Société asiatique Robert DUQUENNE

Communications :

Monsieur Robert DUQUENNE, membre retraité de l’EFEO, collaborateur à la rédaction de la revue Höbögirin,
a présenté les communications suivantes lors des séances du vendredi :

Séance du 1er février 2013

« Vocables indiens en japonais autochtone. Quelques cas spécifiques et d’autres spécieux »

Sans prétendre apparenter le japonais à aucune langue indoeuropéenne, bien entendu, il y a lieu de revenir sur plusieurs vocables japonais autochtones (et non sino-japonais) dont déjà certains lettrés des XVIIIᵉ-XIXᵉ siècles pressentaient l’origine indienne, ce que confirme à la fin du XIXᵉ la connaissance des textes originaux par l’intermédiaire de la philologie occidentale.
Ikari « ancre » est un exemple mal choisi, mais en reniant son article sur ce vocable qu’il s’était efforcé de rattacher au sanskrit larikoza « ornement, équipement (d’un navire) », Sylvain Lévi a du coup condamné à l’impasse une voie où l’avait engagé son intérêt pour le rayonnement de l’Inde inpartibus ; une voie qui permet d’entrevoir certaines influences indiennes indépendantes du bouddhisme : influences minimes, il est vrai, et à juger cas par cas, mais qui touchent à l’esprit d’une langue et à la nature d’une tradition orale.
Outre le vocabulaire proprement bouddhique, qui s’est transmis au Japon en traduction chinoise ou dans des transcriptions phonétiques créées en Chine pour respecter l’acception spécifique de tel vocable indien dans son usage bouddhique, le vocabulaire japonais autochtone comprend plusieurs vocables à la fois homophones et synonymes de mots indiens d’usage courant et profane, tels kusa = sk..kusa, « herbe » (que le chinois traduit : cao) ou muda = mudha « en vain », voire l’enfantin : oppai lolo nénet = payas « lait » précédé de o –honorifique.
Ce dernier vocable, plus particulièrement, qui n’est pas attesté (écrit) avant 1833, témoigne qu’à toute époque et à tous les niveaux, la langue autochtone a conservé des ressources propres en dépit de l’afflux des vocables empruntés au chinois puis aux langues occidentales : originellement non écrite, elle a maintenu un lien privilégié avec le sanskrit ; cultivé jusque dans sa propre poésie l’idée d’une relation immédiate entre son et sens, le fondement établi (siddham) de cette autre langue de tradition essentiellement orale et qualifiée de « parfaite », de langue de Brahma, pure, (bongo). De même que les lexiques bouddhiques chinois des VIIIᵉ-IXᵉ siècles, elle peut avoir conservé des sens antérieurs à ceux qu’ont retenus les lexicographes indiens, et à leur suite, les dictionnaires occidentaux.


© 2020/02 – Textes et conception des pages Société Asiatique : Georges-Marie CHATELAIN – tous droits réservés.
Pour toute demande de modification ou renseignement :
Envoyer un courriel à Georges-Marie Chatelain