Membre 2010

Georges Charachidzé

Élu correspondant de l’AIBL le 19 mars 1999, M. Georges Charachidzé est décédé à Paris le 20 février 2010, à l’âge de 80 ans. Docteur ès lettres, professeur émérite à l’Institut national des Langues et Civilisations orientales (INALCO), où il enseigna le géorgien et les langues caucasique pendant près de 30 ans, il était un linguiste de réputation internationale et le meilleur connaisseur des langues et civilisations du Caucase. Président de la Société de Linguistique de Paris en 1984, membre étranger de l’Académie des Sciences de Géorgie, conseiller auprès du CIPSH (UNESCO) pour le programme « langues en danger », il a été de 1995 à sa retraite, en 1998, vice-président scientifique de l’INALCO. Le professeur Georges Charachidzé était l’auteur d’une dizaine d’ouvrages et d’articles variés, notamment d’une somme sur la langue oubykh (1989), langue aujourd’hui morte, à laquelle Georges DUMÉZIL, dont il était l’élève, avait consacré une bonne partie de son activité, et d’une étude fondamentale sur Le système religieux de la Géorgie païenne. Analyse structurale d’une civilisation (1968, 738 p.). Il avait dirigé à partir de 1985 la Revue des Études géorgiennes et caucasiennes.

Bernard GUENÉE

Né à Rennes le 6 février 1927, M. Bernard GUENÉE, qui avait été élu membre de l’AIBL le 6 mars 1981, au fauteuil de Pierre COURCELLE, est décédé à Paris le 25 septembre 2010. Normalien, agrégé d’histoire, ancien pensionnaire de la Fondation Thiers et docteur ès-lettres, M. Bernard GUENÉE avait suivi une carrière brillante et rectiligne : à la Faculté des lettres et sciences humaines de Strasbourg tout d’abord, puis à la Sorbonne où il occupa la chaire d’histoire médiévale pendant trois décennies, de 1965 à 1995. Directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études, IVe section, il fut professeur invité par les Universités anglo-saxonnes les plus prestigieuses : Yale (1972 1973), Oxford (1974) et Princeton (1976) – où il apporta beaucoup pour le rayonnement des études médiévales françaises. Dévoué aux tâches d’intérêt général, il a été membre, durant de nombreuses années, de la Commission administrative centrale de l’Institut de France, qu’il a présidé durant l’année 1998. Grand spécialiste de l’Occident médiéval et de la culture historique dans la société médiévale, mais également de la société judiciaire du bas Moyen Âge et du règne de Charles VI, M. Bernard GUENÉE était un historien de très grande renommée internationale ; il s’était tout particulièrement attaché, au fil de ses nombreux travaux, à l’étude des pouvoirs, de leurs mécanismes et de leurs croyances associées, à la fin du Moyen Âge. Son œuvre scientifique comprend une longue série d’articles et plusieurs maîtres-livres : L’Occident aux XIVe et XVe siècles. Les États (1971, 1993 [5ᵉ éd.]), Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval (1980, 1991[2ᵉ éd.]), Entre l’Église et le Pouvoir (1987), Un meurtre, une société. L’assassinat du duc d’Orléans, 23 novembre 1407 (1992), Un roi et son historien. Vingt études sur le règne de Charles VI et la Chronique du Religieux de Saint-Denis (1999), La folie de Charles VI, roi Bien-aimé (2003) ou encore Du Guesclin et Froissart. La fabrication de la renommée (2008).

Robert-Henri BAUTIER

Né à Paris le 19 avril 1922, M. Robert-Henri BAUTIER, qui avait été élu membre de l’AIBL le 13 décembre 1974, au fauteuil de René LABAT, est décédé à Créteil le 19 octobre 2010. Diplômé archiviste-paléographe de l’École des Chartes et ancien membre de l’École française de Rome, le professeur Robert-Henri BAUTIER était un grand médiéviste. Sa carrière fut toute droite : de 1948 à 1958, il est conservateur aux Archives nationales, puis à la Direction des Archives de France, avant d’être chargé du Service des Études et du stage international des Archives. Il a fait partie, en 1949, de la délégation française pour l’application des clauses d’archives du traité de paix franco-italien et fut chargé de la prise en charge des archives de Savoie et de Nice remises par les autorités italiennes ; il fut aussi commissaire du gouvernement pour l’application de l’accord franco-allemand sur les archives d’Alsace. Chargé d’un cycle de conférences, de 1960 à 1963, sur les sources et les méthodes de l’histoire économique médiévale à l’École des Chartes, il y occupa, de 1961 jusqu’à sa retraite en 1992, la chaire de diplomatique et d’archivistique. À l’Institut de France, il fut chargé du contrôle du musée du château de Langeais dès 1986 à 1991, puis conservateur du musée Jacquemart-André en l’Abbaye royale de Chaalis (1992-2000). De son ample bibliographie, on se bornera à citer, outre son édition de la Vie de Robert le Pieux par Helgaud de Fleury (1965), plusieurs ouvrages dans lesquels il avait voulu réunir ses très nombreux articles : Chartes, sceaux et chancelleries. Études de diplomatique et de sigillographie médiévales en 2 vol. (1990), Recherches sur l’histoire de la France médiévale. Des Mérovingiens aux premiers Capétiens (1991), Études sur la France capétienne. De Louis VI aux fils de Philippe le Bel (1991), Sur l’histoire économique de la France médiévale : Routes, foires, draperies (1992) et Commerce méditerranéen et banquiers italiens au Moyen Âge (1992).

Jean Glénisson

Né à Jonzac (Charente-Maritime) le 25 janvier 1921, M. Jean Glénisson, qui avait été nommé correspondant de l’AIBL le 20 novembre 1987, au poste de Pierre-François Fournier, est décédé à Jonzac le 9 octobre 2010. Diplômé archiviste-paléographe de l’École des Chartes et ancien membre de l’École française de Rome, Jean Glénisson était un médiéviste renommé pour ses travaux sur les sociétés française et italienne du XIVe siècle, la méthodologie de l’histoire et l’héraldique. Conservateur aux Archives Nationales, puis chef du service des archives et de la bibliothèque de l’Afrique équatoriale française à Brazzaville (1952-1957), il avait succédé en 1957 à son maître Fernand BRAUDEL dans une chaire de la Faculté de philosophie de l’Université de São Paulo. Directeur d’études à la VIe section de l’École pratique des Hautes Études, il fut nommé en 1964 directeur de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), où pendant plus de vingt ans, il accomplit une action déterminante.

Jacqueline de ROMILLY

Née à Chartres, le 26 mars 1913, Mme Jacqueline de ROMILLY, qui avait été élue, le 14 février 1975, membre de l’Académie, au fauteuil de Pierre CHANTRAINE, puis à l’Académie française, le 24 novembre 1988, au fauteuil d’André ROUSSIN (7ᵉ fauteuil), est décédée à Paris le 18 décembre 2010. Normalienne, agrégé d’histoire et docteur ès lettres, Mme Jacqueline de ROMILLY, était une figure de proue internationale de l’érudition dans les divers domaines de l’Antiquité grecque. Sa carrière fut d’une droiture singulière : première partout où là portèrent ses curiosités et l’excellence de ses réalisations. Professeur de langue et littérature grecques à l’Université de Lille (1949-1957), puis à la Sorbonne (1957-1973), elle professa au Collège de France de 1973 à 1987 dans une chaire intitulée : « La Grèce et la formation de la pensée, morale et politique ». Ses travaux considérables sur la philologie et la littérature de la Grèce antique lui valurent les consécrations universitaires les plus prestigieuses. Membre de l’Association des Études grecques et de l’Association Guillaume-Budé, qu’elle présida toutes deux, elle siégeait au sein de nombreuses académies, notamment : l’Académie du Danemark, la British Academy, les Académies de Vienne, d’Athènes, de Bavière, des Pays-Bas, de Turin, de Naples, l’American Academy of Arts and Sciences et l’Academia Europaea. Lauréate du Prix Onassis pour la culture en 1995, elle était docteur honoris causa des Universités d’Oxford, d’Athènes, de Dublin, d’Heidelberg, de Yale et de Montréal. Citoyenne d’honneur d’Athènes, elle avait reçu la nationalité grecque en 1995. Son œuvre de savant et d’écrivain est considérable : plus de quarante livres, souvent réédités. Spécialiste par excellence de Thucydide, auquel elle avait consacré une thèse de doctorat magistrale publiée en 1947 (Thucydide et l’impérialisme athénien), puis une Histoire et raison chez Thucydide (1956), elle en avait édité les œuvres, avec traduction et commentaire. Ses recherches sur le théâtre grec aboutirent pour leur part à nombre d’articles et de livres, en particulier sur le théâtre d’Eschyle et d’Euripide : La crainte et l’angoisse dans le théâtre d’Eschyle (1958), L’évolution du pathétique d’Eschyle à Euripide (1961), Le temps dans la tragédie grecque (1971). Son Précis de littérature grecque (1980), dans lequel est recueilli le fruit de son enseignement et de sa connaissance intime des œuvres littéraires, est un classique incontournable. Attachée à l’étude de la pensée morale et politique dans la Grèce antique, elle avait aussi publié un livre incomparable sur La loi dans la pensée grecque, des origines à Aristote (1971). Écrivain de talent, auteur de romans, de nouvelles, d’essais, Jacqueline de ROMILLY était toujours disponible pour les nobles causes, notamment pour la promotion de l’humanisme et la défense des langues classiques, l’un des grands combats de sa vie. Elle était de ceux qui réclament un enseignement de qualité, alliant les innovations à ce qui compte de bon dans la tradition.

Claude NICOLET

Né à Marseille le 15 septembre 1930, M. Claude NICOLET, qui avait été élu membre de l’AIBL e 6 juin 1986, au fauteuil de Louis ROBERT, est décédé à Paris le 24 décembre 2010. Normalien, agrégé d’histoire, ancien membre de l’École française de Rome et docteur ès lettres, le Professeur Claude NICOLET était un grand historien de la Rome antique et un intellectuel réputé. Après avoir enseigné à l’Université de Tunis, puis de Caen, il fut nommé en 1969 directeur d’études à l’École pratique des Hautes-Études, IVe section, et la même année professeur à l’Université de Paris I, fonctions qu’il occupera jusqu’à sa retraite en 1992. Directeur de l’ERA 757 du CNRS « Fonctionnement des systèmes politiques et sociaux du monde romain et hellénistique » à partir de 1978, fondateur en 1981 du centre Gustave Glotz de la Sorbonne, sur le destin duquel il veilla pendant plus de dix années, il fut, de 1992 à 1995, directeur l’École française de Rome. Ancien président de la Société des Études latines, il était membre de la British Academy (Londres), de l’Accademia dei Lincei (Rome) et du Deutsches Archäologisches Institut (Berlin), docteur honoris causa des Universités de Liège et de Bruxelles. Spécialiste mondialement reconnu de l’histoire des institutions et des idées de la République romaine (et en particulier de la période si troublée des Gracques), il était aussi, pour l’Antiquité, un éminent expert des questions d’ordre économique et démographique. De sa riche bibliographie, on se bornera à citer, outre sa thèse de doctorat sur L’ordre équestre à l’époque républicaine, éditée en 2 vol. (1966-1974), des sommes plusieurs fois rééditées et traduites : Le métier de citoyen dans la Rome républicaine (1976), Rome et la conquête du monde méditerranéen, 264-27 av. J.-C. en 2 vol. (1981-1983), L’inventaire du monde. Géographie et politique aux origines de l’Empire romain (1988). S’intéressant vivement à l’action politique, Claude NICOLET avait été détaché au cabinet de Pierre Mendès France en 1956 ; il avait été aussi chargé de mission sur l’éducation civique au sein du Cabinet de Jean-Pierre Chevènement. Nous lui devons, au titre de ses travaux remarquables de politologues : L’idée républicaine en France, Essai d’histoire critique 1789-1924 (1982), La République en France, État des lieux (1992) et La fabrique d’une nation. La France entre Rome et les Germains (2003).