Société asiatique Lakshmi KAPANI

Communications :

Madame Lakshmi KAPANI, Professeur émérite de Philosophie indienne et comparée à l’Université de Paris X-Nanterre,
a présenté les communications suivantes lors des séances du vendredi :

Séance du 13 avril 2012

« A propos de Schopenhauer et la pensée indienne (…). »

La fondation de l’Asiatic Society à Calcutta en 1784, puis de la Société Asiatique à Paris (1821) et à Londres (1823), ainsi que la publication de sa revue, les Asiatic Researches pour commencer, puis le Journal Asiatique (à partir de 1823), furent des événements décisifs pour la réception de la pensée indienne en Occident. C’est donc un très grand honneur pour moi d’être invitée à vous présenter mon ouvrage qui s’inscrit dans cet axe de recherche. En effet, depuis quelques trentaines d’années, je me suis consacrée à étudier des modalités de la rencontre entre l’Orient et l’Occident, entre l’Inde et l’Europe, plus précisément entre Schopenhauer et la pensée indienne, afin de dévoiler les enjeux d’une telle entreprise. L’occasion m’est également donnée d’entamer une discussion avec mes auditeurs et mes lecteurs afin de m’instruire davantage. Je vous en remercie.
Soit dit au passage que Schopenhauer a eu accès à l’édition des Asiatic Researches publiée à Londres entre 1806 et 1812, puis en 1815-1816 (à la bibliothèque de Dresde). Il possédait plusieurs numéros du Journal asiatique qu’il consultait régulièrement. C’est ainsi qu’il a pris connaissance des travaux effectués par d’illustres savants et sanskritistes de l’époque : W. Jones, H.T. Colebrooke, et d’autres.
Dans l’héritage intellectuel d’Arthur Schopenhauer (1788-1860), il faut surtout compter Kant, Platon, etles Upanishads, comme le philosophe nous le dit lui-même. Quant au Bouddhisme, (découvert bien plus tard que les textes des Upanishads, du Vedânta et du Sâmkhya), Schopenhauer ne cesse de constater une « admirable concordance » (Ubereinstimmung) de sa pensée avec celle de Siddhârtha Gautama le Buddha (qu’il considère comme l’un des « philosophes puissants » avec Platon et Kant).
Par ailleurs, il s’inspire des grands mystiques de l’Orient et de l’Occident, ainsi que des poètes et des moralistes de ces « deux mondes ». Cela dit, sa propre contribution originale dans l’histoire des idées en général et dans l’histoire de la philosophie en particulière reste indéniable. C’est sa fameuse découverte : la prééminence de la Volonté (l’Unité transcendante en soi, une force inconsciente et indestructible) sur l’intellect (c’est-à dire sur la raison et sur la conscience réfléchie). En cela, Schopenhauer renverse le courant : c’est une véritable « révolution ». C’est à titre de confirmation et de justification de ses propres thèses philosophiques que Schopenhauer se réfère fréquemment aux données indiennes tant brahmaniques que bouddhiques. Seulement, sa tentative de les intégrer dans sa propre pensée n’a pas toujours réussi, comme je l’ai démontré. Pourquoi ? – Parce que les affinités ou les similitudes de surface (entre les concepts schopenhaueriens et indiens) cachent bien de disparités ou de différences. Tout en soulignant les similitudes, j’ai plutôt insisté sur les différences. C’est, me semble-t-il, la seule manière de respecter l’autre dans son altérité. Chaque civilisation a sa singularité. La culture est le domaine des différences.
Pour cette raison, au lieu d’interpréter les écrits de Schopenhauer, j’ai plutôt étudié (la justesse) des interprétations relatives aux textes et concepts indiens en restant aussi objective et neutre que possible. Suis-je parvenue à atteindre mon but ? – Ce sera à vous de me le dire.


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