Séances Séance du 7 mars
Note d’information d’Hélène Cuvigny, Directeur de recherche, CNRS, sous le patronage de Christian ROBIN : « Le plus ancien témoin figuré d’une scène biblique, dessiné par un juif vers 100 ap. J.-C. »
L’ostracon provient du dépotoir du praesidium d’Umm Balad, qui était le centre administratif d’une petite carrière impériale ouverte sous Domitien dans le flanc sud du Mons Porphyrites, abandonnée après quelques années en raison de la piètre qualité de la grano-diorite locale. Il représente une scène rarissime dans l’iconographie, connue sous le nom de « vocation de Moïse » (Exode 4, 1-8) : Moïse, faisant paître les troupeaux de son beau-père au pays de Madian, reçoit du Seigneur l’injonction de conduire les Hébreux hors d’Égypte vers la terre promise. Mais comment pourront-ils le prendre au sérieux ? Le Seigneur balaie ses hésitations en lui conférant des dons magiques. Le dessinateur a condensé dans un seul dessin, formidablement expressif, les deux premiers miracles, celui du bâton et celui de la main lépreuse. Ce dessinateur était certainement l’un des juifs employés au metallon et mentionnés à plusieurs reprises dans les ostraca grecs d’Umm Balad. Son dessin naïf, s’il « colle » au texte de l’Exode, transgresse le tabou sur les images formulé par le Second Commandement. De fait, c’est la plus ancienne image conservée d’une scène biblique.
Mots-clefs : Moïse, juif, Égypte, Exode, dessin
The oldest representation of a Biblical scene, drawn by a jew around AD 100
The ostracon was found in the rubbish deposit of the praesidium of Umm Balad. This praesidium was the administrative centre of a small quarry which was opened under Domitian on the southern flank of Mons Porphyrites, but was abandoned a few years later because of the bad quality of its grano-diorite. The ostracon represents a scene which is extremely rare in the iconography, known as the ‘vocation of Moses’ (Ex. 4, 1-8): while Moses was tending the flocks of his father-in-law in the land of Midian he received a call from the Lord to lead the Hebrews out of Egypt to the Promised Land. But how would the Hebrews take him seriously? The Lord sweeps away his hesitations by offering him magic powers. In a single, very expressive drawing the artist has united the first two miracles, that of the rod and that of the leprous hand. The artist was certainly one of the Jews who were employed in the metallon and who are mentioned often in the Greek ostraca from Umm Balad. This naïve drawing closely follows the text of Exodus and trespasses against the taboo on images expressed in the second commandment. It is, in fact, the oldest representation of a biblical scene. Keywords: Moses, jew, Egypt, Exodus, drawing
Communication de Mme Zhao Bing (Chargée de recherche, CNRS, UMR 8155 CRCAO), sous le patronage de MM. Christian ROBIN et Franciscus VERELLEN : « Contribution de la céramique chinoise à l’histoire médiévale swahili en Afrique orientale (IXe-XVe siècles) ».
Géographiquement, le monde médiéval swahili correspond à l’étroit corridor de la côte Est de l’Afrique qui s’étend de la Somalie au Mozambique, jusqu’aux îles des Comores et du Nord de Madagascar. Les rares sources écrites relatives à son histoire furent rapportées par des voyageurs et marchands extérieurs d’origine arabe, indienne, chinoise et européenne. L’évocation de la céramique chinoise est quasi inexistante dans ces récits. Par leur caractère pérenne, les fragments de céramique chinoise subsistent en quantité significative sur les sites portuaires swahili, alors que la plupart des autres marchandises ont disparu. La conférence se propose d’observer comment les tessons de céramique chinoise peuvent offrir des pertinents indices chronologique, spatial, économique et culturel pour comprendre l’histoire médiévale swahili. Pour la phase initiale (IXe-XIIe siècles), l’évolution de la diffusion des importations chinoises retrace le déplacement des fronts commerciaux, qui serait intimement lié à l’avancement de l’islam en Afrique orientale. Quant à la période d’apogée (XIIIe-XVe siècles), l’archéologie révèle de nombreux signes d’une culture de prestige autour de cet objet exotique. En effet, dans les cités swahili où l’écrit ne semblerait pas avoir joué le rôle essentiel de transmission de la mémoire collective, la céramique chinoise fut étroitement associée à des pratiques sociales qui eurent la fonction d’assurer la pérennité politique et culturelle.
Mots-clés : céramique chinoise, commerce maritime, culture matérielle, histoire médiévale, côte swahili
The Contribution of Chinese Ceramics to the Medieval Swahili History on the East African Coast, 9th-15th century C.E.
In geographical terms, the medieval Swahili world corresponds to the narrow corridor of the eastern African coast that extends from Somalia to Mozambique, including the Comoro Islands and northern Madagascar. The rare written sources relevant to its history were provided by Arabian, Indian, Chinese and European travelers and merchants. References to Chinese ceramics are almost completely nonexistent in these records. Because of their durability, fragments of Chinese ceramic survive in significant numbers at Swahili port sites whereas the great majority of other goods have disappeared. The present lecture proposes to examine how Chinese ceramic shards can provide relevant chronological, spatial, economic and cultural contexts for understanding the medieval Swahili history. For the initial period (9th–12th century), the evolution of the circulation of Chinese imports documents the movement of commercial frontiers, a phenomenon that might be intimately linked to the advance of Islam in East Africa. As for the period at its height (13th–15th century), archaeology reveals evidence of a culture of status constructed around these exotic objects. In effect, in Swahili cities, where the written word seems not to have played a central role in the transmission of collective memory, Chinese ceramics were closely linked to social practices that had the function of insuring political and cultural permanence.
Keywords: Chinese ceramic, maritime trade, material culture, medieval history, Swahili coast