Société asiatique Monique OZOUX

Séance du 4 mai 2018

« Construction de la figure d’Ibn Taymīya : la normalisation du langage de la violence ».Ibn Taymīya (1263-1328) est un juriste hanbalite de Damas autorisé à émettre une décision (fatwa) en réponse à une question juridique ou théologique. Ibn Taymīya nous intéresse pour les décisions qu’il livre sous forme de textes polémiques chargés d’un contenu idéologique où s’entend, sur fond d’une rhétorique bien rôdée, le langage de la violence. Des écrits d’Ibn Taymīya sont utilisés pour justifier la violente conquête de la péninsule arabique par la dynastie saoudienne et les massacres perpétrés dans les villes shīʿites voisines. Au XXe siècle, les réformistes musulmans du Caire publient l’œuvre entière d’Ibn Taymīya, devenue la base de l’islam saoudien. En 1939, Henri Laoust publie un ouvrage fondateur sur les doctrines sociales et politiques du juriste hanbalite. L’un de ses étudiants, George Makdisi, fait connaître le travail du maître aux États-Unis et, avec des collègues, entreprend une réhabilitation du hanbalisme malmené selon lui par la tradition orientaliste. Ibn Taymīya serait un soufi qui s’attaque au célèbre Ibn ʿArabī pour censurer une pensée de nature panthéiste, hérétique et antinomienne. L’association du nom d’Ibn Taymīya aux partisans du jihād global et les assassinats de personnalités soufies jettent une ombre. On invoque alors l’ignorance des groupes jihadistes et une lecture sauvage de l’œuvre du juriste hanbalite. Mais ceux qui citent Ibn Taymīya s’appuient sur des textes précis qu’ils n’ont pas découverts par hasard dans une œuvre peu abordable par le néophyte. De nombreux chercheurs ont considéré normale la violence du discours anti-soufi et anti-shīʿite d’Ibn Taymīya, que ses contemporains ont pourtant refusé de suivre. Il convient d’éclairer ce positionnement islamologue avant de relire de façon critique les textes polémiques qui le fondent


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