Séances Vendredi 5 mai 2023

– Communication de Mme Anne Ritz-Guilbert, enseignant-chercheur à l’École du Louvre,  sous le patronage de Mme Nicole BÉRIOU  « Du monument au dessin, du dessin à la collection : la fabrique de l’histoire, par François-Roger de Gaignières (1642-1715) ».

Résumé

La collection de François-Roger de Gaignières, aujourd’hui dispersée, est une prodigieuse entreprise de compilation documentaire de la fin du XVIIe consacrée à l’histoire médiévale et moderne des familles, des institutions et des territoires, en France et en Europe. En une quarantaine d’années, son concepteur, écuyer puis gouverneur de Joinville au service de la famille de Guise, a rassemblé, copié et fait copier des milliers de documents textuels et iconographiques, dont plus de 7 320 dessins de monuments, relevés in situ. Ces dessins ont été et sont encore largement utilisés par les historiens de l’art et les archéologues comme substituts des originaux disparus. Pourtant, ils restent mal connus, toujours envisagés isolément, jamais étudiés dans leur contexte de production, intellectuel et matériel. Or chez Gaignières, le dessin est justement au cœur de sa pratique érudite, tant pour conserver la mémoire des monuments qu’il sait vouer à la ruine que pour constituer des preuves nécessaires à l’histoire de la monarchie. Il forme également le pivot de son classement en portefeuilles, très élaboré, au sein duquel le monument représenté, à l’instar des pièces d’archives ou des tableaux collectés, n’est jamais univoque et s’inscrit dans diverses séries thématiques, familiales, institutionnelles ou géographiques qui entrent en résonance les unes avec les autres. Ce faisant, chaque document est contextualisé dans l’espace et dans le temps. Si Gaignières n’a jamais publié le moindre essai, il montrait sa collection, en particulier ses tableaux et ses portefeuilles remplis de vues topographiques, de portraits, de tombeaux et de figures de modes. Au gré de ses curiosités, de ses contraintes et opportunités, de ses itinéraires ou de ses réseaux de sociabilité, Gaignières a construit ainsi une histoire très visuelle, composée à partir des monuments relevés sur le papier.

Mots clefs : antiquaire – collection – patrimoine – dessin – XVIIe siècle

 

Abstract

he collection of François-Roger de Gaignières, now dispersed, is a prodigious compilation of documents from the late 17th century devoted to the medieval and modern history of families, institutions and territories in France and Europe. Over a period of some forty years, its creator, an equerry and then governor of Joinville in the service of the Guise family, collected, copied and had copied thousands of textual and iconographic documents, including more than 7,320 drawings of monuments, taken in situ. These drawings have been and still are widely used by art historians and archaeologists as substitutes for the lost originals. However, they remain poorly known, always considered in isolation, never studied in the context of their intellectual and material production. For Gaignières, drawing is at the heart of his scholarly practice, both to preserve the memory of monuments that he knows are doomed to ruin and to provide the evidence necessary for the history of monarchy. It also forms the backbone of his highly elaborate portfolio classification, in which the monument represented, like the archival documents or paintings collected, is never univocal and is part of various series – thematic, familial, institutional or geographical – that resonate with each other. In so doing, each document is contextualised in space and time. Although Gaignières never published a single essay, he showed his collection, in particular his paintings and portfolios filled with topographical views, portraits, tomb stones and fashionable figures. According to his curiosities, his constraints and opportunities, his itineraries or his networks of sociability, Gaignières thus constructed a very visual history based on monuments recorded on paper.

Keywords : antiquarian – collection – heritage – drawing – 17th century