Séances Vendredi 14 novembre 2025
– Communication de M. Sylvain Brocquet, correspondant de l’Académie : « L’inscription de Mahendravarman dans le sanctuaire excavé de Tiruchrapalli (Trichinopoly) : le corps du roi au sein du temple ».
Résumé
Cette communication propose une nouvelle analyse d’une inscription sanskrite énigmatique qui a déjà fait l’objet de nombreuses études : la dédicace, par le roi Pallava Mahendravarman I (600-630), du relief de Śiva Gaṅgādhara dans le temple dit du « Rock Fort », creusé dans la roche à Tiruccirāppaḷḷi (Tamiḻ Nāṭu). Elle s’attache en particulier aux strophes 6 et 8, qui contiennent des termes polysémiques ou susceptibles de s’appliquer à plusieurs référents (anena liṅgena, bhautikī mūrtiḥ, śilākṣareṇa, asya satyasandhasya), conférant à la phrase plusieurs significations. Après une brève présentation de l’inscription et des enjeux de l’épigraphie royale en Inde méridionale, l’étude proposera une traduction commentée de l’inscription et s’efforcera d’en dégager les enseignements. Quelques principes méthodologiques la guideront : (1) partir du contexte référentiel attesté, afin d’éviter la tautologie consistant à interpréter le texte à partir d’un référent lui-même induit du texte. (2) Envisager le poème épigraphique comme un ensemble cohérent, organisé selon un dessein rhétorique où chaque élément produit du sens en fonction du tout. (3) S’appuyer sur une doctrine claire en matière de linguistique et de poétique de l’ambiguïté, en recourant notamment aux traités indiens. Ainsi menée, l’analyse du texte conduit à l’hypothèse, anthropologiquement vraisemblable, que l’inscription, dans sa matérialité, constitue la mūrti, la manifestation sensible du roi-fondateur, tout comme le relief est celle du dieu – leur corps glorieux (kīrtimayī). Le temple, lieu par excellence où sont réunis le roi-dévot et la divinité, peut quant à lui être considéré comme la mūrti de l’un comme de l’autre, accomplissant une équivalence rituelle source de prospérité pour le royaume et de légitimité pour le souverain. Enfin, l’énigmatique vocable liṅga (strophe 6), « symbole », « signe », désigne simultanément le relief, qui assure la présence pérenne du dieu dans son temple, et l’épigraphe, qui assure celle du roi-donateur (est ainsi rejetée l’hypothèse d’un Śivaliṅga que l’archéologie ne permet pas d’étayer). Le creusement du temple-grotte, la consécration de l’image et la gravure de l’inscription, faisant appel au pouvoir de perpétuation de la pierre, apparaissent comme les trois visages d’un même processus.
Mots-clés : sanskrit, épigraphie, double-sens, royauté, Mahendravarman I