Séances Vendredi 15 novembre 2024

– Note d’information de M. Nicolas Perreaux, chargé de recherche au CNRS (LAMOP) sous le patronage de Jacques VERGER : « Le projet CARo : un corpus pour l’analyse des diplômes royaux de la France médiévale ».

 

Résumé

Les actes émis au nom des rois qui ont régné sur une partie de l’actuelle France, de Charles le Chauve à Philippe Auguste, sont l’objet depuis plus d’un siècle d’une considérable entreprise d’édition, réalisée sous l’égide de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Les milliers de documents ainsi édités étaient toutefois restés jusqu’à présent inaccessibles sous forme numérique. Débuté en 2020 et publié en 2024, le projet CARo – Corpus des actes royaux de la France médiévale (https://caro.huma-num.fr/) remédie à cette lacune, offrant un accès renouvelé à cet ensemble fondamental pour l’histoire socioculturelle de l’Europe médiévale. Grâce au soutien de nombreux partenaires (LaMOP, LabEx haStec, AILB, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, IRHT, EPHE-Saprat, ENC, Archives nationales de France, CRH), la totalité des éditions de la collection des Chartes et diplômes relatifs à l’histoire de France a pu en effet être saisie, soit près de 3 600 documents. 

L’objectif de cette communication est de présenter le site et le jeu de données résultants de cette opération, ainsi que les potentielles recherches ouvertes par cette numérisation. Ces différents outils vont permettre de traiter la documentation royale de façon inédite : textométrie, intelligence artificielle, cartographie digitale, catégorisation semi-automatique, modélisation prosopographique, sémantique historique, etc. Trois exemples en particulier seront présentés, autour de l’évolution du lexique royal, la détection automatique des faux, et enfin l’évolution du recours à l’écrit. L’intérêt de CARo ne s’arrête toutefois pas là : en numérisant un ensemble fondamental pour l’histoire française, le corpus propose aussi une réflexion sur l’historiographie de l’activité érudite, envisagée au prisme de l’outil numérique. 

La dernière partie de l’exposé présentera le futur du projet, qui s’oriente aujourd’hui dans trois directions. La première est l’extension du corpus par l’intégration des diplômes présents dans d’autres éditions, en particulier pour les XIIIe-XVe siècles. Les Cartae Europae Medii Aevi (CEMA) fourniront ici un appui important. La deuxième concerne l’ajout de photographies de documents complémentaires, en particulier d’originaux, issus des fonds d’archives départementaux. Cet axe permettra de compléter la base iconographique déjà fournie par les Archives nationales pour l’ actuelle version du projet. Enfin, il s’agira de poursuivre les analyses du corpus, à l’aide des techniques de modélisation et d’intelligence artificielle. 

 

 

– Communication de Mme Enrica Culasso Gastaldi, professeur honoraire à l’Université de Turin, sous le patronage du Président Charles de LAMBERTERIE et de Denis KNOEPFLER : « Les établissements coloniaux athéniens à la lumière de nouvelles inscriptions de Lemnos ».

 

Résumé

De nombreuses inscriptions ont récemment été mises au jour sur le site archéologique de Chloi, dans le nord-est de l’île de Lemnos, dédié au culte des dieux Cabiriques. Les fouilles ont été réalisées depuis 2018 par la 10e Ephorie des Antiquités de Lesbos (Dr. Pavlos Triantafyllidis). Parmi les nouvelles découvertes, une longue inscription de 102 lignes conserve un important décret de l’époque augustéenne par lequel l’assemblée des initiés a décidé de conférer des honneurs significatifs à un individu jusqu’alors inconnu, mais qui appartenait à l’élite athénienne. Décrivant la progression de sa carrière publique, le personnage honoré évoque d’abord l’imitation des ancêtres, puis les services civils, religieux et financiers rendus à la cité d’Athènes, avec une extension géographique aux îles de Skyros et d’Imbros. Nommé finalement stratègos epi Lemnon, il atteint l’apogée de son activité publique à un moment où Athènes a désormais repris le contrôle officiel de sa colonie. 

De nouvelles données sur la situation interne de l’île et la narration biographique des actions du stratègos enrichissent notre connaissance des relations entre Athènes et sa colonie insulaire ; tout cela nous aide à mieux comprendre ce que laissaient déjà deviner d’autres documents épigraphiques, dont l’exégèse était cependant rendue malaisée par leur médiocre état de conservation : référence est faite notamment à la discontinuité du contrôle officiel d’Athènes sur son établissement colonial, avec alternance de périodes de mainmise et d’autonomie, d’où la nécessité d’interventions de la mère-patrie visant à corriger les irrégularités de toutes sortes qui s’étaient entre-temps développées sur place. 

La situation antique qui se dégage de la documentation épigraphique est manifestement difficile à plusieurs niveaux : la stabilité politique et économique semble menacée, les relations avec Athènes compromises, la paix mise en danger par la complexité des relations entre les deux villes de Myrina et d’Hephaistia, sans parler de l’usurpation de terres sacrées appartenant aux dieux Cabiriques et de la transgression du rituel des mystères. 

 

MOTS CLÉS: Âge augustéenÉlitesStrategos epi LemnonLemnosKabirion