Société asiatique Grégory CHAMBON
Communications :
M. Grégory CHAMBON, Directeur d’études à l’EHESS, assyriologue (histoire des sciences et techniques) a présenté les communications suivantes lors des séances du vendredi :
Séance du 10 mai 2019
« Écrire et représenter les nombres en Mésopotamie ». L’abondante documentation cunéiforme a fourni pendant plus de 3000 ans de multiples données chiffrées, qui couvrent tous les genres littéraires, des documents administratifs aux textes littéraires, en passant par les inscriptions royales et les traités savants. Dès ses débuts, à la fin du IVe millénaire, dans le sud mésopotamien, l’écriture semble d’ailleurs avoir été fortement influencée par l’expression de nombres et de quantités.
Le plus souvent, ces données chiffrées sont considérées comme des indicateurs de réalités socio-économiques, permettant par exemple de quantifier les flux de denrées et de matières premières, d’évaluer les stocks et les rations ou bien de reconstruire les cadastres. Ce caractère objectif et fiable prêté aux nombres pour reconstruire des faits économiques nous fait alors oublier qu’ils sont avant tout le produit de traditions scribales, de consensus sociaux et de systèmes de pensée propres aux sociétés proche-orientales.
Si plusieurs études se sont concentrées sur les règles morphologiques régissant les noms de nombres en sumérien ou akkadien, très peu ont été consacrées au choix et à l’agencement des signes numéraux ; ces derniers appartenaient pourtant à un répertoire simple, mais qui dépendait étroitement de ce qui était comptabilisé. L’opposition encore défendue entre « nombre concret », dépendant de la chose comptée, et « nombre abstrait », libéré du carcan de la matérialité et censé être apparu dès la fin du IIIe millénaire, est à nuancer ; les règles d’écriture révèlent qu’un nombre était toujours « un nombre de » et que les manières de le noter dépendaient du contexte, de la même façon que nous pouvons actuellement écrire 5, cinq, V ou bien IIIII selon s’il s’agit de calcul, d’énumération, du volume d’une encyclopédie etc.
Cette communication se propose d’étudier ce paradigme à partir de plusieurs cas d’études dans les sociétés proche-orientales. Je porterai en particulier mon attention sur les « calculi », ces petits jetons de différentes formes en argile censés être les précurseurs des premières marques numérales sur les tablettes administratives archaïques, et refléter à la fois une information quantitative et qualitative. Ensuite, à partir d’exemples tirés de la période paléo-babylonienne (début du IIe millénaire), qui a connu des transformations majeures dans les façons d’écrire, je questionnerai la notion de nombre dans ces sociétés anciennes, à la lumière des textes et des contextes.
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