Séances Vendredi 15 mars 2024

– Communication de Mme Solène Marion de Procé, responsable de la mission archéologique des îles Farasān, et M. Mohammed Ali al-Malki, représentant du ministère de la Culture saoudien, sous le patronage de M. Christian ROBIN : « Rome et les îles Farasān (Arabie saoudite), nouvelles données archéologiques. »

 

 

 

 

Résumé 

Depuis plus de 10 ans, une équipe franco-saoudienne mène une enquête archéologique de terrain sur l’archipel des îles Farasān, situé au large de l’importante ville portuaire de Jizān, dans le Sud-Ouest du royaume d’Arabie Saoudite. Plusieurs opérations menées sur différents sites de l’île principale de l’archipel permettent d’apporter des informations nouvelles sur les liens qui unissaient les îles Farasān et l’empire Romain. Deux d’entre eux apportent des données matérielles au dossier d’épigraphie latine présenté il y a 20 ans par F. Villeneuve, C. S. Phillips et W. Facey. Les textes latins et les vestiges qui leur sont associés, datés du IIe. siècle, témoignent de la présence d’un détachement militaire envoyé à plus de 1000 km des frontières impériales d’alors afin de sécuriser les voies commerciales maritimes menacées par une intense piraterie mentionnée par les auteurs antiques (Pline l’Ancien, auteur du Périple de la mer Érythrée).

Cette nouvelle documentation permet de mieux saisir l’emprise territoriale romaine sur l’archipel Farasān, les stratégies mises en place pour exploiter les ressources naturelles ainsi que les effets de cette présence étrangère sur la communauté locale. Le retrait du contingent militaire intervient, semble-t-il, assez subitement.

Quelques siècles après ce retrait et un déclin apparent dans l’occupation, les sources évoquent de nouveau Farasān (sources épigraphiques sudarabiques, littérature hagiographique, récit de voyage de Nonnosos, ambassadeur de l’empereur Justinien envoyé en Arabie en 540). Au VIe siècle, l’archipel est alors peuplé de communautés christianisées. Au cours du conflit qui opposa le souverain ḥimyarite Yuṣūf (Joseph, dhū-Nuwās), soutenu par la Perse et le négus du royaume d’Aksūm, soutenu par l’empire Romain d’Orient, le Martyre de Saint Aréthas, rédigé en grec, nous informe que “Farasān” aurait contribué à l’expédition punitive aksūmite, suite au massacre des chrétiens à Najrān (525). Là encore, les découvertes archéologiques apportent des données complémentaires aux textes et soulignent les liens particuliers qui ont uni les îles Farasān et le pouvoir romain.

Mots-clés : mer Rouge, Antiquité, Rome, Farasān, archéologie

 

Abstract

For more than 10 years, a Saudi-French team has been conducting an archaeological field survey of the Farasān Islands archipelago, located off the coast of the important port city of Jizān, in the south-west of the Kingdom of Saudi Arabia. Several operations carried out at different sites on the main island of the archipelago are providing new information on the links between the Farasān Islands and the Roman Empire. Two of them bring archaeological data to the dossier of Latin epigraphy presented 20 years ago by Fr. Villeneuve, C.S. Phillips and W. Facey. The Latin texts and associated remains, dated to the 2nd century, attest to the presence of a military detachment sent more than 1,000 km from the imperial frontiers of the time in order to secure the maritime trade routes threatened by the intense piracy mentioned by ancient authors (Pliny the Elder, author of the Periplus Maris Erythraei).

This new documentation provides a better understanding of the Roman territorial hold on the Farasān archipelago, the strategies put in place to exploit its natural resources and the effects of this foreign presence on the local community. The withdrawal of the military contingent seems to have come rather suddenly.

A few centuries after this withdrawal and an apparent decline in occupation, sources mention Farasān again (South Arabian epigraphic sources, hagiographic literature, travel account of Nonnoso, an ambassador of the emperor Justinian sent in Arabia in 540). In the 6th cent., the archipelago was populated by Christian communities. During the conflict between the ḥimyarite ruler Yuṣūf (Joseph, dhū-Nuwās), supported by Persia, and the negus of the kingdom of Aksūm, supported by the Eastern Roman Empire, the Greek-written Martyrium Sancti Arethae informs us that “Farasān” is said to have contributed to the Aksūmite punitive expedition, following the massacre of Christians at Najrān (525). Here again, archaeological discoveries provide additional data to the texts and highlight the special links that united the Farasān Islands and the Roman power.