Séances Séance du 9 janvier
Séance publique à 15h30, en grande salle des Séances
Note d’information de Mme Gaëlle Lafage, sous le patronage de M. Jean-Pierre Babelon : « Nouvelles découvertes autour de François Charpentier : Colbert, la Petite Académie et la conception des décors royaux ».
François Charpentier (1620-1702) fait partie des académiciens du XVIIe siècle qui ne laissèrent que peu de traces dans le monde des lettres. Élu à l’Académie française en 1651, il fut ensuite appelé à rejoindre la Petite Académie créée en 1663 par Colbert. Devenue aujourd’hui l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, cette académie n’avait alors rien d’officiel et servait de conseil à Colbert pour les Bâtiments du roi. La plupart de leurs travaux destinés à la gloire du roi restèrent anonymes. Ainsi, bien que Charpentier œuvrât pendant vingt années sous l’autorité de Colbert, recevant de nombreuses tâches qui allaient de la conception de devises à la rédaction de traités, il est aujourd’hui principalement connu pour sa participation à la querelle des Anciens et des Modernes, défendant la langue française pour les inscriptions ornant les monuments. En s’appuyant principalement sur un manuscrit retraçant sa vie, cette communication tentera de dessiner un portrait plus précis de cet académicien. Seront présentés en particulier les travaux de Charpentier pour la Petite Académie ; notamment un projet pour le décor de la Grande Galerie du Louvre, initié par Colbert et jamais mis en œuvre. L’étude de cet homme de lettres, un peu oublié, permet de mieux comprendre la manière dont étaient conçus ces décors royaux entre les lettrés et les artistes sous l’autorité de Colbert.
Communication de M. Marc Smith, sous le patronage de M. Yves-Marie Bercé : « Le testament de Philippe Auguste (1222), de la paléographie à l’histoire ».
Le testament de Philippe Auguste (septembre 1222) est un document exceptionnel à plusieurs égards : premier testament d’un roi de France, il frappe par l’aspect informel de ses caractères graphiques et matériels comme par une rédaction peu soignée. Si les historiens ont analysé en détail les dispositions qu’il contient, ils n’ont guère approfondi l’analyse de sa forme ni tenté de l’interpréter. Or un examen détaillé montre que les particularités voire les incohérences du document vont au-delà de ce qui a été relevé : la rédaction malmène non seulement les usages diplomatiques propres aux actes royaux mais aussi bien la syntaxe latine. Les clauses se succèdent dans un certain désordre, jusqu’à un ajout de dernière minute après la date. La mise en page mal maîtrisée semble témoigner de conditions d’écriture précaires. L’écriture n’est pas seulement informelle : quoique relativement habile, elle est d’une main non professionnelle ; les traces de pliage montrent un mode de clôture et de scellement inhabituel, qui a entraîné une erreur embarrassante à l’ouverture du document. Le grattage d’une somme destinée au futur Louis VIII est d’une brutalité surprenante, à la fois matérielle et textuelle, puisque la phrase en reste mutilée. Tous ces éléments laissent penser que le testament a été rédigé, clos et scellé à la hâte, à un moment où le roi, déjà entré dans sa dernière maladie, s’est cru au seuil de la mort (en réalité il devait vivre encore dix mois). Plusieurs expressions à première vue énigmatiques s’éclairent si on les lit dans cette perspective. Enfin la main du scripteur a pu être confirmée par comparaison avec les passages ajoutés à deux registres de chancellerie, d’une main qu’on peut attribuer à frère Guérin, chevalier de l’Hôpital, proche conseiller et garde des sceaux de Philippe Auguste.
The will of King Philip Augustus (September 1222) is in many ways an exceptional document. This first extant will of a king of France shows strikingly informal handwriting and material features, as well as a somewhat carelessly composed text. Previous historians have mainly studied the contents of the will, giving less thought to its appearance, which begs interpretation. Subjected to closer scrutiny, the peculiarities of the document are even greater and more incoherent than previously noted. Not only does the text break usual chancery rules for royal acts, it also has issues with Latin syntax. The clauses are written down in no apparent order, including a last-minute addition after the date. The unplanned and irregular layout is probable evidence of precarious writing conditions. The handwriting is not only informal, it shows a typically non-professional (albeit able ) hand. The folds in the parchment reveal that the document was closed and sealed in an unusual manner, which caused an embarrassing mistake when it was opened. The amount of money to be left to the future Louis VIII was erased with remarkable brutality, both material and textual, leaving the sentence mangled. All this evidence points to dramatic circumstances, under which the will must have been written, closed and sealed in great haste : the king, being already ill, certainly thought he was on death’s threshold (although he actually lived another ten months). This perspective also sheds light on several apparently obscure expressions in the text. Lastly, it is possible to confirm the writer’s identity by comparison with several entries in two chancery registers, that are certainly in the hand of Brother Guérin, a knight hospitaller, close counsellor and keeper of the seals of Philip Augustus.