Publications Journal des Savants : Janvier – Juin 2023
278p., 25 ill. Parution juin 2023. Abonnement : l’année 2023 en 2 fasc.,
Présentation
« Le Commentaire au Serment attribué à Galien : édition et traduction commentée des fragments retrouvés dans un manuscrit arabe du IXe siècle (« Papiers de Damas », liasses 12 961, 12 869 et 13 056) », par Caroline Magdelaine et Jean-Michel Mouton, correspondant français de l’Académie.
L’incendie de la grande mosquée de Damas en 1893 a révélé l’existence, à l’est de la salle de prière, d’un dépositoire de vieux papiers contenant plus de 200 000 feuillets. Cette collection, connue sous le nom de « Papiers de Damas » et transférée à Istanbul à la fin de l’époque ottomane, n’a commencé à être étudiée qu’au début des années 1960 par Janine et Dominique Sourdel, qui ont mené une
dizaine de missions d’études sur place et ont fait photographier une partie du fonds auquel nous avons pu avoir accès. Lors de trois communications, nous avons signalé la découverte, parmi ces clichés, de douze feuillets contenant des passages que nous avons identifiés comme étant des fragments du Commentaire au célèbre Serment hippocratique transmis dans le monde arabe sous le nom de Galien. En effet, certains d’entre eux, assez brefs, recoupent des extraits déjà connus, réunis et traduits par F. Rosenthal dès 1956, tandis que les autres sont totalement inédits. Pour présenter cette découverte et son intérêt scientifique, nous n’avions publié et traduit jusqu’à présent que quelques passages inconnus de ce commentaire qui nous avaient semblé particulièrement intéressants. Aussi nous a-t-il paru utile de livrer cette fois l’ensemble du texte arabe et de la traduction commentée de ces douze feuillets, auxquels il faut désormais ajouter un feuillet isolé, photographié lors de la dernière mission de Dominique et Janine Sourdel, effectuée en 1973.
« Le culte de Marcellin d’Embrun », par Thierry Pécout.
Malgré de récentes réhabilitations, le culte des saints évêques médiévaux pâtit toujours de l’idée d’une crise de la sainteté épiscopale au Moyen Âge finissant, parfois perçue dès le XIIIe siècle. C’est que la figure du pasteur présente le paradoxe d’une certaine viscosité et d’un caractère protéiforme et qu’elle est de ce fait malaisée à appréhender. Elle est sans cesse sur le métier de la réécriture cléricale
d’une tradition, tout particulièrement lorsqu’on a affaire à un culte se présentant comme antique comme c’est le cas pour celui de Marcellin d’Embrun. En outre, elle suscite localement des phénomènes de « cristallisation » de cultes secondaires ou ne reposant quelquefois que sur des traditions orales. Marcellin parmi d’autres pourra aider à comprendre ces processus. Cet évêque et confesseur d’Embrun et ses compagnons Vincent et Domnin sont vénérés en cette cathédrale mais aussi en celle de Digne. Ils ont donné lieu à quelques études, quelquefois dans un contexte de polémiques locales. Seul Marcellin a généré un corpus ancien de textes hagiographiques et sa Vita est réputée l’une des plus anciennes en Provence conservées sous forme manuscrite. Il est vrai que parmi les saints évêques fondateurs des diocèses provençaux, rares sont ceux qu’illustrent des Vitæ transmises par des manuscrits antérieurs à l’an mil ou dont la rédaction antique est avérée.
« “Car vous savez que le sage dit…”. L’Histoire de la destruction de Troie de Guido delle Colonne dans la VIe de saint Louis de Jean de Joinville », par Jacques Berlioz.
Dans sa Vie de saint Louis, composée entre 1305 et 1309, Jean de Joinville, mort en 1317, rapporte la réaction, qu’il juge excessive, du roi Louis à l’annonce de la mort de sa mère, Blanche de Castille :
A Sayette vindrent les nouvelles au roy que sa mere estoit morte. Si grant deul en mena que de .II. jours en ne pot onques parler a li. Aprés ce m’envoia querre par un vallet de sa chambre. Quant je ving devant li en sa chambre la ou il estoit tout seul et il me vit, et estandi ses bras et me dit : « A seneschal, j’ai pardue ma mere. » Et je luy respondi : « Sire, je ne m’en merveille pas, fis je, que a mourir avoit elle. Mes je me merveille que vous, qui estes un sage home, avez mené si grant deul. Car vous savez que le sage dit que mesaise que l’omme ait ou cuer ne li doit paroir ou visage ; car cil qui le fet en fet liez ses ennemis et en mesaise ses amis. » Moult de biaus servises en fit faire outre mer ; et aprés il envoia en France un sommier chargé de lettres de prieres aus esglises pour ce que il priassent pour li. « À Sayette parvint au roi la nouvelle que sa mère était morte. Il en manifesta une si grande douleur que de deux jours on ne put jamais lui parler. Après cela, il m’envoya chercher par un valet de sa chambre. Quand je vins devant lui dans sa chambre, où il était tout seul, et qu’il me vit, il étendit ses bras et me dit : “Ah ! sénéchal, j’ai perdu ma mère.” Et je lui répondis : “Sire, je ne m’en meure. Mais je m’étonne que vous, qui êtes un homme sage, ayez manifesté une si grande douleur. Car vous savez que le sage dit que la souffrance que l’homme peut avoir au cœur ne doit pas paraître sur son visage ; car celui qui la laisse paraître en rend ses ennemis joyeux et attriste ses amis.” Il lui fit faire beaucoup de très beaux services outre-mer ; et après il envoya en France un cheval de bât chargé de lettres de prières adressées aux églises, afin qu’on prie pour elle. » étonne pas, fis-je, car il fallait bien qu’elle ».
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