Séances Vendredi 1er mars 2024

Communication de MM. Vincent Jolivet, directeur de recherche émérite au CNRS et Gilles Van Heems, maître de conférences de langue et littérature latines à l’Université Lumière – Lyon 2   sous le patronage de M. Alain PASQUIER et de Mme Agnès ROUVERET : « L’aristocratie étrusque et l’épopée homérique. À propos d’un stamnos récemment découvert à Norchia. »

 

Résumé

La nécropole de Norchia (Viterbe) fait l’objet depuis 2020 d’un projet de recherche mené en collaboration entre la Surintendance archéologique et le CNRS/École normale supérieure de Paris, titulaire d’une concession de fouille triennale sur le site depuis 2022. Les travaux ont été financés par l’UMR 8546 du  CNRS (Paris), l’École normale supérieure (Paris), la fondation ARPAMED (Paris) et la fondation Rovati (Milan).

Bien que notre projet porte essentiellement sur la tombe Lattanzi, l’une plus monumentales de l’Étrurie rupestre, datée du dernier quart du IVe siècle av. J.-C., dont la façade s’inspire de celle des palais macédoniens, la campagne de fouilles menée durant l’été 2022 s’est concentrée sur un groupe de plus petites tombes voisines qui toutes ont fait l’objet de déprédations à peu près complètes, à l’exception de l’une d’entre elles, la tombe 3. Son dromos, d’une profondeur de plus de 5 m, conduit à une petite chambre funéraire de plan rectangulaire, fermée à l’origine par une grande dalle de pierre. L’intérieur, découvert pillé et partiellement rempli de terre et de blocs de pierre, renfermait trois sarcophages découverts brisés, probablement ceux du couple titulaire de la tombe et d’un de ses enfants mort en bas âge.

La fouille d’une niche creusée dans un angle de la tombe, dont la présence avait échappé aux fouilleurs clandestins, a cependant permis la découverte d’un stamnos étrusque à figures rouges, demeuré intact. Il peut être rattaché à un groupe composé essentiellement de grands vases destinés au banquet aristocratique, actif à Vulci vers 325 avant J.-C., et connu sous le nom de Groupe de l’entonnoir, en raison de la forme évasée des languettes qui le caractérisent. Il s’agit de l’un des vases les plus complexes de ce groupe jamais découverts à ce jour, et de l’un des seuls dont le contexte de provenance soit précisément connu.

Les personnages figurés sont au nombre de cinq, unis par leur participation à la guerre de Troie (trois d’entre eux sont formellement identifiables grâce à des inscriptions étrusques surpeintes), et présentés comme autant d’exempla, qui ne sont pas tous complètement positifs. Sur la face principale, figurant une Nékyia, Ajax Télamon – le principal protagoniste du vase –, et Achille, tous deux qualifiés de hureru (un nouveau mot pour la langue étrusque), ainsi que Nestor, représenté tombé de son cheval conformément à la description que donne Pausanias de l’Ilioupersis de Polygnote à Delphes ; sur la face opposée, Troïlos, à peine descendu de son cheval, et une Amazone, probablement Penthésilée, illustrent deux des amours tragiques d’Achille, au début et à la fin de la guerre de Troie. Sous une des anses, une tête de lion à la langue tirée représente la fontaine près de laquelle se déroule l’embuscade d’Achille à Troïlos. Au-dessus de celle-ci, deux lignes en étrusque situent explicitement la scène à Troie, dans le domaine d’Apollon. L’embouchure du vase porte le nom de son commanditaire, Marce Atie.

Ce stamnos représente un intérêt exceptionnel, aussi bien par sa riche iconographie, qui témoigne des idéaux de l’aristocratie étrusque à la veille de la conquête romaine, que par l’apport à la connaissance de la langue étrusque que constituent ses différentes inscriptions.