Séances Vendredi 7 octobre 2022

Communication de Monsieur Pascal Arnaud, professeur émérite à l’Université de Lyon 2, sous le patronage du Secrétaire perpétuel Nicolas GRIMAL : « Les Liménès du Nil : ports ou portoria ? La lexicographie au cœur d’un problème historiographique. »

 

Résumé

La documentation papyrologique fait état de quatre liménès sur le Nil (celui de Memphis, celui de Syène et ceux de Ptolémaïs Hormou et d’Alsos), tous attestés dans des documents fiscaux de la seule période impériale. En dépit de quelques tentatives récentes de réajustement, et d’une note oubliée de Manfred Raschke, vieille de près d’un demi-siècle, l’idée que ces mentions renvoient à des ports reste dominante dans l’historiographie, alors qu’elle a posé plus de problèmes qu’elle n’en a résolu et a imposé des contorsions intellectuelles au demeurant peu convaincantes.

Voir dans ces liménès des ports se heurte pourtant à deux objections majeures. La première est que le mot limèn est sans attestation hors de l’espace maritime et qu’à l’exception des quatre cas cités, la documentation désigne invariablement les ports du Nil du nom d’hormoï, même dans les papyrus militaires latins.

On s’attachera donc d’abord au sens fiscal des mots limèn et liménarque sous l’empire romain, qui ren voient de façon très banale au latin portus/portorium et caractérisent des revenus publics. On rouvrira ensuite le dossier de chacun des liménès, en commençant par celui de Syène, où les revenus du port sont qualifiés d’enhormion, puis ceux d’Alsos et de Ptolémaïs Hormou, où loimèn caractérise un groupe de revenus publics, avant d’examiner le cas de Memphis, le mieux documenté, pour conclure que rien dans la documentation papyrologique ne permet d’établir le moindre lien entre ces liménès et un quelconque port. Le mot limèn n’apparaît qu’en contexte fiscal et à l’époque romaine, et il convient de lui donner le sens qu’il a ordinairement dans ce contexte à cette époque : celui de recette publique, et de caisse ou de circonscription fiscale.