Séances Séance du 3 février
Communication de M. Éric Vallet, sous le patronage de M. Christian ROBIN, Président de l’Académie : « Les sultans du Yémen protecteurs de La Mecque ».
Résumé : En dépit de l’importance de La Mecque dans les pratiques et les discours de l’Islam, ou peut-être en raison même de l’aura de sacralité qui l’entoure, l’histoire de cette cité reste encore aujourd’hui bien mal connue. La présente communication reviendra sur une période essentielle de l’histoire de la cité, lorsqu’elle s’est trouvée au centre d’une vive compétition politique entre l’Empire mamelouk naissant et le sultanat qui s’était constitué au sud de la péninsule Arabique, au Yémen, connu sous le nom de sultanat rasūlide, du nom de la dynastie qui le gouverna entre la fin des années 620/1220 et le milieu du XVe siècle. La prise de La Mecque par le Rasūlide al-Manṣūr ‘Umar en 639/1242 et l’administration directe qui s’ensuivit marquèrent profondément les relations entre la cité et son puissant voisin du sud. Si ce régime de domination ne dura guère, son successeur al-Muẓaffar Yūsuf réussit à maintenir au cours de la seconde moitié du VIIe/XIIIe siècle une influence efficace, reposant essentiellement sur le soutien matériel apporté à la Grande mosquée, aux élites religieuses de la ville et aux chérifs. L’interventionnisme militaire du sultan d’Égypte al-Nāṣir Muḥammad dans la première moitié du VIIIe/XIVe siècle conduisit à l’effacement progressif des marques les plus visibles de la présence rasūlide, dont le voile de la Ka‘ba. Faute d’avoir pris la mesure de ce nouvel équilibre des forces, les efforts de restauration d’al-Malik al-Muğāhid ‘Alī aboutirent à un désastre au milieu du siècle. La capture du sultan rasūlide signifia non seulement un changement de taille dans les relations entre les souverains du Yémen et de l’Empire mamlūk, mais elle modifia aussi profondément la position des maîtres du Yémen dans la ville sainte, désormais incapables d’impressionner les chérifs de La Mecque par leurs visites, leur force ou leur richesse.