Séances Vendredi 25 avril 2025
– Communication de M. Francesco d’Andria, professeur Émérite à l’Université del Salento (Italie), sous le patronage de Mme Agnès ROUVERET et de M. Jean-Robert ARMOGATHE : « Aux portes de l’Adriatique. Enée, Virgile et la découverte de l’Athenaion de Castro ».
Résumé
Certains lieux de la Méditerranée, en raison de leur position géographique particulière, ont pu jouer un rôle significatif dans les relations entre différentes cultures. Parmi ceux-ci, il convient assurément de mentionner le canal d’Otrante, où les côtes de l’Italie, de l’Albanie et de la Grèce se rapprochent, et où Virgile situe le récit (Énéide III, 521-550) du premier débarquement d’Énée sur les côtes italiennes, en un point de l’Akra Iapyghias marqué par la présence d’un temple dédié à Athéna.
Les recherches archéologiques, entamées en 2000 sur le site de Castro (l’antique Castrum Minervae), ont permis d’identifier le lieu de culte de la déesse ; une statuette en bronze reproduit la statue de culte, caractérisée par un casque phrygien. La première implantation du sanctuaire remonte au VIIIe siècle av. J.-C., mais son développement s’est concentré principalement aux IVe et IIIe siècles av. J.-C. Cette période est marquée par une forte présence de Tarente, intéressée par la position stratégique du site tant pour des raisons militaires que commerciales.
Au sein du sanctuaire, un atelier de sculpteurs, originaire de la cité laconienne, réalisa un monument remarquable : des statues colossales (d’une hauteur de 3,40 mètres) alignées sur un soubassement décoré d’un extraordinaire frise à “rinceaux habités”, exécutée selon des iconographies analogues à celles développées à la même époque dans les vases apuliens à figures rouges, tels ceux du Peintre de Darius. La ductilité particulière du calcaire local permit aux sculpteurs tarentins d’atteindre une finesse stylistique exceptionnelle, sans équivalent dans les reliefs retrouvés à Tarente même.
La découverte de ces œuvres permet une meilleure compréhension de l’apport de Tarente à la formation d’un nouveau langage stylistique en Italie centrale, et notamment à Rome. En raison de sa position géographique singulière, à mi-chemin entre les poleis de l’Occident grec et les royaumes d’Épire et de Macédoine, l’Athenaion a sans aucun doute joué un rôle central dans les échanges entre ces deux sphères, rôle que les découvertes récentes continuent de documenter, comme en témoignent par exemple les mosaïques de galets du basileion d’Oria.
Le sanctuaire fut détruit à la fin du IIIe siècle av. J.-C., probablement lors des incursions des Maures et des Numides durant la deuxième guerre punique (Tite-Live XXIV, 20,16), et ne fut jamais reconstruit. Dans la première moitié du IIe siècle, les Romains érigèrent de nouvelles fortifications plus puissantes, avec des terrasses à l’intérieur desquelles furent ensevelis les vestiges du sanctuaire, parmi lesquels les statues et les reliefs à rinceaux habités.
Mots-clés : Castrum Minervae, Athenaion, statues colossales, frises à rinceaux habités, sculpteurs tarentins.