Publications Journal des Savants : Janvier – Juin 2022
148p., 3 ill. Parution juin 2022. Abonnement : l’année 2022 en 2 fasc.,
Présentation
« La prise du pouvoir par Zimrî-Lîm roi de Mari », par Jean-Marie DURAND, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Le roi mésopotamien est resté dans l’image que l’on a de lui, tant pour ce qui est des représentations figurées que dans le propos des textes, comme celui qui incarne le maître des hommes et l’égal des divinités. Aussi les vers qui annoncent dans une ancienne tragédie le grand roi reflètent ils bien cette idéologie : « Pareil aux dieux je marche, et depuis le réveil Du soleil blondissant jusques à son sommeil, Nul ne se parangonne à ma grandeur royale. »
Cette figure terrible du potentat à la volonté duquel tout et tous se plient est celle qui existe encore aujourd’hui du monarque oriental, qu’il soit assyrien, babylonien ou perse. Telle est la représentation qui nous est restée d’eux et qu’ils ont d’ailleurs voulu laisser. Elle est en fait ce que l’on retient de la documentation récente, correspondant à l’image du roi des rois, le potentat qui fait à l’occasion fouetter la mer, ce qui avait si fort impressionné le discours grec. Les représentations figurées des monarques assyriens qui nous sont restées montrent effectivement des individus terribles qui incarnent la puissance royale.
« L’affaire d’Anseri de Montréal. Un grand baron entre liens féodaux et autorité royale », par Jean RICHARD† , membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Le texte présenté ici est celui de la contribution que Jean Richard avait donnée le 11 septembre 2014 à Amiens, au colloque sur « Saint Louis, roi de justice et de paix », organisé par Pascal Montaubin (Université de Picardie Jules Verne) et Xavier Hélary (Université de Paris-Sorbonne), dont les actes sont restés inédits. Nous avons souhaité la publication de cet article, aux abords du 100e anniversaire de l’auteur, qui en a été informé et heureux mais qui nous a quittés très peu de jours avant cette date. Pascal Montaubin m’a fourni le texte que lui avait remis ce grand historien de Saint Louis, des ducs de Bourgogne et des croisades, assorti de la carte qu’a exécutée l’Université de Picardie Jules Verne à partir d’un croquis manuscrit. Jacques Dalarun l’a accueilli dans le Journal des Savants et m’a demandé de relire le texte ; avec l’accord de Francis Richard, j’y ai fluidifié deux phrases et suis intervenu sur un point qui me semblait poser problème dans la lignée des Anseri. D’après Ernest Petit (voir ci-dessous note 1), Anseri V, mort en 1223, aurait eu pour fils Anseri VI, qui aurait épousé Agnès de Thil et aurait eu d’elle un fils, Anseri VII. Jean Richard, pour sa part, présente Anseri VI comme le fils d’Agnès de Thil, qui serait alors l’épouse d’Anseri V, mais, tout en semblant se concentrer au long de son article sur un seul et même Anseri, au moment où il annonce sa mort en 1269, il le nomme Anseri VII, sans doute sous l’influence d’Ernest Petit. En fait, pour aller dans le sens de Jean Richard, il n’est pas impossible qu’Agnès de Thil ait été une seconde épouse d’Anseri V et qu’il n’y ait eu qu’un seul Anseri (VI) de 1223 à 1269. Nous avons donc mis le chiffre VII entre crochets carrés. Nulle étude sur Saint Louis, à mon sens, n’explique aussi bien que celle de Jean Richard (Saint Louis, roi d’une France féodale, soutien de la Terre Sainte, Paris, 1983, notamment p. 372-383) comment ce roi a gouverné la France et ce que furent ses relations avec le baronnage en ses diverses strates. Elle a contribué ainsi au dépassement de l’opposition paradigmatique entre le pouvoir royal et « la féodalité » considérée comme un bloc. Saint Louis n’a cherché en rien à diminuer les prérogatives du duc de Bourgogne ou des comtes de Bretagne et de Flandre. Jean Richard l’avait bien montré pour le premier, dans sa thèse publiée à Dijon en 1954 (Les ducs de Bourgogne et la formation du duché du XIe au XIVe siècle), où il consacrait quelques lignes à l’affaire d’Anseri de Montréal, p. 301-302). On voit bien ici que son lointain cousin le duc Hugues IV, tout en subissant son autorité, y gagne aussi sur le terrain puisqu’à la fin il annexe à son propre domaine, presque entière, la seigneurie de Montréal (une baronnie à l’échelle du duché). L’épisode montre ainsi qu’un procès contre un baron régional transgressif pouvait déboucher sur son déshéritement – à la différence de ce qui arriva en 1259 au terme du procès plus célèbre d’Enguerran IV de Coucy, un baron de plus haut rang, il est vrai, et de moindre malfaisance que le rude Bourguignon dont Jean Richard nous fait ici entrevoir les duretés et leurs conséquences, autant que les sources le permettent, dans un style d’une beauté simple et vraie qui devrait servir de modèle à tous.
Dominique Barthélemy,
membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (20 avril 2021)
« Aux sources épigrammatiques de l’emblème : André Alciat et l’Anthologie de Planude (avec onze épigrammes inédites) », par Thomas Penguilly.
Le 11 août 1494 paraissait à Florence un somptueux volume de près de trois cents folios composés en belles petites capitales grecques d’inspiration épigraphique qui offrait pour la première fois au public lettré le texte d’environ deux mille quatre cents épigrammes grecques jusqu’alors totalement inédites : Jean Lascaris y livrait l’édition princeps de l’anthologie établie au tournant du XIVe siècle par le moine et érudit byzantin Maxime Planude sur les bases d’un modèle plus ancien dû à Constantin Céphalas. Jusqu’à la découverte du manuscrit de l’Anthologie palatine à Heidelberg au tout début du XVIIe siècle et, surtout, à sa publication plus tardive encore au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’Europe ne devrait sa connaissance de la poésie épigrammatique grecque qu’à l’intermédiaire de ce recueil, connu sous le nom d’Anthologie de Planude. Son premier éditeur, immense helléniste né sur le sol byzantin en 1445, avait été l’élève à Padoue d’un autre Grec en exil, Démétrios Chalcondylès, qui occupait alors la chaire de grec du Studio et était lui-même un fort bon connaisseur de l’Anthologie, dont il avait personnellement copié un manuscrit en 1466.
« Résurgence d’un manuscrit de Sur l’avancement de la métaphysique réelle… que Leibniz envoya à Bossuet : périple et leçons », par Michaël Devaux.
En mars 1694, Leibniz publiait dans les Acta Eruditorum un article célèbre où la substance était pensée par la force. Il argumentait, à partir de cette clef, De primæ philosophiæ emendatione – ainsi que commence le titre. Il venait d’inventer la dynamique (1690), et était à la veille de renommer la substance simple « monade » (1695). Il avait envisagé de faire publier la version française de cet article dans Le Journal des sçavans. Cette traduction ajoute environ vingt-cinq lignes en trois passages principalement (mis entre anglets dans notre édition infra). À dessein, le texte avait été envoyé à Bossuet mais ne parut pas. Dom Jean-Pierre de Foris avait édité en 1778 cette traduction française à partir du manuscrit envoyé par Leibniz se trouvant alors encore dans les papiers de Bossuet. Tous les autres éditeurs tant de Bossuet que de Leibniz ont ensuite reproduit l’édition du mauriste, le manuscrit n’étant plus dans les collections publiques ou connues des archives de Bossuet. Les savants éditeurs des Sämtliche Schriften und Briefe de Leibniz, la grande édition académique commencée en 1901, en jugeaient le manuscrit perdu dans le volume A II/2 paru en 2009 qui contenait ce texte. Ni le brouillon, ni le manuscrit mis au propre envoyé à Bossuet, ni une éventuelle seconde mise au propre préparée (?) pour Louis Cousin, éditeur du Journal, ne leur étaient connus. Nous avons exhumé à Oxford le manuscrit envoyé à Bossuet. Nous en retraçons ici le parcours et l’importance et le rééditons, de façon critique pour la première fois. Trois cent vingt-huit ans plus tard, ce texte paraît donc dans le Journal des Savants comme Leibniz en avait formé le vœu !
« Sur l’avancement de la métaphysique réelle, et particulièrement sur la nature de la substance expliquée par la force » de G. W. Leibniz.
L’histoire de ce manuscrit puis l’importance philosophique de ce texte ont été retracées puis soulignées dans l’article qui précède. Nous pourrons nous contenter ici d’expliciter les principes de notre édition, d’indiquer la tradition éditoriale antérieure et de donner ce qui se trouve dans les régions périphériques de la première page avant de fournir notre édition et annotation du manuscrit.
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