Séances Vendredi 10 mars 2023

 Communication de M. Régis Vallet, chargé de recherche au CNRS, associé à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo-Erbil, Kurdistan d’Irak) sous le patronage de M. Jean-Marie DURAND : « Découvertes récentes à Larsa ».

 

Résumé

Exploré par les chercheurs français depuis 1933, Larsa (200 ha) est l’une des plus vastes métropoles de Mésopotamie, qu’elle domina au début du second millénaire av. J.-C. Après une interruption de trente ans, les travaux ont repris en 2019. Cinq campagnes, dont deux de fouilles, ont été menées. Un audit de la surface du site, durement éprouvé par les pillages, et sa prospection archéologique ont été réalisés. L’urbanisme de la ville fait l’objet d’un programme pluridisciplinaire confrontant analyses des imageries, prospections et fouilles. L’attention s’est portée sur l’enveloppe et le réseau hydraulique de la ville. Le tracé des remparts a été découvert (5376 m) et plusieurs centaines de canaux cartographiés. Le système hydraulique, reposant sur plusieurs grands canaux d’une largeur pouvant atteindre 22 m, s’est progressivement densifié.

D’abord alimenté par l’Euphrate et l’Iturungal et probablement initié par le roi Gungunum (1932-1906 av. J.-C.), il culmine avec les grands travaux du roi Sin-iddinam (1849-1843 av. J.C.), alimentés par le Tigre, qui donne à la ville sa configuration définitive. Au centre de la ville, une pile du pont traversant le Grand Canal a été dégagée, qui contenait une brique inscrite de ce souverain.

Deux autres chantiers sont consacrés au cœur monumental de la ville (B50) et à l’habitat (B48-49). En B50, un grand temple a été découvert (7250 m²), qui a livré des briques inscrites du roi Sin-iddinam. Il pourrait s’agir du Gipar que ce roi fit reconstruire pour les prêtresses de Shamash. En B48-49, deux résidences somptuaires sont en cours de dégagement. La résidence B49 couvre 1480 m² et comportait plusieurs cours. Une petite pièce (1598) a livré les archives privées de la famille du propriétaire, Etellum, grand vizir des rois Gungunum et Abi-sare (1905-1895 av. J.-C.). La destruction violente de l’édifice apporte un nouveau éclairage sur la fin du règne de ce dernier.

Mots-clés : Mésopotamie, Période paléo-babylonienne, Système hydraulique, Temple, Habitat.

 

 

Abstract

Explored by French researchers since 1933, Larsa (200 ha) is one of the largest metropolises of Mesopotamia, which it dominated at the beginning of the second millennium B.C. After an interruption of thirty years, the work resumed in 2019. Five campaigns, including two excavations, have been carried out. An audit of the surface of the site, severely tested by looting, and its archaeological prospecting have been carried out. The urban planning of the city is the subject of a multidisciplinary program confronting analysis of imagery, prospecting and excavations. The attention was focused on the envelope and the hydraulic network of the city. The route of the ramparts was discovered (5376 m) and several hundred canals were mapped. The hydraulic system, based on several large canals up to 22 m wide, became progressively denser. Initially fed by the Euphrates and Iturungal rivers and probably initiated by King Gungunnum (1932-1906 B.C.), it culminated with the great works of King Sin-iddinam (1849-1843 B.C.), fed by the Tigris, which gave the city its final configuration. In the center of the city, a pier of the bridge crossing the Grand Canal was cleared, which contained an inscribed brick of this sovereign.

Two other trenches are devoted to the monumental heart of the city (B50) and to the habitat (B48-49). In B50, a large temple was discovered (7250 m2), which yielded inscribed bricks of King Sin-iddinam. It could be the Gipar that this king had rebuilt for the priestesses of Shamash. In B48-49, two sumptuous residences are being excavated. Residence B49 covers 1480 m2 and had several courtyards. A small room (1598) has yielded the private archives of the owner’s family, Etellum, grand vizier of the kings Gungunnum and Abi-sare (1905-1895 B.C). The violent destruction of the building sheds new light on the end of the latter’s reign.

Keywords : Mésopotamie, Période paléo-babylonienne, Système hydraulique, Temple, Habitat. Mesopotamia, Old-Babylonian period, Hydraulic system, Temple, Habitat.

 

– Communication de M. Dominique Charpin, correspondant de l’Académie  : « Données nouvelles sur l’histoire de Larsa ».

Résumé

Larsa fut dans le premier quart du deuxième millénaire av. J.-C. l’une des plus importantes capitales de Mésopotamie. On s’intéressera d’abord au gros demi-siècle qui couvre les règnes de Gungunum (1932-1906), Abi-sare (1905-1895) et Sumu-El (1894-1866). Certaines données proviennent de textes issus des pillages récents, mais les plus importantes ont été fournies par les campagnes de terrain de 2019 et 2021. Elles permettent de voir comment Gungunum fut l’auteur d’un véritable renouveau, construisant non seulement la muraille de sa capitale, mais aussi vraisemblablement le palais. La découverte en 2021 de la maison d’Etellum, son « premier ministre » (sukkal-mah), a livré des archives couvrant son règne et celui de son fils Abi-sare. Elles documentent la gestion de la maisonnée d’Etellum et permettent de mesurer le poids de sa famille dans le gouvernement du royaume, où le rôle des nomades était encore très important. Elles suggèrent enfin que Sumu-El, qui succéda à Abi-sare, était un usurpateur.

Les travaux récents permettent aussi de mieux évaluer la politique hydraulique des rois de Larsa, en particulier de Sin-iddinam (1849-1843 av. J.C.) dont le rôle apparaît de plus en plus important malgré sa relative brièveté. Ce roi innova en faisant venir l’eau pour sa capitale, non plus depuis l’Euphrate, mais depuis le Tigre. Il travailla aussi dans un bâtiment (B50) où pourraient avoir vécu les prêtresses vouées à Šamaš, dieu protecteur de la ville de Larsa.

La communication s’achève par l’examen des rapports entre nomades et sédentaires, une des questions fondamentales de l’histoire ancienne du Proche-Orient, et sur laquelle l’archéologie est assez démunie. Or l’analyse de nouvelles données textuelles concernant le royaume de Larsa se révèle très fructueuse.

Mots clés :  Assyriologie, Larsa, période paléo-babylonienne, prêtresses, Nomades et sédentaires.

 

Abstract 

Larsa was one of the most important capitals of Mesopotamia in the first quarter of the second millennium BC. We will first focus on the half-century covering the reigns of Gungunum (1932-1906), Abi-sare (1905-1895) and Sumu-El (1894-1866). Some of the data come from texts from recent looting, but the most important data were provided by the 2019 and 2021 field campaigns. They allow us to see how Gungunum was the author of a real revival, building not only the wall of his capital, but also probably the palace. The discovery in 2021 of the house of Etellum, his «prime minister» (sukkal-mah), delivered archives covering his reign and that of his son Abi-sare. They document the management of Etellum’s household and make it possible to measure the weight of his family in the government of the kingdom, where the role of nomads was still very important. They also suggest that Sumu-El, who succeeded Abi-sare, was a usurper.

Recent work also allows us to better evaluate the hydraulic policy of the kings of Larsa, in particular Sin-iddinam (1849-1843 B.C.) whose role appears to be increasingly important despite his relative brevity. This king innovated by bringing water to his capital, no longer from the Euphrates, but from the Tigris. He also worked in a building (B50) where the priestesses dedicated to Šamaš, god protector of the city of Larsa, might have lived.

The presentation concludes with an examination of the relationship between nomads and sedentary peoples, one of the fundamental questions in the ancient history of the Near East, and one on which archaeology is relatively deficient. However, the analysis of new textual data concerning the kingdom of Larsa is proving highly fruitful.

Keywords : Assyriology, Larsa, Old Babylonian period, priestesses, Nomads and sedentaries.