Séances Séance du 22 juin 2018
– Note d’information de M. Jorge Onrubia Pintado, professeur à l’Université de Castille, sous le patronage de MM. Jehan DESANGES et John SCHEID : « Ateliers de pourpre d’époque romaine dans le Sud du Maroc et aux îles Canaries. Nouvelles découvertes ».
Résumé : Comme on le sait bien, la pourpre provenant de la Gétulie océanique comptait parmi les variétés de cette matière colorante les plus estimées des Romains. A la suite des fouilles archéologiques menéespar André Jodin dans les îlots de Mogador, un consensus s’est établi pour identifier ces rochers émergés en face d’Essaouira aux îles Purpuraires de l’Antiquité. Découvertes selon Pline l’Ancien par le roi maurétanien Juba II, elles auraient constitué, à l’époque de son royaume, le centre névralgique de l’exploitation et du commerce de la pourpre gétulique.Les résultats d’une série de recherches archéologiques menées dans le courant des dernières années dans le Sud du Maroc et aux îles Canaries permettent d’apporter un ensemble de nouvelles données permettant de reprendre l’étude de ce très lucratif artisanat. Ils contribuent en particulier à poser de nouvelles questions sur l’organisation de sa production et la nature et l’identification des ateliers. Les prospections archéologiques effectuées entre 1995 et 2011 sur le rivage atlantique marocain compris entre Agadir, au nord, et l’embouchure de l’oued Assaka, au sud, ont conduit à la localisation d’un chapelet d’amas coquilliers, parfois associées à des tessons de céramiques antiques, quasi exclusivement composés de tests de pourpres (Thaïs haemastoma L.). L’un de ces dépôts, en place sous les vestiges de la tour castillane de San Miguel de Asaca (XVe siècle), a pu être étudié de façon quelque peu approfondie. Sa datation par le C14 est comprise entre le IIe siècle AEC et le Ier siècle EC. Par ailleurs, la découverte fortuite de tessons de céramique romaine sur la l’îlot canarien de Lobos a permis l’identification, et la fouille systématique à partir de 2012, d’un exceptionnel site archéologique que tout porte à identifier à un atelier saisonnier pour la fabrication de la pourpre datant du règne d’Auguste et de Juba II.
Mots clés : Antiquité, pourpre gétulique, Maroc, Canaries.
Abstract : It is well known that the purple dye from the oceanic Getulia was among the varieties of this colouring matter most estimated by the Romans. As a result of the archaeological excavations undertaken by André Jodin on the islets of Mogador, a consensus existed in order to identify these rocks emerged in front of Essaouira with the Purple Islands of Antiquity. Discovered by the Mauretanian king Juba II according to Pliny the Elder, these islands would have been during his Kingdom the nerve centre of the exploitation and trade of the Gaetulian purple.The results of a series of archaeological research undertaken in the course of the last years in the South of Morocco and in the Canary Islands bring a new data set to approach the study of this very lucrative craft. They contribute in particular to raise new issues about the organization of his production as well as the nature and the identification of the workshops.Archaeological surveys conducted between 1995 and 2011 on the Moroccan Atlantic coast between Agadir, in the North, and the mouth of the Wadi Assaka, to the South, led to the location of a string of shell middens, sometimes associated with sherds of ancient pottery, almost exclusively composed of red-mouthed rock shells (Thais haemastoma L.). One of these deposits, lying in place under the remains of the Castilian tower of San Miguel de Asaca (15th century), could be studied in some depth. Its C14 age falls between the second century BCE and the first century CE. Moreover, the accidental finding of Roman pottery sherds on the island of Lobos (one of the Canary Islands) has allowed the identification of an exceptional archaeological site where the systematic excavations have carried out from 2012. Everything leads to identify this site with a seasonal workshop for the manufacture of the purple dye dating from the reign of Augustus and Juba II.
Keywords : Antiquity, Gaetulian purple, Morocco, Canary Islands.
– Communication de M. Christophe Pottier, maître de conférences à l’École française d’Extrême-Orient, sous le patronage de M. Pierre-Sylvain FILLIOZAT : « Archéologie du Grand Angkor : nouvelles données sur l’architecture du paysage ».
Résumé : Depuis la réouverture du site d’Angkor en 1992, une nouvelle dynamique fondamentalement internationale s’est développée dans la conservation monumentale et les champs traditionnels des études Khmères. Angkor est redevenu le lieu privilégié d’application de nouvelles recherches qui s’éloignent des temples monumentaux pour mieux les replacer dans des contextes spatiaux et historiques plus larges, contribuant à renouveler la vision et la compréhension de la société angkorienne. A cet égard, la cartographie archéologique fournit un angle de compréhension fondamental à Angkor, pour sa capacité à rendre intelligible l’environnement et l’organisation des aménagements angkoriens. Les études réalisées dans ce domaine ont largement fait progresser les inventaires et les cartographies archéologiques existantes, cruciales en ces temps de développement économique et urbain très rapide, tout en révélant un vaste corpus de données inédites relatives aux îlots urbains, aux zones d’habitats et de production, aux parcellaires agraires, aux ouvrages hydrauliques, aux modifications environnementales et aux réseaux territoriaux. Elles contribuent à révéler un paysage archéologique fragile et non monumental, témoin d’un monde séculier qui génère de nouvelles perceptions d’Angkor, de son urbanisme, de son territoire, de son histoire et de sa civilisation.