Séances Séance du 17 avril
Séance publique à 15h30, en grande salle des Séances
Communication de Mme Suzanne Amigues, correspondant de l’Académie : « L’épisode crétois dans l’histoire du Vaticanus Urbinas gr. 61 »
Les ouvrages botaniques de Théophraste ont été portés à notre connaissance essentiellement par trois manuscrits dont le plus ancien et le meilleur est le Vaticanus Urbinas gr. 61, daté d’environ 890-920 d’après certains caractères de l’écriture. Produit d’un atelier constantinopolitain, ce manuscrit devint au début du XVe siècle propriété d’un « protopapa » crétois dont le nom, Johannes Simonakis, peut se lire dans la signature abrégée du possesseur, sur le dernier folio. Bien qu’il fût chef de l’Église orthodoxe de Crète, Simonakis avait les meilleures relations avec le gouvernement vénitien de l’île. Aussi accueillait-il chaleureusement les voyageurs italiens, qu’il aidait à se procurer des manuscrits grecs anciens. À son petit cercle d’amis appartenaient dans la décennie 1410-1420 trois Italiens, Rinuccio Aretino, Cristoforo Buondelmonti et Pietro Tomasi. D’après la Descriptio insule Candie de Buondelmonti, l’auteur et ses compagnons visitèrent sur le versant sud du mont Ida le monastère de Saint-Jean. C’est là qu’ils découvrirent une plante toxique rare nommée akoniton et décrite avec de nombreux détails par un scholiaste anonyme dans une note infrapaginale de l’Urbinas, f. 127v. Ainsi les botanistes actuels ont pu reconnaître Cionura erecta, jamais trouvée en Crète à une telle altitude. Parmi ces visiteurs italiens du monastère en août 1415, seul le médecin vénitien Pietro Tomasi était capable de décrire aussi précisément une espèce inconnue. Il est probable qu’il acheta le manuscrit à Simonakis et qu’il l’emporta quand il rentra chez lui. Un extrait de sa correspondance conservée à l’Archivio di Stato de Venise permet d’identifier par l’examen de l’écriture le scholiaste de l’Urbinas à Pietro Tomasi.