pay enough attention to the archaeological context in which the manuscripts have been discovered. In fact, from the Fifth century B.C. on, the presence of manuscripts in a small number of tombs may be seen as part of important changes in the burial practices following broad social changes during the period of turmoil that ended with the creation of the empire in 221 B.C. With the passage of time the traditional paraphernalia deposited into the rich tombs were progressively replaced by objects of daily use. Manuscripts and writing utensils that circulated among the living were part of these objects and are evidence of the diffusion of writing. A systematic study of the tombs reveals that a certain number of burial practices that formerly were proper to the highest classes of the society had been progressively adopted at lower levels of the society. In this paper, we shall try to show the significance of these manuscripts for their owners, the deceased, and the bereaved in this world and in the Hereafter.
Keywords : Manuscripts, burial practices, religious beliefs, writing, history of techniques.