Séances Séance du 29 janvier

Note d’information de M. Nicolas Reveyron, Professeur à l’Université Lumière-Lyon 2, sous le patronage de M. Roland RECHT : « La fondation des monastères au Moyen Âge, entre récits et archéologie ».

Résumé : L’organisation architecturale des monastères médiévaux à leur acmée a souvent fossilisé une part substantielle de leurs états antérieurs, toujours perceptible sous les transformations. Elle exprime ainsi dans l’architecture la mémoire des origines. Les différents types d’organisation monumentale s’inscrivent ainsi dans une histoire qui leur confère une signification : églises dispersées librement sur le site comme à Lérins, puis à La Novalaise ou à l’Île-Barbe (Lyon) ; monastères féminins logés contre le rempart en Arles, puis à Poitiers, mais aussi à Vienne ou Lyon ; esthétique paysagère du désert (cisterciens, chartreux) … La mémoire des origines s’inscrit semblablement dans des récits (chronique, vita, cartulaire-chronique …). Confirmés ou infirmés par l’archéologie comme le pseudo-désert de Fontevraud, les récits de fondation importent alors moins pour l’exactitude des faits que pour l’identité qu’ils attribuent délibérément à l’institution. Cette identité s’affirme dans le choix du site (désert, île, villa, lieu sauvage, fortin …) et dans les actions des fondateurs (don paternel, installation royale, retrait du monde, maîtrise des bêtes sauvages, la « lettre tombée du ciel » à Saint-Hubert d’Ardennes …) : le jeune convent hérite de la culture antique, purge le site du mal en chassant les bêtes sauvages ou bien s’inscrit dans les réseaux nobles …. Dans la dimension indéniablement « romanesque » de ces récits se devine l’amorce de narrations apologétiques plus développées, parfois conservées dans les chroniques ou imitées par des institutions en quête de légitimité. Une analyse fine permet parfois d’articuler les deux sources, architecturale et narrative : à Cluny par exemple, le récit de la mort d’Hugues de Semur a révélé dans l’ecclesia beatae Mariae, étroitement articulée avec le chapitre, l’église de la villa carolingienne, retrouvée ensuite en fouilles ; reproduite dans les prieurés clunisiens, cette formule architecturale est devenue le sceau historique et historiquement légitime de l’identité clunisienne. 

Note d’information de M.Nicolas Reveyron, « La fondation des monastères au Moyen Âge,entre récits et archéologie » from Académie des Inscriptions on Vimeo.

– Communication de Mme Corinne Levelleux, Professeur à l’Université d’Orléans, sous le patronage de M. Albert RIGAUDIÈRE : « Incarner l’autorité ? Serments politiques et loyauté des sujets sous le règne de Charles VI ».

Résumé : Alors que les violences terroristes et les déchirements de l’identité française ravivent aujourd’hui les débats sur l’intégration et la déchéance de la nationalité, il peut être pertinent d’interroger, en historien, la question de la loyauté politique et d’examiner par quels processus et par quels moyens elle a concouru à construire, dans le passé, une autorité publique incontestée.

Dans cette perspective, la communication se propose d’examiner la situation du règne de Charles VI, époque troublée s’il en fut, au travers du recours massif au serment des sujets, régulièrement requis par les officiers du roi dans les zones de conflits ou les phases de crise. L’hypothèse de ce travail est que, sous couvert d’une formalisation apparemment archaïque, le serment politique, revisité par les légistes royaux, participa pleinement du processus de construction de la souveraineté étatique. Plus précisément, il semble en avoir accompagné une phase intermédiaire, entre l’affirmation d’une pure naturalité du pouvoir et l’achèvement du processus d’institutionnalisation de l’autorité par la médiation du droit. Ainsi, avec le serment, l’Etat avançait caché. Mais le bénéfice de l’opération ne s’arrêtait pas là : grâce à une parole jurée qui confortait l’obéissance au roi, la monarchie bénéficiait de la force sacrale d’un puissant geste d’incorporation sociale. A la lumière de cet exemple, on peut, au demeurant, se demander si la canalisation des énergies collectives produite par un tel rituel n’est pas l’un des éléments qui fait le plus défaut aux formes contemporaines du pouvoir politique.