Société asiatique La fondation de la Société Asiatique
La Société Asiatique est née avec l’orientalisme scientifique. Les premières décennies du XIXe siècle ont été le temps de la découverte en Europe de langues, de littératures, de religions, de philosophies, de monuments de divers pays d’Asie, le temps où un esprit d’enquête critique s’est pourvu de méthodes devant conduire à une connaissance plus exacte des cultures. C’est aussi une époque où des lettrés de ces divers pays s’ouvraient aux sciences des Européens et venaient volontiers coopérer à leurs recherches. Un esprit international d’échange de connaissances s’était créé. Des sociétés de savants s’étaient constituées en Asie, à l’initiative de Hollandais à Batavia, d’Anglais à Calcutta. La Bataviaasch Genootschap van Kunssten en Wetenschappen fondée en 1778 et la Royal Asiatic Society of Bengal créée en 1784 rendaient déjà de grands services scientifiques, par la diffusion des connaissances et surtout l’encouragement donné aux nouvelles disciplines. Il fallait des organes fédérateurs du même ordre en Europe : la France en eut l’initiative.
L’idée d’une société asiatique sise à Paris serait née en 1821 de conversations entre le comte de Lasteyrie, Rémusat et Fauriel, ou selon une autre version, du même Lasteyrie accompagné d’« Abel-Rémusat, Saint-Martin et quelques-uns de leurs amis ». Ces hommes éclairés élaborèrent un projet de règlement qu’ils firent imprimer et circuler sous le titre : Société Asiatique. Prospectus (Paris, imp. De Rignoux, s. d., in 8°). L’accent y était mis sur l’étude des langues orientales, car, en deux siècles de voyages et de découvertes, « l’on n’a pas tardé à sentir ce que l’histoire de l’homme pouvait avoir à gagner par la connaissance des traditions de toute espèce conservées par les anciens peuples asiatiques ». Les fondateurs y vantaient également l’utilité de la connaissance de l’Asie pour l’histoire, sa qualité de réservoir de « sujets de méditation » pour le métaphysicien, le poète, l’artiste, le naturaliste, etc., et soulignaient la dette de l’Europe à l’égard de la civilisation de l’Asie.
Une première réunion se tint le 1er avril 1822 de 8 heures à minuit. Silvestre de Sacy se vit offrir la présidence, Garcin de Tassy lui étant adjoint comme secrétaire provisoire. À cette date, la Société comptait déjà, semble-t-il, 99 membres souscripteurs ; lors de cette séance, on choisit également 37 associés étrangers. Un règlement fut proposé, discuté et adopté, que suivent encore dans ses grandes lignes les statuts en vigueur aujourd’hui. On procéda à l’élection de 17 membres du Conseil, l’assemblée donnant à ce conseil pouvoir de nommer sept autres membres pour le porter à un total de 24. Il faut noter que la même année 1822 fut marquée par un succès mémorable de la science orientaliste : la lecture par Champollion de l’écriture hiéroglyphique.
Dès sa fondation, la Société Asiatique avait ainsi trouvé une organisation qui ne changera que fort peu jusqu’à nos jours et fixé sa vocation scientifique. Elle fut tout de suite un modèle. La Royal Asiatic Society de Londres était fondée en 1824 et adoptait un règlement quasi identique à celui de sa sœur aînée ; suivirent en 1842 l’American Oriental Society et la Deutsche Morgenländische Gesellschaft. D’emblée, elle s’est posée comme la conscience de l’orientalisme naissant et s’est placée dans les limites de l’objectivité scientifique. Si dans les premières années de son existence, lors de la vague orientalisante qui a caractérisé la vie parisienne sous la Restauration, les savants partagèrent leurs activités avec les gens du monde amis de l’Orient, la révolution de 1830 devait changer son recrutement qui, dès lors, se fit toujours parmi ceux que non seulement la curiosité, mais aussi l’étude critique amenaient à acquérir des connaissances originales sur les divers pays d’Asie.